Royaume-Uni : la Cour suprême refuse le retour d'une femme partie rejoindre Daesh en Syrie
- Avec AFP
Invoquant la «sécurité du public», la justice britannique a refusé le retour d'une jeune femme âgée de 21 ans, qui était partie rejoindre le groupe terroriste Daesh en Syrie en 2015. Plusieurs ONG ont condamné cette décision.
Le 26 février, la Cour suprême britannique a refusé que Shamima Begum, jeune femme âgée de 21 ans partie rejoindre le groupe Daesh en Syrie en 2015, revienne au Royaume-Uni pour contester la déchéance de sa nationalité britannique infligée en 2019 pour des raisons de sécurité nationale.
Dans sa décision, la haute juridiction a décidé de «suspendre le recours de Shamima Begum jusqu'à ce qu'elle soit en mesure d'y jouer un rôle effectif sans que la sécurité du public ne soit compromise». Cette décision vient donc annuler l'autorisation de retour de la jeune femme émise par la Cour d'appel d'Angleterre et du pays de Galles en juillet 2020. A l’époque, la Cour avait estimé que revenir au Royaume-Uni constituait pour elle la seule «manière juste et équitable» de contester sa déchéance de nationalité.
Si la plus haute instance judiciaire britannique estime que Shamima Begum représente toujours un danger pour le public et ne l’autorise donc pas à fouler le sol britannique, «ce n'est pas une solution parfaite car on ne sait pas combien de temps il faudra pour que ce soit possible, mais il n'y a pas de solution parfaite», a reconnu le président de la Cour, Robert Reed. Selon le magistrat, aucun élément n'a été apporté de la part du parquet ou de la police pour déterminer s'il est «possible ou approprié de s'assurer que Shamima Begum soit arrêtée à son retour et inculpée». «On ne sait pas davantage si, en cas d'arrestation et d'inculpation, elle resterait détenue, cela relève des tribunaux», a-t-il ajouté.
Le gouvernement de Boris Johnson salue la décision
Alors âgée de 15 ans, Shamima Begum avait quitté le Royaume-Uni (où elle était née) en 2015 avec deux amies pour rejoindre la Syrie. Sur place, elle avait épousé un djihadiste d'origine néerlandaise de huit ans son aîné. Aujourd'hui détenue par les forces démocratiques syriennes dans le camp de Roj, la jeune femme avait affirmé ne rien regretter, assurant avoir mené une vie «normale» à Raqqa, ex-bastion de Daesh en Syrie, et ne pas avoir été «du tout troublée» par la vision d'une tête coupée dans une poubelle, avait rapporté le Times.
Suite à cette décision de la Cour suprême, le porte-parole du Premier ministre Boris Johnson a salué la nouvelle, soulignant que «la sûreté et la sécurité du Royaume-Uni [devaient] passer en premier» et précisant que priver quelqu'un de sa nationalité n'était «pas pris à la légère». Londres avait par ailleurs invoqué la possibilité pour la jeune femme de demander la nationalité du pays d'origine de ses parents, le Bangladesh. Dacca (la capitale du Bangladesh) avait rétorqué qu'elle n'avait jamais demandé la nationalité de ce pays et avait refusé de l'accueillir.
«On ne sert pas la sécurité nationale en sacrifiant les droits humains»
Dans une lettre adressée aux ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères, quatre députés conservateurs ont estimé que le Royaume-Uni ne devait pas se «laver les mains» du sort des 40 Britanniques détenus dans des camps pour djihadistes, rapporte le Daily Telegraph. L'un des signataires, Andrew Mitchell, estime que «s'ils sont jugés à risque, il y a toutes les raisons qu'ils reviennent au Royaume-Uni où ils pourront être traités par le système pénal britannique».
Cette décision judiciaire a par ailleurs été condamnée par plusieurs ONG. Selon Liberty, elle crée un «dangereux précédent» car «le droit à un procès équitable protège chacun d'entre nous». «On ne sert pas la sécurité nationale en sacrifiant les droits humains», a réagi de son côté Human Rights Watch. Pour Maya Foa, directrice de l'ONG Reprieve, le Royaume-Uni devrait rapatrier les familles britanniques pour que les enfants puissent «bénéficier de la prise en charge dont ils ont besoin et que les adultes soient poursuivis quand il y a des charges».
Après avoir fui les combats dans l'est de la Syrie, rappelons que Shamima Begum s'était retrouvée en février 2019 dans un camp de réfugiés syriens où elle a accouché d'un bébé, décédé quelques semaines après sa naissance. Ses deux premiers enfants, nés lorsqu'elle se trouvait en Syrie, sont morts également.