Guerres d'Irak et d'Afghanistan, lobby pro-armement : Lloyd Austin, nouveau «faucon» du Pentagone ?

Guerres d'Irak et d'Afghanistan, lobby pro-armement : Lloyd Austin, nouveau «faucon» du Pentagone ?© Kevin Lamarque Source: Reuters
Joe Biden écoute le général à la retraite Lloyd Austin pressenti au poste de secrétaire à la Défense à son siège de transition à Wilmington, Delaware, Etats-Unis, le 9 décembre 2020.
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Biden a présenté celui qu'il voudrait nommer secrétaire d'Etat à la Défense : le général Austin. Ce choix ferait de ce retraité de l'armée de terre le premier homme noir à la tête du Pentagone. Sur le fond, diffère-t-il de ses prédécesseurs ?

Les médias ont unanimement relevé le fait que le choix de Joe Biden, si son élection est confirmée, de nommer à la tête du Pentagone le général afro-américain à la retraite Lloyd Austin ferait de cet homme de 67 ans le premier noir à occuper ce poste. Mais outre cet aspect symbolique, qui est ce militaire qui s'apprête à prendre les rennes de la première et plus belliqueuse puissance militaire au monde ? Son profil diffère-t-il des faucons placés précédemment à ce poste-clé de l'administration américaine ?

Ancien général quatre étoiles, le plus haut grade aux Etats-Unis, Lloyd Austin a servi plus de quarante ans au sein de l'armée. Il a participé à l'invasion de l'Irak dès mars 2003 et à la guerre d'Afghanistan de 2003 à 2005 où il a notamment servi comme commandant général de la 10e division de montagne, supervisant les troupes américaines au sein de la Force Commune 180, formation terrestre multinationale provisoire déployée en Afghanistan depuis 2001. Il aura ensuite endossé un rôle-clé lors de la phase de sécurisation du pays en vue d'installer un gouvernement afghan. 

En 2010, il devient commandant des forces américaines en Irak. Il supervise la transition pour la stabilisation de la région puis le retrait de plus de 50 000 soldats américains de ce pays dévasté, décidé par le président Obama tandis que Joe Biden était son vice-président. En 2013, Barack Obama nomme Lloyd Austin à la tête du commandement central de l'armée américaine, le prestigieux Centcom, où il tentera de contenir la percée du groupe Etat islamique au Moyen-Orient. Pas toujours avec les succès escomptés. 

Des fiascos mémorables 

Si son expérience militaire est solide, la carrière du général Austin compte cependant des bémols. Sa gestion de la crise en Irak, en Afghanistan et en Syrie ont fait l'objet de polémiques.  

En 2015, Austin avait en effet dû expliquer auprès du Congrès le fiasco de la formation des «rebelles» syriens considérés comme modérés, dans le cadre d'un programme ayant coûté 500 millions de dollars au contribuable américain. Le général a alors été obligé de reconnaître que seuls «quatre ou cinq» insurgés syriens formés par l'armée américaine pour combattre les djihadistes de Daesh étaient toujours actifs en Syrie. Ils devaient pourtant être au moins 5 400 à être opérationnels après le programme d'entraînement de ces «rebelles non islamistes» en Turquie, des combattants «présentables», censés être capables de lutter à la fois contre Daech et contre le gouvernement de Bachar el-Assad.

En 2016, Lloyd Austin était également critiqué après un témoignage au Sénat considéré par de nombreux législateurs comme une évaluation trop positive de la guerre en Irak et en Syrie. Le Centcom qu'il dirigeait a été accusé d'avoir enjolivé le bilan des frappes contre le groupe Etat islamique au Levant. Après un rapport du Congrès faisant état de cette surestimation, l'inspection générale du Pentagone avait ouvert une enquête.

Une retraite au service du lobby de l'armement 

A la retraite depuis 2016, Lloyd Austin siège dans plusieurs conseils d'administration dont celui de la société d'armement militaire Raytheon qui tire une part importante de ses revenus du gouvernement américain. Selon la journaliste australienne Caitlin Johnstone, «Raytheon dépense des millions de dollars par an pour faire activement pression sur le gouvernement afin de faire avancer des politiques qui sont bénéfiques en milliards de dollars pour le géant de la fabrication d'armes, ce qui implique par voie de conséquence de faire pression pour l'expansionnisme militaire et l'interventionnisme».

«La personne que Biden aurait choisie pour diriger le ministère de la Défense est membre du conseil d'administration de Raytheon, un fournisseur clé de bombes pour la guerre américano-saoudienne au Yémen qui a fait un lobbying agressif contre la réduction des ventes d'armes à la coalition dirigée par l'Arabie saoudite», a en outre tweeté la journaliste américaine Sarah Lazare.

Ce qui pourrait empêcher sa nomination au poste de secrétaire d'Etat à la défense

La nomination de Lloyd Austin pourrait par ailleurs rencontrer quelques obstacles, à commencer par les réticences de nombreux démocrates et experts, soucieux de voir à ce poste un contrôle civil plutôt que militaire.

Une autre embûche légale pourrait poser problème à cette nomination : pour que Lloyd Austin soit confirmé à ce poste par le Sénat américain, les deux chambres du Congrès doivent en effet lui accorder une dispense au titre d'une réglementation stipulant qu'un ancien militaire doit être à la retraite depuis plus de 7 ans pour devenir ministre de la Défense. Or, le général Austin n'est à la retraite que depuis quatre ans. «Je crois en l'importance du contrôle civil sur les militaires, et le ministre désigné aussi», a déclaré Joe Biden, en présentant à la presse son candidat au poste de ministre de la Défense le 9 décembre, prenant bien soin de ne pas l'appeler par son titre honorifique de «général Austin».

Depuis l'adoption de cette règle en 1947, seules deux dispenses ont été approuvées : la première en 1950 pour George Marshall, qui venait de mettre en œuvre son plan éponyme de reconstruction de l'Europe, et la deuxième pour Jim Mattis en 2016. «Je ne demanderais pas une dispense aujourd'hui si je ne pensais pas que nous en avions besoin à ce moment de notre histoire et si je n'avais pas la confiance que j'ai en Lloyd Austin», a encore argumenté Joe Biden. Prenant la parole à son tour, Austin a assuré qu'il assumerait ses fonctions «en tant que civil, avec une expérience militaire, bien sûr, mais aussi avec une grande estime et un profond respect pour la conception dominante d'un contrôle civil sur notre armée». Il a assuré qu'il s'entourerait de «civils expérimentés et capables qui assureront des relations saines entre civils et militaires fondées sur un contrôle civil réel».

Plusieurs sénateurs démocrates ont déjà annoncé le 8 décembre qu'ils voteraient contre une dispense, notamment Richard Blumenthal, l'ancienne militaire Tammy Duckworth, ou encore Jon Tester. Dans son allocution, outre le fait d'affirmer avoir apprécié collaborer avec l'intéressé lorsqu'il était vice-président, Joe Biden a aussi noté les liens personnels de son fils Beau, mort d'un cancer en 2015 après avoir combattu en Irak sous les ordres du général Austin. 

Malgré les embûches que pourrait rencontrer sa nomination, «l'espoir de voir son arrivée au Pentagone reste toutefois permis», estime André Rakoto, spécialiste des questions de défense et de sécurité aux Etats-Unis, interrogé par France 24. Selon lui, «il ne faut pas sous-estimer la mobilisation des associations pour la défense et la promotion des gens de couleurs comme le NAACP ou le mouvement Black Lives Matter». Pour cet expert, «sur le papier, Lloyd Austin possède tous les atouts, à la fois sur le plan professionnel comme sur le plan humain. Et il n'a pas vraiment d'équivalent».

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