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Bolivie : début du procès contre l'ex-présidente par intérim qui a entamé une grève de la faim

Accusée d'avoir participé au coup d'Etat contre Evo Morales par des «décisions contraires à la Constitution» et «manquement au devoir», Jeanine Anez a entamé une grève de la faim à la veille de l'ouverture de son procès ce 10 février.

Le procès de Jeanine Anez s'ouvre ce 10 février à La Paz. L'ancienne présidente par intérim autoproclamée de Bolivie a annoncé la veille entamer une grève de la faim.

«Je prends l'une des décisions les plus difficiles de ma vie. Aujourd'hui, je fais une grève de la faim, je désespère de voir un pays sans justice ni loi», déclare-t-elle dans une lettre manuscrite que son équipe a communiqué à la presse le 9 février. Dans celle-ci, Anez espère que cette action «aidera la communauté internationale à comprendre que la justice en Bolivie appartient à Evo Morales et Luis Arce» qu'elle qualifie de «machos». «Je suis malade, mais ma dernière force sera de montrer que ces hommes, machos du pouvoir, ne pourront pas cacher à l'histoire les fraudes qu'ils ont commises», ajoute-t-elle. 

L'ancienne sénatrice de droite avait pris le pouvoir en 2019 pendant un an alors qu'un coup d'Etat avait poussé à la démission l'ancien président socialiste Evo Morales (2006-2019). Le 12 novembre 2019 en plein troubles post-électoraux, Jeanine Anez, alors deuxième vice-présidente du Sénat, s'était proclamée présidente par intérim de Bolivie, entrant au palais présidentiel une grande bible à la main. 

Incarcérée depuis onze mois, la femme de 54 ans est poursuivie pour «décisions contraires à la Constitution» et «manquement au devoir», dans le cadre de cette affaire baptisée «Coup d'Etat II». Elle est également poursuivie pour «terrorisme», «sédition» et «conspiration», mais sur ce volet, baptisé «coup d'Etat I», l'enquête est toujours en cours. Elle est également accusée de «génocide» après des plaintes de familles de victimes de la répression menée par les forces de l'ordre en novembre 2019 dans des fiefs de Evo Morales et où 22 personnes ont été tuées. 

Soutenue par Washington et nominée pour le prix Sakharov

«J'ai assumé la présidence de la Bolivie sans la demander, sans la rechercher et encore moins l'attendre [...] avec pour seule mission d'organiser des élections et de pacifier le pays en crise», a écrit le 8 février cette avocate et ex-présentatrice de télévision, dans une lettre où elle se présente comme une «prisonnière politique».

Pour le Mouvement vers le socialisme (MAS) fondé par Evo Morales, à nouveau au pouvoir depuis l'élection de Luis Arce en octobre 2020, Jeanine Anez a violé les étapes constitutionnelles et elle faisait partie d'un complot ourdi par la droite bolivienne, l'Eglise catholique, l'Union européenne et l'Organisation des Etats américains (OEA) qui avait dénoncé des irrégularités dans le processus électoral.

Des allégations de fraudes électorales conjuguées à de violentes manifestations de rue, appuyées par l'armée et la police, avaient en effet poussé le président Morales et son gouvernement à la démission et à la fuite en novembre 2019. Depuis, des études, des rapports d'ONG et de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) ont démontré qu'il n'y a non seulement pas eu de fraude électorale, mais qu'il y a eu une véritable persécution politico-judiciaire des pro-Morales sous Jeanine Anez, et que des massacres avaient été perpétrés contre la population sous son autorité.

Dans une lettre adressée en octobre au président Arce, Jeanine Añez avait qualifié d'«absurdité inconcevable» son placement en détention car, selon elle, la Cour constitutionnelle avait entériné la légalité de son mandat en janvier 2020 avant que le Parlement n'en ratifie «la constitutionnalité». Son arrestation en mars avait suscité une large condamnation à Washington et dans les pays occidentaux. Jeanine Anez a aussi été sélectionnée pour le prix Sakharov 2021 de défense de la liberté de pensée du Parlement européen finalement décerné à l'opposant russe Alexeï Navalny.

Meriem Laribi