Dans une interview accordée au quotidien mexicain La Jornada, Luis Arce, fraîchement élu président de la Bolivie a exposé son analyse de l'année de transition de facto qui a suivi le coup d'état électoral dans son pays, après que l'ancien président Evo Morales a été accusé, sans fondement, de fraude fin 2019.
C'était un coup d'Etat sanglant
«C'était un coup d'Etat sanglant, qui a établi un régime qui n'était pas la démocratie. La promotion de Jeanine Añez était inconstitutionnelle. La population est blessée de ne pas avoir pu réagir en temps opportun». Tel est le bilan peu réjouissant que dresse Luis Arce, qui fut ministre de l'Economie sous la mandature d'Evo Morales. Selon lui «il faudra jusqu'à deux ans et demi à son nouveau gouvernement pour se remettre du désastre financier laissé par le régime de facto». Avant et depuis le début de la pandémie, la gestion économique était «mauvaise» sous le gouvernement de transition de Jeanine Añez dont la seule préoccupation était, poursuit-il, «d'empêcher le retour au pouvoir du MAS», son parti.
«Le taux de chômage était de 4% seulement. Maintenant, il dépasse 30%»
Pour étayer son propos, Luis Arce estime, dans cet entretien, que le PIB du pays pour cette gestion 2020 se situe entre moins 8 et moins 11%. D'autre part, le nouveau président rappelle que sous Morales, «le taux de chômage était de 4% seulement. Maintenant, il dépasse 30%». «Un autre élément est le déficit budgétaire. Nous nous attendions à atteindre un déficit de 6%. Mais déjà à ce stade, alors que l'année n'est pas terminée, le déficit budgétaire est de 9%. 50% de plus !» s'alarme l'économiste.
Luis Arce se dit également très préoccupé par la question de la dette : «Nous avions laissé la dette à 25% du PIB. Maintenant, elle dépasse déjà 32%, approchant les 38%.» Le nouveau président s'inquiète enfin de l'augmentation de la dette intérieure de la Banque centrale qui «aurait quadruplé» selon ses estimations, «avec ses risques conséquents sur l'inflation».
Redresser l'économie bolivienne lui paraît donc «une tâche difficile» qui prendra au moins deux ans. «Heureusement, nous avons un plan pour faire avancer le pays», assure néanmoins le nouveau chef d'Etat. «Nous voulons le mettre en œuvre le plus rapidement possible. D'ici un an et demi, nous reviendrons aux chiffres que nous avions avant le coup d'Etat et la pandémie», promet-il.
Notre victoire aux élections appartient au peuple bolivien qui retrouve la démocratie, le processus de changement
En novembre 2019, Luis Arce, ministre de l'Economie du gouvernement d'Evo Morales, s'était réfugié au Mexique. Vainqueur au premier tour des élections du 18 octobre avec plus de 55% des voix, il prendra ses fonctions de président de l'Etat plurinational de Bolivie le 8 novembre. Commentant cette victoire éclatante, il a déclaré : «Notre victoire aux élections appartient au peuple bolivien qui retrouve la démocratie, le processus de changement. Le message est clair : il n'est pas possible, avec un coup d'Etat, de détruire un processus qui a donné la prospérité à un peuple, économiquement et socialement. Les gens, en fin de compte, savent comprendre et sont très justes.»
L'ex-président Evo Morales envisage un retour au pays pour le 9 novembre, après un an d'exil, d'abord au Mexique, puis en Argentine.
Meriem Laribi