Le président russe Vladimir Poutine a signé un texte qu'ont adopté, plus tôt ce 4 mars, les députés russes de la Douma. Celui-ci prévoit de lourdes peines de prison et des amendes pour toute personne publiant des «informations mensongères» sur l'armée, ou appelant à des sanctions contre la Russie.
Alors que l'opération militaire russe se poursuit en Ukraine – pour «démilitariser» et «dénazifier» le pays selon Moscou et pour envahir l'Ukraine selon Kiev et ses alliés – cet amendement adopté en troisième lecture prévoit notamment jusqu'à «10 à 15 ans de prison» en cas de diffusion de fausses informations sur l'armée provoquant des «conséquences sérieuses». La peine pour publication d'«informations mensongères» sur l'action des soldats russes va quant à elle d'une amende à jusqu'à trois ans de prison, et cinq à dix ans lorsqu'elles émanent de représentants ou d'une organisation ayant créé «de manière artificielle» de fausses preuves «ou motivées par la haine».
Les «appels à imposer des sanctions à la Russie» seraient pour leur part punis d'une amende ou d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de prison, selon le texte.
Guerre de l'information ?
Quelques jours plus tôt, le régulateur russe des médias, Roskomnadzor, avait mis en demeure plusieurs organes de presse faisant référence à une «invasion» ou à des pertes civiles liées à l’offensive russe. Une restriction d’accès et des amendes administratives sont encourues. Parmi les médias ciblés figuraient le journal Novaïa Gazeta, dont le rédacteur en chef est le prix Nobel de la paix 2021, la chaîne en ligne Dojd ou le site Mediazona, qui sont déjà classés «agents de l’étranger» en Russie.
Selon Roskomnadzor, ces médias auraient diffusé de fausses informations en affirmant que «les forces armées russes tirent sur des villes ukrainiennes». Il leur est également reproché d’avoir indiqué que «l'opération menée est qualifiée d'offensive, d'invasion ou de déclaration de guerre».
Ce 4 mars, le régulateur des médias a par ailleurs annoncé avoir restreint l'accès à quatre médias indépendants, dont l'édition russophone de la BBC, à la demande du parquet.
En face, côté occidental, RT a été purement et simplement interdit sur l'ensemble du territoire européen, sur bases d'accusations de «propagande». Les autorités européennes et françaises (qui ont bloqué tous les canaux de diffusions de RT France) n'ont fourni aucun exemple de fausse information qui auraient été diffusées par notre média, qui émettait conformément au droit français avec une convention avec l'ARCOM (ex-CSA). En quatre ans de diffusions et malgré une surveillance accrue, le régulateur n'avait jamais sanctionné RT France.
Vladimir Poutine avait annoncé tôt le 24 février une opération militaire en Ukraine, qui vise selon lui à défendre les Républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, dont il a reconnu l'indépendance trois jours plus tôt, mais aussi selon ses termes à «démilitariser et dénazifier l’Ukraine». Cette opération est qualifiée de guerre d'invasion par l'Ukraine et ses alliés occidentaux. Ces derniers ont multiplié les sanctions contre Moscou ainsi que les livraisons d'aide militaire à Kiev, sans pour autant intervenir sur le terrain. L'offensive russe a fait, dans des capitales occidentales mais aussi en Russie, l'objet de manifestations de contestation. Alors que Moscou affirme viser exclusivement les infrastructures militaires ukrainiennes – tout en ayant par exemple reconnu avoir frappé la tour de diffusion de la télévision de Kiev – l'ONU rapporte que le conflit a fait 249 morts et 553 blessés parmi les civils depuis le 24 février, mais que le bilan réel est bien plus élevé.
Avant l'intervention militaire russe, le conflit dans le Donbass entre l'armée ukrainienne et les séparatistes de l'est ukrainien avait quant à lui fait plus de 14 000 morts selon un bilan des autorités ukrainiennes datant de mai 2021. Parmi ceux-ci figurent des soldats ukrainiens, des combattants des républiques autoproclamées ainsi que des civils.
Dans le détail, plus de 2 600 civils ont trouvé la mort dans le Donbass depuis 2014 et 5 500 civils y ont été blessés, selon des chiffres publiés le 23 février par le Comité d’enquête de la Fédération de Russie.