Le Mali demande à la France de retirer «sans délai» ses soldats de Barkhane et Takuba
- Avec AFP
Les autorités maliennes ont qualifié le désengagement français de «violation flagrante» des accords entre les deux pays. Emmanuel Macron a répondu que la France se retirerait «en bon ordre» et ne transigerait pas sur la sécurité de ses soldats.
Ce 18 février, le gouvernement malien a demandé à la France de «retirer sans délai» ses soldats du Mali, s'attirant une fin de non-recevoir du président français Emmanuel Macron. Au lendemain de l'annonce par ce dernier d'un retrait échelonné sur les prochains mois, le chef de l'Etat a également mis en garde contre toute atteinte à la sécurité des troupes françaises.
Au regard de ces manquements répétés [aux] accords de défense, le gouvernement invite les autorités françaises à retirer, sans délai, les forces Barkhane et Takuba du territoire national
Dans un communiqué lu à la télévision nationale, le porte-parole du gouvernement installé par les militaires, le colonel Abdoulaye Maïga, qualifie l'annonce du désengagement français de «violation flagrante» des accords entre les deux pays. Il déclare également que les résultats de neuf ans d'engagement français au Mali «n'ont pas été satisfaisants». «Au regard de ces manquements répétés [aux] accords de défense, le gouvernement invite les autorités françaises à retirer, sans délai, les forces Barkhane et Takuba du territoire national, sous la supervision des autorités maliennes», a déclaré le colonel Maïga.
«Le gouvernement rappelle que, par rapport aux résultats attendus, les résultats obtenus et annoncés officiellement par les autorités françaises n'ont pas été satisfaisants», qu'il s'agisse de l'opération Serval en 2013 ou de Barkhane qui lui a succédé, dit le communiqué lu ce jour vers midi.
Emmanuel Macron annonce un retrait «en bon ordre»
«Nous avons annoncé la réarticulation du dispositif et il s'appliquera en bon ordre afin d'assurer la sécurité de la mission des Nations unies et de toutes les forces déployées au Mali. Je ne transigerai pas une seconde sur leur sécurité», a averti le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse à l'issue du 6e sommet entre l'UE et l'Union africaine à Bruxelles. Le dispositif français va se repositionner au Niger, a précisé Emmanuel Macron.
«La Minusma va-t-elle pouvoir rester au Mali ? Qui va assurer sa sécurité ?», a demandé le président de l'Union africaine, le Sénégalais Macky Sall. «La Minusma est une force de maintien de la paix. Ce sont des Casques bleus. Ils n'ont ni le matériel ni le mandat pour faire la guerre. Qui va les protéger?», a insisté le chef de l'Etat sénégalais.
Le Mali accueille également 15 000 soldats de l'ONU dans la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali). Créée en 2013 après le déclenchement des insurrections indépendantiste et djihadiste l'année précédente, c'est la mission la plus meurtrière au monde pour les Casques bleus (plus de 150 morts dans des actes hostiles). La Minusma a indiqué le 17 février étudier l'impact du retrait de la France et de ses partenaires.
La France et ses partenaires européens ont officialisé le 17 février leur retrait militaire du Mali, conduisant les autres acteurs étrangers présents dans le pays à s'interroger ouvertement sur leur engagement. Ils ont invoqué les «multiples obstructions des autorités [maliennes]».
Paris et ses partenaires souhaitent toutefois «rester engagés dans la région [sahélienne]» et étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d'Afrique de l'Ouest], où les djihadistes menacent de se disséminer, selon une déclaration conjointe signée par 25 pays européens, africains et le Canada.
L'aboutissement de tensions croissantes
Cette demande de retrait immédiat de la part des colonels arrivés au pouvoir par la force en août 2020 est un nouveau défi à l'ancien partenaire français, après des mois d'escalade des tensions.
Quelque 2 400 militaires français sont déployés au Mali, sur un total de 4 600 au Sahel. Le désengagement de ces hommes, le démantèlement de leurs bases, ainsi que l'évacuation des matériels – dont des centaines de véhicules blindés – représentait déjà en soi un chantier colossal et dangereux. Le président français avait ainsi indiqué le 17 février que la fermeture des trois bases de Gao, Ménaka et Gossi, s'étalerait sur quatre à six mois.
Se réclamant de la souveraineté nationale, le nouveau gouvernement malien n'a cessé depuis des semaines de compliquer les opérations de la France, mais aussi celles de ses partenaires et des forces étrangères présentes au Mali. Il a ainsi poussé vers la sortie le contingent danois du groupement de forces spéciales européennes Takuba initié par la France, ou encore instauré des demandes d'autorisation préalables de vol.
La France et les Occidentaux dénoncent par ailleurs l'appel fait, selon eux, par les autorités maliennes au groupe de sécurité privée russe Wagner. Les autorités maliennes assurent ne pas recourir à des mercenaires et parlent de coopération d'Etat à Etat avec la Russie.
La France, les Etats ouest-africains et une partie de la communauté internationale se sont émus par ailleurs que les militaires révoquent leur engagement initial à organiser en février 2022 des élections qui auraient ramené les civils au pouvoir, et qu'ils entendent à présent rester encore plusieurs années. Le gouvernement malien invoque la nécessité de profondes réformes ett s'arcboute sur la souveraineté nationale depuis que la communauté des Etats ouest-africains (Cédéao) a infligé au Mali de lourdes sanctions économiques et diplomatiques le 9 janvier. Il accuse également la France d'instrumentaliser contre lui les organisations africaines.