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Déficits : l'Union européenne fustige la France pour avoir augmenté les salaires dans les hôpitaux

La Commission européenne s'est inquiétée de l'impact des mesures de relance sur les finances publiques dans quatre pays de la zone euro, dont la France et l'Italie, craignant une dérive de leurs déficits au-delà de la crise sanitaire.

Malgré la crise sanitaire, économique et sociale, l'Union européenne tient absolument à la poursuite de l'austérité économique. «Certaines mesures présentées par la France, l'Italie, la Lituanie et la Slovaquie semblent ne pas être temporaires ni compensées par d'autres mesures budgétaires», a ainsi regretté la Commission dans un rapport le 18 novembre, appelant à surveiller la dette à moyen terme.

Compte tenu du contexte de crise exceptionnelle liée à la pandémie de Covid-19, l'UE avait annoncé en mars une suspension de ses règles de discipline budgétaire, invitant les différents pays à laisser filer temporairement leurs déficits publics.

Cette stratégie a été soutenue par une politique monétaire très accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) qui permet aux Etats de s'endetter à taux réduits, voire négatifs, sur les marchés financiers.

La Commission est semble-t-il toujours sur cette ligne. Elle a de fait appelé les 19 pays de la zone euro «à faire en sorte que leur politique fiscale continue de soutenir l'activité en 2021». Bruxelles estime d'ailleurs que tous les Etats membres sont «globalement en ligne» avec ses recommandations pour l'an prochain, y compris les quatre pays épinglés. Mais elle leur demande de se tenir prêts à «réorienter ces politiques fiscales [...] quand les conditions épidémiologiques et économiques le permettront».

D'où l'inquiétude pour la France, l'Italie, la Lituanie et la Slovaquie dont plusieurs mesures budgétaires prises durant la crise s'étendent au-delà du court terme. En France, la Commission vise notamment les hausses de salaires dans les hôpitaux et la baisse des impôts de production des entreprises. Le commissaire italien à l'Economie Paolo Gentiloni estime malgré tout que ces mesures «sont justifiées dans une certaine mesure», dans des propos rapportés par Le Figaro.

En Italie, une extension des crédits d'impôts pour les particuliers et une réduction des charges sociales dans les régions les plus défavorisées auront «un impact budgétaire au moins jusqu'en 2023», selon la Commission. Bruxelles leur demande de veiller à ce que ces mesures ne conduisent pas à une dérive durable de leur niveau de dette et de déficit, en recommandant par exemple de compenser les dépenses supplémentaires par de nouvelles recettes.

Malgré l'urgence, il faut «regarder au-delà du court terme», selon le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis, lors d'une conférence de presse. «Les Etats membres doivent prendre des mesures de soutien ciblées, temporaires et ne pas alourdir de façon permanente les finances publiques», a-t-il ajouté.

La France tente de rassurer la Commission européenne

«On a toujours cet objectif de maîtrise des finances publiques, une fois la crise passée», a expliqué un porte-parole du ministère français des Finances, interrogé par l'AFP et qui ajoute que, à moyen terme, «cette dette publique supplémentaire sera remboursée par la croissance, par une meilleure maîtrise des dépenses publiques et d'autres réformes structurelles».

La France et l'Italie prévoient un déficit public atteignant respectivement 10,2% et 10,5% du PIB cette année, nettement plus que la moyenne de la zone euro (8,6%).

Les deux pays tablent sur 6,7% et 7% en 2021, contre 5,9% pour la zone euro.

Paris et Rome avaient déjà été épinglés l'an dernier, parmi huit Etats membres, pour un effort de leurs finances publiques jugé «inférieur» à ce qui était recommandé. Ces pays «n'ont pas assez profité des périodes économiques favorables», avait jugé à l'époque Valdis Dombrovskis. Ils sont donc entrés dans la crise en position de faiblesse.

La Commission européenne a dressé au début du mois un tableau alarmant de la situation économique de la zone euro, profondément affectée par la pandémie, excluant tout retour rapide à la normale.

Elle prévoit une chute de 7,8% du Produit intérieur brut (PIB) dans la région en 2020. Du jamais vu depuis la création de la monnaie unique en 1999. Un rebond de 4,2% est espéré l'an prochain mais il s'avère plus faible qu'anticipé, en raison de la violence de la deuxième vague de contamination.

Ce contexte justifie la clémence de Bruxelles envers les pays en difficulté. Ainsi, la Commission ferme provisoirement les yeux sur les dérapages constatés en Roumanie alors que ce pays a fait l'objet d'une procédure pour déficit public excessif après avoir dépassé l'an dernier le seuil de 3% du PIB fixé par les traités. Sa situation budgétaire sera réexaminée au printemps prochain.