Moscou s'interroge sur des éléments troublants de l'affaire Navalny qui ont récemment fait surface. Le 6 juillet dernier, le représentant permanent de la Russie auprès de l'OIAC (Organisation pour l'interdiction des armes chimiques), Alexandre Choulguine, a ainsi interpellé l'organisme international au sujet d'une information rendue publique par celui-ci.
«La version originale du projet de rapport de l'OIAC sur la mise en œuvre de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC), qui a été préparé par le Secrétariat technique de l'Organisation, indiquait que, à la demande de l'Allemagne, le Secrétariat technique avait envoyé une équipe d'experts dans ce pays, le 20 août [2020], afin de fournir une assistance technique dans le cadre de l'empoisonnement présumé du blogueur russe Alexeï Navalny», rappelle Alexandre Choulguine dans un commentaire à RT ce 10 juillet, en référence à un document récemment mis en ligne par l'OIAC (paragraphe 1.41).
Or, c'est précisément le 20 août 2020 que l'activiste russe a été victime d'un malaise lors d'un vol entre Tomsk et Moscou, qui a provoqué l’atterrissage en urgence de son avion puis son l'hospitalisation à Omsk (Sibérie). Pourquoi l'Allemagne aurait-elle demandé et obtenu le déploiement d'experts de l'OIAC sur son territoire, avant même qu'Alexeï Navalny ne soit transféré à Berlin le 22 août ?
L'affaire Navalny [...] est loin d'être terminée. Il y a trop d'incohérences, d'inconsistances et d’angles morts
Si l'information fournie par l'OIAC est avérée, cela pourrait signifier, selon Alexandre Choulguine, que «toute cette histoire désagréable» – l'empoisonnement présumé d'Alexeï Navalny et ses lourdes répercussions internationales – a été «orchestrée de l'extérieur pour des raisons évidentes». «L'affaire Navalny [...] est loin d'être terminée. Il y a trop d'incohérences, d'inconsistances et d’"angles morts"», estime plus globalement le diplomate russe.
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a elle aussi soulevé l'étrangeté du texte d'avant-projet de l'OIAC, dans une publication sur Telegram le 10 juillet : «Le 20 août 2020, le citoyen russe Navalny était juste en train de voler de Tomsk à Omsk, et l’équipe de l’OIAC était déjà envoyée pour fournir une assistance technique dans le cadre d’un empoisonnement présumé par des armes chimiques [...] Pouvez-vous imaginer le temps qu’il a fallu [à l'Allemagne] pour rédiger une demande d’assistance à l’OIAC pour enquêter sur un empoisonnement par arme chimique ?», s'étonne-t-elle notamment.
L'affaire Navalny au cœur de tensions entre Occident et Russie
Pour rappel, l'opposant russe Alexeï Navalny accuse le Kremlin d'avoir tenté de l'empoisonner (une version également défendue par plusieurs gouvernements, dont ceux de la France, des Etats-Unis et de l'Allemagne), ce que réfute Moscou. Il a été traité dans un hôpital d'Omsk puis de Berlin, dont il est sorti sans séquelles.
Rentré en Russie depuis, il a été placé fin février 2021 en colonie pénitentiaire après qu'un tribunal de Moscou a confirmé en appel la révocation d'un sursis prononcé en 2014, pour violations répétées des conditions de celui-ci.