L'Union européenne opposée aux politiques de sanctions, vraiment ?
Le chef de la diplomatie de l'UE a dénoncé «l'application extraterritoriale de sanctions» par Washington, la jugeant «contraire au droit international». Un constat qui contraste avec la propension de l'UE elle-même à prendre des mesures punitives.
Vice-président de la Commission européenne et haut représentant de l'Union européenne (UE) pour les Affaires étrangères, l'Espagnol Josep Borrell a dénoncé le 17 juillet «le recours croissant aux sanctions, ou à la menace de sanctions, par les Etats-Unis contre les entreprises et les intérêts européens». Et le haut diplomate d'ajouter que «l'application extraterritoriale de sanctions» était «contraire au droit international». Dans un communiqué publié en son nom au cours d'un sommet européen consacré à la relance de l'économie européenne, Josep Borrell a en effet cité des exemples de mesures punitives décrétées par Washington contre des entreprises européennes : «Nous avons été témoins de cette tendance croissante dans les cas de l'Iran, de Cuba, de la Cour pénale internationale et, plus récemment, des projets (de gazoducs) Nordstream 2 et Turkstream», a-t-il déclaré, ajoutant : «Par principe, l'Union européenne s'oppose à l'utilisation de sanctions par des pays tiers contre des entreprises européennes exerçant des activités légitimes.»
L'#UE 🇪🇺, Paris 🇫🇷, Berlin 🇩🇪 et Londres 🇬🇧 haussent le ton face à l’escalade américaine contre l’#Iran#Unioneuropéenne#France#Allemagne#RoyaumeUni#EtatsUnis
— RT France (@RTenfrancais) May 6, 2019
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Des sanctions européennes contre des gouvernements étrangers
Le constat de Josep Borrell tranche pourtant avec le recours régulier à des sanctions d'ordre économique par l'Union européenne elle-même, dans le but revendiqué d'affaiblir certains gouvernements de part et d'autre du globe. Mesures punitives qui s'inscrivent d'ailleurs dans la droite ligne de l'interventionnisme politique appliqué par l'administration américaine en dehors de son territoire.
«Assez du colonialisme européen», avait par exemple lancé le chef d'Etat vénézuélien Nicolas Maduro le 29 juin en réponse à l’annonce par l’UE, le même jour, de nouvelles sanctions visant plusieurs citoyens vénézuéliens accusés par Bruxelles d’avoir mené des actions contre l’opposition. De fait, le Venezuela a été, en novembre 2017, le premier pays d'Amérique latine à être la cible de sanctions décrétées par l’UE, qui avait emboîté le pas à Washington dans le but de favoriser «une transition politique» dans ce pays disposant de réserves pétrolières parmi les plus importantes du monde...
Autre exemple, les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont adopté à l'unanimité en février 2020 de nouvelles sanctions à l’encontre d'une dizaine d'entités syriennes, en raison de leur proximité avec Damas et de leur soutien, selon l'UE, «à la répression violente contre le peuple syrien». Avec de telles mesures, «l’Union européenne affirme sa détermination à lutter contre les pratiques du régime syrien et de ses financiers, qui alimentent l’économie de guerre en Syrie», peut-on par exemple lire à ce sujet sur le site du gouvernement français.
Autre puissance étrangère qui fait régulièrement l'objet de sanctions de l'UE : la Russie. En effet, malgré divers appels en faveur d'un réchauffement des relations avec Moscou, les pays européens reconduisent régulièrement leur politique de sanctions contre la Russie depuis la crise ukrainienne de 2014. Des mesures à l'origine d'une politique de contre-sanctions du côté russe. Au mois d'octobre 2019, Josep Borrell a lui-même déclaré : «Jusqu'à ce que la Russie change d'attitude à l'égard de la Crimée et des violations territoriales, ces sanctions doivent rester.»
Qu'à cela ne tienne, l'actuel vice-président de la Commission européenne l'a affirmé ce 17 juillet : «Lorsque des différences de politique existent, l'Union européenne est toujours ouverte au dialogue. Mais cela ne peut pas se faire contre la menace de sanctions.»
Fabien Rives