Des journalistes russes vent debout contre l'arrestation d'Ivan Safronov, accusé de haute trahison
La communauté journalistique russe exprime son soutien à Ivan Safronov, ancien journaliste devenu conseiller du directeur de l'agence spatiale russe Roskosmos et récemment placé en détention provisoire.
Depuis l’arrestation d'Ivan Safronov, le 7 juillet dernier, la communauté journalistique russe se montre préoccupée par la gravité de l'accusation et fustige l'absence de transparence dans l’enquête. L'ancien journaliste de deux quotidiens russes de référence, Vedomosti et Kommersant, est accusé d'avoir «collecté et transmis des secrets d'Etat sur la coopération militaire et technique, la défense et la sécurité de la Russie» à «un service de renseignement d'un pays de l'OTAN».
De nombreux journalistes que son arrestation est liée à son passé dans les médias, mais cette hypothèse a été écartée par le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Selon lui, l'arrestation d'Ivan Safronov n'avait «rien à voir avec son activité journalistique».
Dmitri Peskov a aussi affirmé, concernant les nombreuses publications dans les médias concernant Ivan Safronov : «Ces articles sont mûs par les émotions [...], ne sont et ne peuvent pas être basés sur les informations réelles des résultats du travail de contre-espionnage.» Il a souligné que la décision finale devait être prise par la cour sur la base de l’enquête des services spéciaux.
Le porte-parole du Kremlin a également répondu à la question d'un journaliste qui souhaitait savoir si le président russe était au courant du tollé public suscité par cette affaire. Dmitri Peskov a cherché à minimiser la polémique, appelant à ne pas qualifier de «tollé public» la médiatisation de l'affaire. «Ce sont plusieurs dizaines de publications, plusieurs dizaines d'opinions qu'il ne faut pas confondre avec un tollé public», a-t-il déclaré.
Vague de soutien à Ivan Safronov
Plus tôt, le 7 juillet, juste après l'interpellation d'Ivan Safronov, une série de manifestations solitaires en soutien à l'ancien journaliste ont été organisées près du siège du FSB. Tous les manifestants, une vingtaine de personnes, ont été interpellés par les forces de l'ordre. Le service de presse du ministère des Affaires intérieures de Moscou a expliqué à l'agence TASS que les manifestants avaient violé la loi relative aux réunions, rassemblements, manifestations, marches et piquets de grève.
Depuis trois jours, la colère dans le milieu journalistique russe ne faiblit pas. Parmi les premiers à avoir exprimé son indignation, la rédaction du journal de référence Kommersant a publié un message de soutien à Ivan Safronov, dénonçant des accusations «absurdes» et saluant «un des meilleurs journalistes du pays», «un grand professionnel» et «un véritable patriote».
Veuillez expliquer au public ce qui s'est passé avec Safronov
Plus tard, c'est la rédactrice en chef de RT, Margarita Simonian, qui a commenté la situation en espérant obtenir une explication claire quant aux accusations qui pèsent sur Ivan Safronov. «Qui a lu l'article sur la "Haute trahison"? Lisez-le. En vertu de cet article, vous pouvez mettre en prison une longue liste de journalistes russes. Les rédactions de Meduza ou divers projets de la BBC en entier. Et cela en pleine conformité avec la loi», a-t-elle écrit sur sa chaîne Telegram. Rappelant l'affaire d'Ivan Golounov, journaliste russe dont l'arrestation avait provoqué des manifestations en Russie en 2019, Margarita Simonian a souligné qu'elle se battait «non pas par solidarité journalistique mais parce qu'il avait été accusé d'un crime qu'il n'avait pas commis». S'adressant aux forces de l'ordre, elle a exigé une explication: «Veuillez expliquer au public ce qui s'est passé avec Safronov.»
Depuis quand la collecte d'informations par un journaliste est passée de devoir professionnel à haute trahison?
Ilia Barabanov, journaliste de la BBC, est persuadé que l'arrestation d'Ivan Safronov est liée à son activité journalistique et que l’enquête a commencé il y a plusieurs années. Selon lui, la communauté journalistique doit se poser la question suivante: «Depuis quand la collecte d'informations par un journaliste est passée de devoir professionnel à haute trahison?»
C'est une lâcheté et une bassesse d'un système qui n'est pas prêt à être transparent
L'ancien copropriétaire du quotidien Vedomosti et ancien directeur général de la maison d'édition Kommersant, Demian Koudriavtsev se souvient d'Ivan Safronov comme d'un très bon journaliste, mais aussi comme d'une personne «digne, gentillle et belle». Accuser Ivan est «une lâcheté et une bassesse d'un système qui se doit être transparent mais n'y est pas prêt», a-t-il écrit sur sa page Facebook.
Le journalisme d'investigation [...] n'est pas une trahison, et un journaliste qui fait honnêtement son travail n'est pas un traître
Olga Allenova, reporter pour Kommersant, ainsi que Alexandre Gabouev, chef du programme Russie dans la région Asie-Pacifique, du Centre Carnegie, sont également persuadés qu'Ivan Safronov est poursuivi pour son travail journalistique. «Le journalisme d'investigation, y compris sur des sujets sensibles comme la coopération militaro-technique, n'est pas une trahison, et un journaliste qui fait honnêtement son travail n'est pas un traître», a noté Gabouev sur sa page de Facebook.
Le 8 juillet, L'Union des journalistes de Russie a adressé au FSB une demande afin d'obtenir des informations sur le lien entre la détention du conseiller du directeur de l'agence spatiale russe Roskosmos, Ivan Safronov, et ses activités journalistiques professionnelles, selon l'agence Tass.