La Russie a annoncé, le 19 avril, par le biais de son ministre de la Défense Sergueï Choïgou la mise en œuvre de son «plan de libération des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk». Ces deux territoires de l'est ukrainien qui avaient fait sécession en 2014, refusant de reconnaître les nouvelles autorités de Kiev issues d'un coup d'Etat, avaient été reconnus comme indépendants par la Russie peu avant le lancement de l'offensive militaire du 24 février. Vladimir Poutine avait notamment justifié cette intervention par la nécessité selon lui de «démilitariser», de «dénazifier» l'Ukraine, mais également de protéger les populations, largement russophones, de ces territoires.
«L'armée russe exécute les tâches fixées par le chef des armées», a ainsi souligné Sergueï Choïgou, alors que les forces russes s'étaient dans un premier temps déployées au-delà du Donbass, ciblant selon Moscou exclusivement les infrastructures militaires. Tandis que la Défense russe appelle les combattants ukrainiens à déposer les armes, le ministre russe a déploré que l'Occident fasse «durer» le conflit en livrant des armes à Kiev. Le pouvoir ukrainien, qui dénonce tout comme ses alliés occidentaux une guerre d'invasion, a de son côté appelé ses troupes à combattre jusqu'au bout.
Multiplication des frappes dans l'Est
Dans les faits, ce «plan de libération» du Donbass a donc pris la forme d'une concentration de l'effort militaire russe à l'est du territoire ukrainien.
«Des missiles de haute précision des forces aérospatiales russes ont neutralisé 13 bastions d’unités militaires ukrainiennes» ainsi que «des lieux de concentration de troupes» dans les environs des agglomérations de Slaviansk, Barvenkovo et Popasnaïa, a ainsi détaillé Igor Konachenkov, porte-parole du ministère russe de la Défense, ce 19 avril.
Par ailleurs, «l’aviation tactique et l’aviation militaire des forces aérospatiales russes ont effectué des frappes sur 60 infrastructures militaires», dont 53 sites de concentrations de troupes et de matériel militaire et trois points de commandement. Deux dépôts de stockage de têtes de missiles tactiques Totchka-U ont de plus été détruits, selon la même source, dans les localités de Tchervona Polyana, dans la région de Lougansk, et Balakliia, dans la région de Kharkiv.
Toujours selon la Défense russe, près de 1 260 infrastructures militaires ukrainiennes ont ainsi été frappées. L'armée russe affirme avoir touché 25 positions de commandement de l'armée dans les environs des agglomérations de Mykolaïv et Kirovsk, des entrepôts de munitions, ainsi que deux systèmes de missiles Bouk-M1.
En outre, deux missiles tactiques ukrainiens Totchka-U ont été interceptés près des agglomérations de Petropolie et Malaaïa Kamychevakha, tandis que l'aviation russe a abattu un MiG-29 ukrainien dans les environs de Malinovka, dans la région de Donetsk. Enfin, quatre drones ukrainiens ont été détruits selon le décompte ministériel.
«Cette opération dans l’est de l’Ukraine vise, comme cela a été annoncé dès le début, à libérer complètement les républiques de Donetsk et de Lougansk. Et l’opération va se poursuivre, une autre étape de cette opération commence. Et je suis sûr que ce sera un moment important de toute l’opération spéciale», a pour sa part résumé le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov dans un entretien à la télévision indienne ce 19 avril.
Zelensky appelle à combattre jusqu'au bout
«Nous pouvons maintenant affirmer que les troupes russes ont commencé la bataille pour le Donbass, à laquelle elles se préparent depuis longtemps. Une très grande partie de l'ensemble de l'armée russe est désormais consacrée à cette offensive», a déclaré, dans la soirée du 18 avril, le chef de l'Etat ukrainien Volodymyr Zelensky dans un discours retransmis sur Telegram. «Peu importe combien de soldats russes sont amenés jusqu'ici, nous combattrons. Nous nous défendrons», a-t-il assuré.
Andriï Yermak, chef de cabinet du président Zelensky, a ajouté dans un message Telegram qu'il était désormais clair que «la deuxième phase de la guerre» avait débuté. Et d'ajouter : «Faites confiance aux forces armées de l'Ukraine.»
«C'est l'enfer. L'offensive a commencé, celle dont on parle depuis des semaines», a de son côté annoncé sur Facebook Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la partie de la région de Lougansk contrôlée par Kiev. Il a évoqué des combats dans une série de localités, dont Roubijné et Popasna.
Il a reconnu que la ville de Kreminna était «malheureusement sous le contrôle des orques», le surnom péjoratif donné aux militaires russes. Cette ville, qui comptait environ 18 000 habitants avant la guerre, se trouve à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Kramatorsk, la capitale ukrainienne du bassin houiller du Donbass. De son côté, l'état-major ukrainien a annoncé que ses forces avaient détruit dix tanks, 18 autres blindés, huit véhicules, un système d'artillerie et un mortier dans les régions de Donetsk et Lougansk.
L'armée russe propose à nouveau aux forces ukrainiennes présentes à Marioupol de se rendre
A Marioupol où sont retranchées des forces ukrainiennes, après un premier appel à déposer les armes lancé le 17 avril, les forces armées russes ont proposé une nouvelle fois aux «combattants des bataillons nationalistes et aux mercenaires étrangers de cesser toutes les actions de combat et de déposer leurs armes à compter du 19 avril à 12 heures (heure de Moscou)», selon un communiqué du ministère de la Défense russe. L'armée russe propose ainsi aux combattants retranchés dans le complexe métallurgique d'Azovstal de cesser leur combat, leur promettant la vie sauve s'ils sortent de l'usine sans armes et sans munitions entre 14h et 16h (11het 13h GMT). «Nous appelons les autorités officielles de Kiev à faire preuve de raison et à donner des instructions appropriées aux combattants de cesser leur résistance inutile et de quitter leur foyer de résistance», clame le communiqué, qui ajoute : «Réalisant qu’ils ne vont pas recevoir de tels ordres et commandes de la part des autorités de Kiev, nous les appelons à prendre cette décision de manière indépendante et à déposer leurs armes.»
La Russie a entamé son offensive militaire en Ukraine le 24 février dernier à la suite, selon Moscou, de l'incapacité de l'Ukraine à appliquer les termes des accords de Minsk. L'intervention a été immédiatement condamnée par de nombreux pays occidentaux comme une guerre d'invasion et a entraîné l'adoption de sanctions contre la Russie.
Fin mars, la Défense russe avait affirmé que tous les objectifs de la «première phase» de cette opération militaire avaient été atteints et qu'elle allait concentrer les «principaux efforts» de ses forces armées sur la «libération du Donbass». Depuis le début du conflit, l'armée russe affirme viser exclusivement les infrastructures militaires, ce que l'Ukraine conteste, l'accusant d'avoir sciemment visé des civils. Moscou accuse par ailleurs les forces ukrainiennes, et en particulier les bataillons ultranationalistes, d'utiliser les civils comme boucliers humains.