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Côte d'Ivoire : l'opposition enjoint à ses partisans de boycotter la campagne présidentielle

La Côte d'Ivoire se dirige-t-elle vers un boycott massif de l'élection présidentielle ? L'opposition ivoirienne a renforcé ses dispositions contre la tenue du scrutin en appelant ses partisans à boycotter les opérations électorales et la campagne.

L'opposition ivoirienne a franchi ce 15 octobre – jour de l'ouverture officielle de la campagne – un nouveau pas vers le boycott total de l'élection présidentielle du 31 octobre prochain : elle a en effet demandé à ses partisans de ne pas participer aux opérations électorales et à la campagne, en affirmant ne pas être «concernée» par le «processus électoral».

Nous invitons nos militants [...] à mettre en application le mot d'ordre de boycott actif par tous les moyens légaux à leur disposition

Cette annonce a été faite dans un contexte tendu, de nombreux observateurs redoutant une crise pré ou post-électorale – dix ans après celle de 2010-2011 qui avait fait 3 000 morts et plongé le pays dans le chaos – après le refus du président Gbagbo de reconnaître sa défaite électorale face à Alassane Ouattara, qui brigue aujourd'hui un troisième mandat controversé.

Dans une déclaration commune, les deux principaux candidats de l'opposition, l'ancien Premier ministre Pascal Affi N'Guessan et l'ancien président Henri Konan Bédié ont assuré que le processus électoral en cours ne les concernait nullement, sans toutefois annoncer leur retrait de l'élection. 

«Nous invitons nos militants [...] à mettre en application le mot d'ordre de boycott actif par tous les moyens légaux à leur disposition, afin que le pouvoir actuel consente à convoquer l'ensemble des forces politiques nationales afin de trouver des solutions acceptables à toutes les revendications [de l'opposition]», a lancé l'ancien Premier ministre, qui s'exprimait aux côtés de l'ancien président dans la résidence de celui-ci à Abidjan. 

Il a demandé aux militants de «s'abstenir de participer tant en ce qui concerne la distribution des cartes électorales qu'en ce qui concerne la campagne électorale», de «faire barrage au coup d'Etat électoral que le président Alassane Ouattara s'apprête à commettre», et d'«empêcher la tenue de toute opération liée au scrutin».

Les deux hommes, qui n’ont pas répondu aux questions des journalistes, ont promis une conférence de presse le 16 octobre.

De nombreux incidents à travers le pays

Des incidents se sont déroulés en marge de cette déclaration et la circulation sur plusieurs routes a été perturbée ou coupée par des arbres abattus dans la nuit, entre Abidjan et Dabou (sud), à 20 kilomètres de Gagnoa (sud-ouest), et près de Daoukro (centre-est). A Abidjan, des affiches du président Ouattara avec le slogan «Le meilleur» décliné sous plusieurs formes, «Pour la Côte d'Ivoire», «Pour les jeunes», «Pour les fonctionnaires», ont fait leur apparition sur des panneaux publicitaires. Aucune affiche de l'opposition, dont les membres répètent inlassablement «Non au 3e mandat», n'était visible. Un autre signe qu'elle pourrait se retirer de la course.

De nombreux observateurs craignent une forte abstention dans un pays où l'âge médian est de 18,7 ans alors que les deux principaux candidats dominent la scène politique depuis 30 ans. 

Signe de l'inquiétude générale, la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), l'Union africaine (UA) et l'ONU ont dépêché une mission sur place qui a exprimé sa «vive préoccupation», soulignant que «les discours de haine aux relents communautaires [s'étaient] malheureusement invités dans le champ de la compétition politique». L'organisation de prévention des conflits International crisis group (ICG), préconise «un court report de l'élection» qui «offrirait une chance [...] d'apurer le contentieux qui rend improbable l'organisation d'une élection apaisée et transparente le 31 octobre».

L'opposition demande une réforme du Conseil constitutionnel et de la Commission électorale indépendante, «inféodés» au pouvoir selon elle. Elle estime que le président Ouattara n'a pas le droit de se présenter à un troisième mandat et conteste le rejet des candidatures de poids-lourds de la politique ivoirienne, notamment celles de l'ancien président Laurent Gbagbo et de l’ancien Premier ministre Guillaume Soro.  

Dans un arrêt rendu le 25 septembre, la Cour africaine de justice avait ordonné à l'Etat ivoirien de réintroduire Laurent Gbagbo sur la liste électorale pour l'élection présidentielle du 31 octobre. La Côte d'Ivoire avait alors dénoncé une atteinte à sa souveraineté.

Elu en 2010, réélu en 2015, Alassane Ouattara avait annoncé en mars qu'il renonçait à briguer un troisième mandat, avant de changer d'avis en août, après le décès de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. La loi ivoirienne prévoit un maximum de deux mandats, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu'avec la nouvelle Constitution adoptée en 2016, le compteur des mandats d'Alassane Ouattara a été remis à zéro.

Une quinzaine de personnes sont mortes en août dans des violences survenues dans le sillage de l'annonce de sa candidature et des échauffourées ont eu lieu dans plusieurs localités après l'annonce par le Conseil constitutionnel de la liste des candidats retenus pour le scrutin.