Spoutnik V : le Centre Gamaleïa démystifie la conception du vaccin contre le Covid-19
Denis Logounov, directeur adjoint du Centre Gamaleïa, l’un des concepteurs du vaccin russe contre le Covid-19, révèle les coulisses de cette découverte qui suscite des craintes dans le monde entier.
Depuis qu'elle a annoncé l'enregistrement de Spoutnik V, un vaccin contre le Covid-19, la Russie est accusée de toutes part de s’être précipitée, d’avoir créé un vaccin «dangereux» et pris une décision «insensée». Si une vingtaine de pays ont déjà commandé des doses, l'efficacité du produit est remise en cause en France par l’Inserm, mais aussi par plusieurs gouvernements. Dans ce contexte explosif, Denis Logounov, directeur adjoint au travail scientifique du Centre Gamaleïa, l’un des concepteurs du vaccin russe contre le Covid-19, a tenté de décrypter de façon pédagogique la conception du vaccin dans un entretien à Sputnik, publié le 17 août.
Conçu en cinq mois, le vaccin a été «testé de manière standard. C’est-à-dire qu’il a passé toutes les étapes de l’étude de toxicité et d’efficacité», explique le chercheur du centre Gamaleïa, précisant que «tous les résultats seront publiés prochainement». Denis Logounov explique qu'«en ce qui concerne la toxicité, les volontaires n’ont pas tous développé d’effets secondaires attendus et inattendus, qui se manifestent par de la fièvre et une douleur à l’endroit de l’injection».
Durant les derniers mois, deux produits distincts ont été testés, plus précisément un même produit conditionné de manières différentes, «l’un lyophilisé» et «le second liquide congelé à -20 degrés Celsius». Pour chaque solution, 38 patients ont été testés, ramenant à un total de 76 volontaires ceux qui se sont vus injecter le vaccin.
Parmi les résultats les plus encourageants selon Denis Logounov, le taux de séroconversion («lorsque la quantité d’anticorps chez l’Homme est au moins quatre fois supérieure à ce qu’elle est habituellement») serait selon lui de 100%.
«Nous avons également étudié l’immunité humorale en analysant les titres d’anticorps qui neutralisent le virus, c’est-à-dire l’activité antivirale des anticorps. L’organisme de tous les volontaires a produit des anticorps antiviraux, aussi dans les cas d’utilisation du vaccin sec et du vaccin humide», explique le directeur adjoint du centre de recherche.
Des supports technologiques existants
Le 12 août, l’Organisation mondiale de la Santé déclarait qu'«accélérer la recherche pour [l’obtention d']un vaccin devrait être fait en suivant des processus établis à chaque étape de la mise au point, pour s’assurer que tout vaccin qui va finalement être produit est à la fois sûr et efficace». L’OMS s’est dite impatiente de pouvoir analyser les résultats des essais cliniques russes.
Plusieurs chercheurs français ont en revanche jugé irresponsable le fait de revendiquer le développement du premier vaccin. L’immunologue français Alain Fischer pointe ainsi «un effet d’annonce», une manœuvre «politique». «Cela n’a aucun sens, et c’est délétère, parce que c’est jouer avec la vaccination», a-t-il estimé.
En réponse à ces allégations, Denis Logounov se défend : «Au cours de ces quatre décennies, une plateforme technologique a été mise en place […] En tout, depuis 2015 plus de 3 000 personnes ont été vaccinées avec des vaccins à vecteur adénoviral, élaborés au Centre Gamaleïa. Donc ce travail n’a pas été fait en cinq mois. Absolument pas. C’est un travail de plusieurs dizaines d’années [...] Ces supports de vecteurs adénoviraux disponibles dans le commerce permettent un développement rapide de produits. Vous pouvez rapidement cloner un gène intéressant, dans notre cas, le gène codant pour la protéine S du coronavirus, le pic même qui forme la "couronne" du coronavirus SARS-COV-2.»