Lors d'une conférence de presse organisée le 12 avril au Caire en compagnie du ministre des Affaires étrangères égyptien, Sameh Choukry, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a été interpellé par l'agence Interfax sur les regains de tensions observés en Ukraine récemment, alors que Moscou accuse Washington et l'OTAN de vouloir transformer le pays en «poudrière».
Le diplomate russe a recommandé à tous les pays impliqués dans le dossier, et notamment la Turquie, de «ne pas alimenter cet état d’esprit militariste». Evoquant la concentration des troupes russes à la frontière ukrainienne, il a déclaré : «On entend des questions du genre : "Que fait la Fédération de Russie à la frontière avec l’Ukraine ?". La réponse est très simple : on y vit.»
"Que fait la Fédération de Russie à la frontière avec l’Ukraine ?". La réponse est très simple : on y vit, c’est notre pays
Sergueï Lavrov a poursuivi en précisant que ce n'était pas le cas des Etats-Unis qui ont récemment annoncé dépêcher deux navires de guerre dans la mer Noire. «Et quant à ce que font là-bas les Etats-Unis, leurs navires et leurs militaires qui organisent constamment des activités dans le cadre de l’OTAN en Ukraine, à des milliers de kilomètres de leur propre territoire, cette question reste, jusqu’à présent, sans réponse», a-t-il indiqué.
Le 9 avril, le ministère turc des Affaires étrangères avait annoncé que deux navires de guerre allaient franchir le Bosphore vers la mer Noire afin d'y stationner jusqu'au 4 mai. Une quinzaine de jours avant leur entrée dans le Bosphore, Ankara s'était vue notifier par l'administration américaine l'arrivée de ces deux bâtiments de guerre puisqu'en vertu de la Convention de Montreux, la Turquie doit être avertie du passage de navires étrangers par le détroit du Bosphore.
Les Etats-Unis accusés de transformer l'Ukraine en «poudrière»
Le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov s'est lui aussi exprimé sur l'attitude des Etats-Unis lors d'une conférence de presse le 13 avril : «Les navires de guerre américains n’ont absolument rien à faire près de nos côtes. Les activités qu'ils mènent sont purement provocatrices.»
La responsabilité pour cette aggravation hypothétique de la situation reposera sur Kiev et ses parrains occidentaux
Et d'ajouter : «Ils nous mettent à l’épreuve pour tester notre force, nous tapent sur les nerfs. Ils ne réussiront pas.»
Il a par ailleurs accusé les Etats-Unis et l'OTAN de délibérément transformer l'Ukraine en «poudrière», en y augmentant son implication militaire. «Nous allons tout faire pour garantir notre sécurité et la sécurité de nos citoyens où qu'ils soient. Mais la responsabilité pour cette aggravation hypothétique de la situation reposera sur Kiev et ses parrains occidentaux», a mis en garde Sergueï Riabkov.
Egalement interrogé, lors de la conférence de presse du Caire, sur le récent voyage du président ukrainien, Volodymyr Zelensky en Turquie, Sergueï Lavrov a appelé les pays susceptibles de fournir des armes à l'Ukraine de se rappeler qu'après le «coup d’Etat anticonstitutionnel» mené en 2014, les nouvelles autorités n'avaient pas hésité à attaquer leur propre peuple «en les traitant de terroristes, alors que les habitants du Donbass n’ont attaqué personne sur le reste du territoire ukrainien». Le diplomate a indiqué espérer «que cette histoire n’a pas été oubliée, notamment par les pays qui examinent avec l’Ukraine la possibilité de livraisons de tel ou tel équipement militaire.»
À l'issue de cette rencontre du 10 avril entre Ankara et Kiev, les deux parties avaient indiqué qu'elles avaient décidé «d'intensifier les efforts conjoints pour approfondir la coopération» dans de nombreux domaines dont notamment celui de l'industrie de la défense. Comme le rapporte RFI, en 2019, la Turquie avait déjà vendu des drones à l’Ukraine destinés à équiper l'armée ukrainienne.
L'OTAN et le G7 haussent le ton
Dans un communiqué commun publié le 12 avril, les ministres des Affaires étrangères du G7 et le chef de la diplomatie de l'UE ont de leur côté appelé «la Russie à mettre un terme à ses provocations et à procéder immédiatement à une désescalade des tensions conformément à ses obligations internationales». Ils ont ajouté que les «mouvements de troupes [russes] à grande échelle, intervenant sans notification préalable, constitu[aient] une menace et un facteur de déstabilisation».
Ce 13 avril, au cours d'une conférence de presse avec le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba, le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg a quant à lui appelé Moscou à «cesser ce renforcement militaire dans et autour de l'Ukraine, [à] arrêter ses provocations et [à] entamer une désescalade immédiatement».
Lui aussi attendu à Bruxelles, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken s'est entretenu par téléphone avec Jens Stoltenberg, appelant la Russie à «cesser immédiatement son renforcement militaire agressif» à sa frontière.
Faisant part de son inquiétude quant à l'escalade en cours, Vladimir Poutine avait lui-même attribué à Kiev des «actions provocatrices». Moscou appelle en outre les autorités ukrainiennes à mettre en application les accords de Minsk afin d'apaiser la situation.
Comme le rapporte Reuters, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a par ailleurs démenti avoir reçu récemment une demande d'entretien du président ukrainien avec Vladimir Poutine, comme l'avait affirmé Volodymyr Zelensky.