Une expédition humaine sur la Lune devrait avoir lieu dans les prochaines années, notamment avec le programme spatial américain Artemis qui comporte pour l'heure son lot de tensions outre-Atlantique. L'exclusivité qu'avait obtenue mi-avril l'entreprise d'Elon Musk pour concevoir un vaisseau permettant cette mission habitée avait en effet fait bondir les concurrents laissés de côté – Blue Origin et Dynetics – qui ont finalement déposé un recours afin de forcer la Nasa à interrompre son contrat avec SpaceX. La situation est désormais suspendue à une décision du Government accountability office (GAO), l'équivalent étasunien de la Cour des comptes, qui devrait être rendue début août.
C'est dans ce contexte que Blue Origin a publié le message suivant sur les réseaux sociaux : «La construction d'un atterrisseur humain sur la Lune a besoin de concurrence, pas de retard pour recommencer. L'équipe nationale a une architecture ouverte, une expérience approfondie, des investissements autofinancés massifs et une conception sûre et à faible risque pour retourner sur la Lune. Allons-y», a ainsi tweeté l'entreprise de Jeff Bezos le 27 mai. Elon Musk, taquin, n'a pas manqué de réagir depuis son compte personnel suivi par quelque 56 millions d'abonnés, demandant à son concurrent, sur le ton de l'ironie, de détailler le «faible coût» qu'il demanderait pour de tels travaux.
Dans les faits, en décrochant initialement un contrat de 2,9 milliards de dollars, la société d'Elon Musk se montrait plus compétitive que Blue Origin qui, comme elle l'a évoqué dans son recours déposé auprès du GAO, avait pour sa part fait une offre s'élevant à près de six milliards de dollars, soit plus du double.
Le Starship d'Elon Musk pourrait être opérationnel dès 2023
Mais selon Blue Origin, le fait de ne garder qu’une seule entreprise (au lieu de deux, comme prévu au départ) risquerait d’avoir un impact sur la qualité du système et pourrait compromettre le respect du délai pour l'expédition habitée, initialement prévue pour 2024, bien que les chances de tenir ce délai s'amenuisent. L’entreprise de Jeff Bezos a ainsi qualifié le choix de l'agence spatiale américaine d'«injuste et dangereux». Comme le rapporte la presse spécialisée, la solution de Blue Origin, baptisée Blue Moon, est un alunisseur ressemblant fortement à ceux utilisés lors du programme Apollo. «Il a été pensé avec des grands noms de l’industrie aéronautique américaine, à savoir Lockheed Martin, Draper et Northrop Grumman», explique à ce sujet le média en ligne Le siècle digital.
De son côté, SpaceX continue d'avancer sur le développement de sa fusée géante – le Starship – qui, selon Elon Musk, pourrait être opérationnelle dès 2023. Après une série de tests s'étant soldés par de multiples explosions à l'atterrissage, SpaceX a finalement réussi, le 5 mai, à poser sans encombre son dernier prototype, le SN15. Au-delà du juteux contrat sur lequel il mise dans le cadre du programme spatial habité de la Nasa, Elon Musk affirme régulièrement vouloir faire du Starship un vaisseau interplanétaire qu'il souhaite avant tout utiliser pour installer une colonie humaine sur Mars.
Regain d'enthousiasme autour de la Lune
Si la dernière expédition habitée sur notre satellite naturel remonte au mois de décembre 1972 (le sol lunaire est alors foulé par les pas des Américains Harrison Schmitt et Eugene Cernan au cours de la mission Apollo 17), le retour de l'homme sur la Lune connait ces dernières années un regain d'enthousiasme. En plus du programme Artemis, il fait ainsi désormais l'objet d'une volonté russo-chinoise d'exploration scientifique, les deux pays ayant récemment signé un mémorandum actant le projet de mettre en place une station lunaire scientifique internationale. Les agences spatiales chinoise et russe ont d'ailleurs récemment fait savoir qu'elles avaient invité leurs partenaires à se joindre à l'initiative.
Le regain d'attention autour de l'exploration de la Lune peut en partie s'expliquer par le fait que son pôle sud, en plus de l'exposition solaire quasi permanente dont il bénéficie par endroits, pourrait renfermer sous forme de glace un volume d'eau considérable, particulièrement précieux pour la production d'énergie sur place, tant pour y ravitailler des fusées que pour l'approvisionnement en électricité de futures bases humaines. Celles-ci pourraient un jour servir pour l'observation de l'espace profond ou encore comme base de lancement à de futurs vols interplanétaires.
Pour ce qui est de la compétition spatiale entre Elon Musk et Jeff Bezos, il est à noter que celle-ci ne se limite pas à la réalisation d'un atterrissage humain sur la Lune. Les deux hommes s'affrontent par exemple aussi sur les orbites basses de la Terre où chacun entend développer son propre réseau de satellites afin d'inonder la Terre d'internet très haut débit. A la clé : une manne financière qui pourrait, à terme, générer un chiffre d'affaires annuel allant jusqu'à plusieurs dizaines de milliards de dollars. A ce sujet, rappelons que la constellation Starlink de SpaceX dispose pour l'heure d'une large avance sur sa concurrente Kuiper, développée par la société Amazon.
Fabien Rives