«Image exclusive de Luis Almagro après des allégations de "fraude" aux Etats-Unis» : c'est par cette métaphore humoristique de l'autruche qu'un journaliste équatorien a illustré l'attitude du président de l'Organisation des Etats américains (OEA) face aux incertitudes qui planent sur l'élection présidentielle américaine actuellement.
De très nombreux commentateurs s'interrogent en effet sur le deux poids deux mesures que révèle la prise de position immédiate et sans concession de l'OEA lors des élections boliviennes de 2019, appuyant, sans preuve, la thèse de la fraude de la part du camp d'Evo Morales, et le silence de l'organisation depuis le 3 novembre aux Etats-Unis où les soupçons de part et d'autre sont en train de provoquer une situation explosive.
«Quel étrange silence d'Almagro face aux allégations de fraude de Trump. Si rapide dans certains pays à prononcer et si lent dans d'autres», a fait remarquer le journaliste argentin Carlos Montero.
Lors de l'élection présidentielle en Bolivie en 2019, les votes en provenance des régions reculées du pays avaient tardé à être comptabilisés pour des raisons d'acheminement et d'organisation pratiques. Ces régions étant majoritairement peuplées de paysans favorables à Evo Morales, leurs voix parvenues au lendemain du scrutin avaient creusé l'écart entre les deux principaux candidats faisant gagner le président sortant au premier tour. Dans un contexte de polarisation extrême dans ce pays latino-américain, l'OEA avait immédiatement soutenu la thèse de la fraude scandée par l'opposition et précipité par là même la démission forcée d'Evo Morales.
La gauche latino-américaine demande la démission de Luis Almagro
«Ce qui vient de se passer avec les votes tardifs en faveur de Biden dans le Michigan et le Wisconsin ressemble à la Bolivie 2019», a ainsi estimé Guillaume Long, ancien ministre équatorien des Affaires étrangères. «Pourtant, les mêmes réseaux d'information américains qui expriment aujourd'hui leur horreur devant le manque de respect de Trump pour le processus de dépouillement des votes ont applaudi les allégations de fraude de l'OEA en Bolivie qui ont ouvert la voie à un coup d'Etat», a-t-il écrit sur son compte Twitter.
«Où est Luis Almagro ? Où est l'Union européenne ? Ceux qui sont si zélés lorsqu'il s'agit de pays sous-développés de se montrer "concernés" et d'ignorer les processus. Leur mentalité colonialiste a été démontrée. Des leçons doivent être tirées de tout cela», a estimé pour sa part Nicolas Maduro. Le président vénézuélien a ensuite insisté sur la position de non-ingérence du Venezuela dans les affaires intérieures des Etats-Unis, soulignant ainsi l'importance pour le voisin nord-américain d'adopter une attitude réciproque.
Le groupe de Puebla, composé de présidents, d'anciens présidents, de dirigeants du mouvement socialiste et d'universitaires – parmi lesquels Lula, Evo Morales, Rafael Correa ou Alberto Fernandez – a également interpellé l'OEA concernant le deux poids deux mesures avec la Bolivie et demandé la démission de Luis Almagro.
Sur un ton plus humoristique, le député espagnol Javier Couso a émis un vœu sous forme de parallèle avec l'auto-proclamation de Juan Guaido à la présidence du Venezuela, reconnu par les Etats-Unis et ses alliés dont l'Union européenne : «J'espère que Pedro Sanchez recevra le Trump "autoproclamé" [...] et que le haut représentant de l'UE, Josep Borrell, promouvra des sanctions contre Biden et le Parti démocrate. Le tout, basé sur le rapport technique irréfutable de l'OEA préparé par Don Luis Almugre [mugre signifie saleté en espagnol]».
Meriem Laribi