La Russie durcit la loi sur les «agents de l'étranger». Qui est concerné ?
- Avec AFP
Le Parlement russe a adopté la loi sur la réglementation des activités des agents de l'étranger qui a pour vocation d'empêcher l'ingérence dans les affaires intérieures de Russie. Inspirée par celle des Etats-Unis, cette loi suscite la controverse.
La Douma d'Etat, chambre basse du Parlement russe, a approuvé le 22 décembre des amendements au projet de loi sur les agents étrangers. C'est ainsi que les associations publiques engagées dans des activités politiques et recevant des financements étrangers et les personnes engagées dans la politique «dans l'intérêt d'un Etat étranger» pourront être assimilées à des agents étrangers, sans décision de justice.
Le texte de la loi obligerait ces associations ou les particuliers à s'inscrire sur la liste des agents de l'étranger accessible sur internet. Les médias seront tenus d'étiqueter également les publications des personnes faisant partie des agents de l'étranger. Cette appellation suppose par ailleurs l'envoi de rapports réguliers au ministère de la Justice détaillant leurs activités, les dépenses et l'utilisation des fonds et des biens obtenus grâce aux sources étrangères.
En outre, les agents de l'étranger n'auront pas le droit d'exercer des fonctions publiques ni d'avoir accès aux secrets d'Etat. Des candidats aux élections peuvent également être qualifiés d'«agents de l'étranger».
Toutefois le texte précise que la science, la culture, l'art, les soins de santé, la protection de la maternité et de l'enfance, le soutien social des personnes handicapées, la promotion d'un mode de vie sain, la protection de la flore et de la faune et la charité ne seront pas considérés comme des activités politiques. Ce qui dispense leurs acteurs du statut d'agents de l'étranger.
Proposés le mois dernier par un groupe de députés et de sénateurs russes, les amendements visent à «protéger la souveraineté de la Russie et empêcher toute ingérence» dans ses affaires intérieures, a indiqué la Douma d'Etat dans un communiqué.
Des ONG opérant en Russie inquiètes
Certaines mesures prévues par la nouvelle loi visent à limiter l'organisation d'événements publics financés par des fonds étrangers, une restriction qui préoccupe particulièrement les ONG installées en province, moins riches que celles de la capitale russe.
«Si vous recevez de l'argent de l'étranger, enregistrez-vous, s'il vous plaît, en tant qu'agent de l'étranger et continuez de travailler», a déclaré l'un des auteurs des amendements, le député Vassili Piskariov cité par l'AFP. «Mais dites aux organes étatiques et aux citoyens russes dans les intérêts de quel pays vous agissez», a-t-il souligné, cité dans le communiqué de la Douma d'Etat.
Les amendements ont été dénoncés par des ONG de défense des droits de l'Homme, Human Rights Watch y voyant, fin novembre, une tentative d'«étouffer la société civile» et craignant une «application arbitraire».
La loi sur les «agents de l'étranger» a été adoptée en Russie en 2012. Le champ d'action de cette loi a ensuite été élargi, pouvant viser des individus comme les journalistes ou les blogueurs. Sous peine de lourdes amendes ou d'interdictions, la loi oblige les entités reconnues comme agissant pour l'étranger à des mesures administratives contraignantes, et à la mention de ce statut dans toutes leurs publications.
La chambre basse du Parlement débat actuellement de peines de prisons fermes pour certaines infractions.