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Bannissement de Trump : un «échec» et un «dangereux précédent» selon le patron de Twitter

Jack Dorsey a estimé que bannir le président américain de la plateforme était une bonne décision, mais qu'elle constitue cependant un «échec» et «établit un précédent dangereux», compte tenu du pouvoir détenu par les grandes entreprises du net.

Le fondateur et PDG de Twitter, Jack Dorsey, estime que la décision de bannir Donald Trump de la plateforme était «la bonne» mais constitue néanmoins un «échec» et «établit un précédent qui [lui] semble dangereux» compte tenu du pouvoir détenu par les grandes entreprises de l'information et de la communication sur internet. 

«Je ne ressens aucune fierté dans le fait que nous avons dû bannir @realDonaldTrump», a-t-il tweeté le 13 janvier dans une série de messages où il revient sur la décision du réseau social de bannir indéfiniment le président sortant suite à l'intrusion de ses supporters dans le Capitole à Washington le 6 janvier.

C'est un «échec de notre part à promouvoir une conversation saine» et ce genre de mesures «nous divise», poursuit-il, ajoutant : «Elles limitent les possibilités d'expliquer, de se racheter, d'apprendre.» «Cela établit un précédent qui me semble dangereux : le pouvoir qu'un individu ou une entreprise a sur une partie de la conversation publique mondiale», admet ensuite Jack Dorsey dans ce monologue introspectif.


Twitter était le principal outil de communication du président républicain, qui s'en servait au quotidien pour s'adresser directement à ses 88 millions d'abonnés. Il a aussi été suspendu de Facebook, Snapchat, Twitch et, depuis le 12 janvier, de YouTube pour au moins une semaine. La plateforme de vidéos de Google faisait face à une pression croissante d'ONG et de personnalités.


Mais la décision du réseau à l'oiseau bleu est de loin la plus emblématique. L'ostracisation du chef d'Etat a été saluée par de nombreux élus, mais elle a aussi suscité des critiques d'associations et de dirigeants, comme la chancelière Angela Merkel, inquiets du pouvoir des entreprises technologiques.

Une purge sans échappatoire ? 


Jack Dorsey souligne que l'équilibre du pouvoir était respecté tant que «les gens pouvaient simplement aller sur un autre service, si nos règles et notre application des règles ne leur convenaient pas. [...] Ce concept a été remis en cause la semaine dernière quand un certain nombre de fournisseurs essentiels d'outils sur internet ont aussi décidé de ne pas héberger ce qu'ils trouvaient dangereux», reconnaît le milliardaire de 44 ans, avant de considérer que ces actions n'ont pas pas été coordonnées. Les sociétés de la Big Tech sont selon lui «plus probablement [...] arrivées à leurs propres conclusions ou ont été encouragées par les actions des autres».


En plus de sa mesure phare contre Donald Trump, Twitter a annoncé le 11 janvier avoir supprimé 70 000 comptes affiliés à QAnon, un mouvement pro-Trump impliqué dans les évènements du Capitole qui ont perturbé la cérémonie de certification de la victoire de Joe Biden le 6 janvier.

Quand Donald Trump a tenté le 8 janvier de répliquer à la suspension de son compte personnel via le compte officiel POTUS (Président des Etats-Unis) en écrivant à l'attention des «75 millions de patriotes» qui ont voté pour lui, ses messages ont immédiatement été retirés par le réseau social. «Utiliser un autre compte pour éviter la suspension est contre nos règles», avait alors expliqué un porte-parole de Twitter.
Facebook a de son côté entrepris de retirer tous les messages liés au slogan «Stop the steal» («Stop au vol») faisant référence à l'hypothèse du trucage de l'élection de novembre défendue par les supporters de Donald Trump.

Google et Apple ont par ailleurs exclu le réseau social Parler de leurs plateformes de téléchargement d'applications. Amazon a enfoncé le clou en évinçant de ses serveurs le réseau conservateur, prisé des soutiens de Donald Trump, ce qui revient à le chasser d'internet. 

Une toute-puissance «terrifiante pour la liberté d'expression»

Tous ces géants des nouvelles technologies ont invoqué les risques de violences pendant la semaine de l'inauguration de Joe Biden. Les autorités américaines craignent en effet des débordements, au point que la plateforme de réservation de logements Airbnb a annulé mercredi toutes les réservations prévues à Washington la semaine prochaine.

Les propos de Jack Dorsey interviennent dans un contexte d'agacement, voire de colère, d'élus américains des deux bords. Ils reprochent à Twitter et à ses voisins de la Silicon Valley leur toute-puissance, aussi bien en matière de compétition économique que sur les données et le débat public.

Le procureur général du Texas Ken Paxton a ainsi ordonné le 13 janvier aux grandes plateformes de s'expliquer sur leurs décisions «terrifiantes pour la liberté d'expression». «Elles réduisent au silence tous ceux dont les vues et croyances politiques ne sont pas alignées avec les dirigeants des Big Tech», a déclaré ce fervent partisan de Donald Trump dans un communiqué.

«Oui, nous devons examiner avec un œil critique les incohérences de notre règlement. Oui, nous devons examiner la façon dont notre service peut inciter à nuire en détournant les débats. Oui, nous avons besoin de plus de transparence dans notre modération des contenus», a néanmoins affirmé Jack Dorsey, dans l'intérêt d'un «internet libre, ouvert et mondial».