Alors que les tensions sont vives ces dernières semaines autour de l'Ukraine, accusée par Moscou de «provocations» dans l'est du pays, les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) se réunissaient pour évoquer une fois de plus leurs relations avec la Russie, ce 19 avril. L'occasion pour le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell de se livrer à une spéculation sur le nombre de soldats russes mobilisés... quitte à verser dans la surenchère.
Borrell refuse de préciser ses sources
En conférence de presse à l'issue d'une visioconférence avec les ministres, Josep Borrell a ainsi accusé la Russie d'avoir déployé «150 000 militaires russes à la frontière avec l'Ukraine», considérant qu'il s'agissait «du déploiement le plus massif auquel nous ayons jamais assisté». Interrogé sur la fiabilité de ce chiffre, le dirigeant européen est resté particulièrement flou, refusant de livrer la source de son information : «Je ne peux pas vous dire d'où cela vient, mais c'est mon nombre de référence [...] C'est préoccupant. On n'est pas à l'abri d'un incident.»
Pourtant, dans le texte du discours du chef de la diplomatie européenne mis en ligne dans la soirée, le chiffre «de référence» du chef de la diplomatie a été corrigé et remplacé par celui de «100 000» hommes. En guise d'explication, toujours pas de source, mais une simple astérisque portant la mention : «Ce chiffre a été corrigé de 150 000.»
Une réaction à l'«activité croissante» de l'OTAN à la frontière russe
De son côté, Moscou n'a pas réagi dans l'immédiat à ces spéculations. Mais, si la Russie ne s'est pas exprimée sur le nombre exact de troupes déployées à sa frontière avec l'Ukraine, elle en a néanmoins expliqué les raisons à plusieurs reprises.
Le 2 avril, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov avait ainsi précisé que les mouvements de troupes russes à l'intérieur du territoire national étaient une mesure nécessaire «pour assurer la sécurité [des] frontières [russes]». Il avait évoqué «une activité croissante des forces armées de pays membres de l’OTAN, d’autres alliances et de pays indépendants [...] constatée le long de la frontière de la Russie».
«Cela ne doit inquiéter personne, cela ne pose aucune menace pour personne», avait alors poursuivi Dmitri Peskov.
Dans le contexte d'un regain de tensions entre Kiev et les forces rebelles, qui refusent de reconnaître les autorités issues du coup d'Etat de 2014, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov s'était pour sa part inquiété d'un risque de débordement du conflit voisin sur le territoire russe. «On entend des questions comme : "Que fait la Fédération de Russie à la frontière avec l’Ukraine ?". La réponse est très simple : on y vit», avait-il fait remarquer en conférence de presse le 12 avril.
Et le chef de la diplomatie russe d'ajouter : «Et quant à ce que font là-bas les Etats-Unis, leurs navires et leurs militaires qui organisent constamment des activités dans le cadre de l’OTAN en Ukraine, à des milliers de kilomètres de leur propre territoire, cette question reste, jusqu’à présent, sans réponse.»
Si les Etats-Unis ont finalement renoncé à déployer, comme cela avait été annoncé par Ankara, deux navires en mer Noire, la présence américaine dans la région est néanmoins bien réelle. Une délégation militaire étasunienne s'était en effet rendue quelques jours plus tôt dans le Donbass sur la ligne de front pour s'entretenir avec les troupes ukrainiennes, comme l'avait fait le président Volodymyr Zelensky le même jour. L'Ukraine doit par ailleurs mener des exercices militaires conjoints avec l'OTAN prochainement.
Toutefois, si Kiev n'a eu de cesse ces derniers jours de multiplier les appels à l'Union européenne et à l'Alliance atlantique en vue d'une adhésion, les deux institutions n'ont pas fait, pour l'heure, de pas concret dans cette direction.
Berlin, qui n'a toujours pas renoncé au projet de gazoduc Nord Stream 2 malgré les menaces américaines, avait même sensiblement tempéré les ardeurs des autorités ukrainiennes. «L'Ukraine a le droit de choisir librement et a ses propres besoins politiques. Néanmoins, aucune étape supplémentaire en vue de son adhésion n'est envisagée en ce moment», avait ainsi fait valoir Ulrike Demmer, une porte-parole du gouvernement allemand citée par DW le 7 avril.