S'exprimant le 16 mars à l'occasion d'une rencontre sur les mesures de soutien socio-économique aux régions russes, Vladimir Poutine a adressé un avertissement sans ambiguïté à ce qu'il a qualifié de «cinquième colonne», ces Russes qui défendraient les intérêts des Occidentaux au détriment de ceux de leur pays.
Le chef d'Etat a estimé que les Occidentaux voulaient «retenter le coup de pousser [les Russes] jusqu'au bout, de [les] achever», de transformer la Russie en un «pays faible et dépendant». «Ça n'a pas marché à l'époque, et ça ne marchera pas aujourd'hui», a-t-il assuré.
Tout peuple, et encore plus le peuple russe, sera toujours capable de distinguer un vrai patriote d'une racaille et d'un traître et les recrachera simplement comme un moucheron qui serait rentré dans la bouche par hasard, sur le trottoir
Pour y parvenir, la stratégie des Occidentaux se baserait notamment en Russie, selon le président russe, sur «des traîtres de leur pays, sur ceux qui gagnent de l'argent ici, chez nous, mais qui vivent là-bas». «Je ne juge pas du tout ceux qui ont des villas à Miami ou sur la Côte d'Azur, qui ne peuvent pas se passer de foie gras, d'huîtres et des prétendues "libertés de genres" ; ce n'est pas ça qui pose problème», a fait valoir Vladimir Poutine, ajoutant que le problème venait du fait que beaucoup de ces Russes «résident mentalement là-bas et pas ici, avec notre peuple, avec la Russie». Selon le président ces derniers, par leur volonté d'intégrer ce qu'ils voient comme une «caste supérieure», «oublient — ou ne comprennent pas du tout —, que si cette prétendue caste supérieure a besoin d'eux, c'est uniquement en tant que chair à canon, les utilisant pour causer un maximum de dégâts à notre peuple».
D'après le chef d'Etat, l'Occident utiliserait cette «cinquième colonne» pour essayer de diviser la société russe, spéculer sur les pertes de l'armée au combat, sur les conséquences socio-économiques des sanctions, ou encore en cherchant à provoquer une confrontation civile en Russie : «Son unique objectif, comme je l'ai déjà dit, est la destruction de la Russie.» «Or tout peuple, et encore plus le peuple russe, sera toujours capable de distinguer un vrai patriote d'une racaille et d'un traître et les recrachera simplement comme un moucheron, qui serait rentré dans la bouche par hasard, sur le trottoir. Je suis convaincu qu'une telle autopurification naturelle et nécessaire de la société ne fera que renforcer notre pays», a encore déclaré Vladimir Poutine.
Ces mises en garde surviennent après la prise de mesures, en Russie-même, en lien avec l'offensive en Ukraine. Le 4 mars, le président a signé un texte voté par les députés, punissant d'amendes ou de peines de prison la publication d'informations jugées «mensongères» sur l'action de l'armée ou l'appel à des sanctions contre Moscou. Cette loi prévoit notamment jusqu'à «10 à 15 ans de prison» en cas de diffusion de fausses informations sur l'armée provoquant des «conséquences graves».
«Vos élites sont obsédées par leurs intérêts égoïstes», dit Poutine aux citoyens occidentaux
Lors de la même prise de parole, le président russe a également tenu à adresser un message aux citoyens occidentaux, les appelant à ne pas mettre «sur le dos» de la Russie toutes les difficultés auxquelles ils sont confrontés, en particulier depuis l'intervention russe en Ukraine : «Je veux être entendu par les citoyens ordinaires des Etats occidentaux. On essaie maintenant de vous convaincre, avec insistance, que toutes vos difficultés sont le résultat des actions hostiles de la Russie et que vous devez payer de votre poche la lutte contre la mythique "menace russe"», a déclaré le chef d'Etat.
«Tout ceci est un mensonge, et la vérité est que les problèmes actuels auxquels sont confrontés des millions de personnes en Occident sont le résultat de nombreuses années d’actions des élites dirigeantes de leurs propres Etats. De leurs erreurs, leur courte vue et leurs ambitions», a-t-il poursuivi, affirmant que ces élites ne réfléchissaient pas à la façon d’améliorer la vie de leurs citoyens dans les pays occidentaux mais étaient «obsédées» par leurs intérêts égoïstes.
Des sanctions occidentales pour condamner l'offensive russe en Ukraine
Les relations entre l'Occident et la Russie, qui étaient déjà particulièrement tendues ces derniers mois, le sont davantage encore depuis le déclenchement de l'offensive militaire russe en Ukraine le 24 février. Cette opération vise, selon Vladimir Poutine, à «démilitariser» et «dénazifier» l'Ukraine et à venir en aide aux Républiques populaires autoproclamées de Donetsk et Lougansk dont Moscou a reconnu l'indépendance vis-à-vis de l'Ukraine. Les Occidentaux, qui dénoncent une guerre d'invasion, ont multiplié les sanctions contre la Russie ces dernières semaines, à l'encontre notamment de particuliers et d'entreprises.
L'Assemblée générale de l'ONU a en outre voté, le 2 mars, en faveur d'une résolution appelant Moscou à retirer «immédiatement, complètement et sans conditions toutes ses forces militaires» d'Ukraine. Plus récemment, le 16 mars, le président des Etats-Unis Joe Biden a désigné son homologue russe de «criminel de guerre», ce qui a été qualifié par le porte-parole du Kremlin de propos «inacceptables et impardonnables».