«J'ai survécu. Et maintenant Poutine, qui a donné l'ordre de mon assassinat [...] dit à ses serviteurs de tout faire pour que je ne rentre pas», a assuré ce 13 janvier l'opposant russe dans une vidéo publié sur sa page Instagram, ajoutant qu'il avait pris un billet sur une ligne régulière pour la Russie le dimanche 17 janvier. «La question "Revenir ou pas" ne s'est jamais posée pour moi. Simplement parce que je ne suis pas parti. Je me suis retrouvé en Allemagne en y étant arrivé dans une boite de réanimation», a-t-il ajouté.
Alexeï Navalny, qui se trouve actuellement en Allemagne, où les autorités ont acquis la certitude qu'il avait été victime d'un empoisonnement, risque une peine de prison en Russie. En effet, une procédure a été ouverte auprès du tribunal du district Simonovsky de Moscou pour remplacer sa peine avec sursis par de la prison ferme.
Alexeï Navalny a été condamné à des peines de détention avec sursis à deux reprises. En 2017, il a écopé de cinq ans de prison avec sursis dans une affaire liée au détournement de 16,5 millions de roubles de l’entreprise Kirovles ; en 2014, il a été condamné à trois ans et six mois de prison avec sursis dans le cadre d’une affaire de fraude contre l’entreprise Yves Rocher Vostok. Alexeï Navalny n’a pas plaidé coupable, affirmant que les poursuites pénales visaient à entraver son engagement politique.
Fin décembre, le Service fédéral russe d’exécution des peines l’a soupçonné d'avoir enfreint les règles de libération conditionnelle sur la base d’un article publié le 22 décembre dans la revue britannique The Lancet, justifiant pour les autorités russes le dépôt d'une requête auprès du tribunal pour remplacer la sursis par de la prison ferme. «Selon l’article [de The Lancet], Alexeï Navalny est sorti de la clinique le 20 septembre 2020 et dès le 12 octobre, toutes les séquelles de sa maladie avaient disparues. Ainsi, la personne condamnée à une peine avec sursis ne remplit pas les engagements qui lui ont été assignés par le tribunal et échappe au contrôle de l'inspection exécutive pénale», avait indiqué le Service fédéral pénitentiaire. La publication britannique ne citait pas le nom de Navalny, mais évoquait un incident survenu le 20 août dernier lorsqu'un «homme âgé de 44 ans est tombé soudainement malade dans un avion environ 10 minutes après le départ».
Deux versions sur l'affaire Navalny
Le 20 août dernier, Alexeï Navalny avait fait un malaise alors qu'il se rendait de Tomsk à Moscou en avion. Après deux jours d'hospitalisation à Omsk, il avait été autorisé à être transféré en urgence en Allemagne, à la demande de ses proches, qui estimaient que l'opposant russe avait été empoisonné et ne faisaient pas confiance au personnel de l'hôpital d'Omsk. Deux versions s'opposent actuellement sur le cas Navalny.
D'une part, celle des médecins russes qui ont initialement pris en charge l'opposant, selon laquelle «aucun poison ou trace de poison dans le sang ou dans l'urine n'a été trouvé». D'autre part, la thèse de Berlin, confirmée par des laboratoires français et suédois, qui soutient le contraire, affirmant que des tests toxicologiques réalisés par un laboratoire de l'armée allemande ont apporté des «preuves sans équivoque» de «la présence d'un agent chimique neurotoxique de type "Novitchok"» dans le corps d'Alexeï Navalny.
En outre, début octobre, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), basée à La Haye (Pays-Bas), a déclaré que les échantillons de sang et d'urine d'Alexeï Navalny contenaient un «inhibiteur de la cholinestérase», similaire à deux substances chimiques de type Novitchok interdites par l'organisation en 2019.
Alexeï Navalny, en octobre, avait directement accusé Vladimir Poutine d'être derrière son empoisonnement présumé. Les ministres français et allemand des Affaires étrangères ont conclu à une «responsabilité et une implication» russes dans l'affaire Navalny – une mise en cause réfutée par Moscou qui l'a jugée «inacceptable». «Si les autorités [russes] voulaient vraiment empoisonner cette personnalité [...], elles ne l’auraient vraisemblablement pas envoyée en Allemagne pour qu’elle y soit soignée, n’est-ce pas ?», avait fait valoir Vladimir Poutine le 23 octobre.