Le soutien des Etats-Unis à une levée des brevets sur les vaccins contre le Covid-19 a suscité de l'intérêt à travers le monde, mais l'opposition de l'Allemagne pourrait faire dérailler la proposition, tandis que l'industrie pharmaceutique freine également des quatre fers.
Le 6 mai, un porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel s'est exprimé sur la situation en ces termes, rapportés par Bloomberg : «Les facteurs limitants pour la production de vaccins sont les capacités de fabrication et les normes de qualité élevées, pas les brevets». «La protection de la propriété intellectuelle est la source de l'innovation et doit continuer à l'avenir à le rester», a-t-il également mis en garde.
Pour le laboratoire allemand BioNTech, cette solution n'aurait qui plus est pas d'effet «à court et moyen termes» car la protection des brevets ne serait pas le facteur limitant la production et l'approvisionnement de son vaccin mis au point avec l'américain Pfizer. Le PDG de l'entreprise américaine Albert Bourla a d'ailleurs lui aussi confié à l'AFP n'être «pas du tout» en faveur d'une levée des brevets.
Egalement hostile à la proposition, la Suisse – où l'industrie pharmaceutique pèse lourd – a averti que la suspension des brevets ne favoriserait pas «un accès équitable, abordable et rapide aux vaccins, médicaments et produits de diagnostic contre le Covid-19».
Pour l'heure, les brevets sont essentiellement détenus par des laboratoires américains, qui sont donc globalement opposés à leur levée parce qu'elle les priverait, selon eux, d'un retour sur des investissements coûteux. L'annonce de Washington a d'ailleurs été qualifiée de «décevante» par la Fédération internationale de l'industrie pharmaceutique (IFPMA). Stephen Ubl, président de la Recherche et production pharmaceutique américaine (PhRMA), considère à ce sujet qu'une telle décision pourrait «davantage affaiblir les chaînes d'approvisionnement déjà tendues et favoriser la prolifération des vaccins contrefaits».
Conséquence du débat mondial, Pfizer, ainsi que Moderna, un autre groupe américain, et BioNTech ont enregistré une baisse de plus ou moins 2% de leurs cours le 6 mai à New York.
Une opposition à rebours d'un enthousiasme partagé par de nombreux dirigeants à travers le monde
Les réactions étaient toutefois plus nuancées du côté de l'Union européenne, jusqu'à présent opposée à pareille initiative, mais qui s'est dite, par la voix de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, «prête à discuter de toute proposition qui s'attaquerait à la crise de façon efficace et pragmatique».
De la même manière, alors qu'il était jusqu'alors réticent à la levée des brevets sur les vaccins contre le Covid-19, le président français Emmanuel Macron s'y est finalement dit «tout à fait favorable».
La Russie, qui vient d'homologuer le Spoutnik Light, son vaccin contre le coronavirus en une seule dose, «soutiendrait une telle approche», a assuré son président, Vladimir Poutine.
La patronne de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) Ngozi Okonjo-Iweala a quant à elle «chaleureusement» salué le 6 mai l'annonce faite la veille à ce sujet par les Etats-Unis. Elle a dans le même temps encouragé l'Inde et l'Afrique du Sud – à l'origine de cette proposition destinée à accélérer la production et la distribution des vaccins – à rapidement présenter un texte révisé, davantage acceptable par tous.
Emboîtant le pas au chef de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui avait parlé le 5 mai d'une «décision historique», un porte-parole des Nations unies s'est à son tour réjoui de cette initiative, qui «peut augmenter de manière importante l'approvisionnement du système Covax» de partage des vaccins avec les pays pauvres.
Tous s'exprimaient après les déclarations de la représentante américaine au Commerce Katherine Tai, selon laquelle, pour mettre fin à cette pandémie, le gouvernement américain a décidé de soutenir la levée provisoire de ces brevets.