Dans un rapport envoyé ce 7 juillet aux médias et consulté par Reuters, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires de l'Organisation des Nations unies (ONU), Agnès Callamard, a estimé que l'attaque au drone orchestrée par les Etats-Unis en Irak en janvier 2020, qui a conduit à la mort du général iranien Qassem Soleimani et de neuf autres personnes, constitue une violation des lois internationales.
«A la lumière des preuves fournies jusqu'à présent par les Etats-Unis, le ciblage du général Soleimani, et la mort de ceux qui l'accompagnaient, constituent un assassinat arbitraire dont les Etats-Unis sont responsables en vertu du droit international humanitaire», stipule ainsi Agnès Callamard dans le rapport qu'elle doit présenter le 9 juillet au Conseil des droits de l'homme, dont les Etats-Unis se sont retirés en 2018. Et d'ajouter qu'en «l'absence d'une menace imminente, [...] la manière d'agir des Etats-Unis était illégale.»
De son côté, Donald Trump avait assuré, a posteriori de l'assassinat de Qassem Soleimani, par ailleurs qualifié par le chef d'Etat américain de «terroriste numéro un» dans le monde, que celui-ci préparait des attaques «imminentes» contre des diplomates et militaires américains.
«Aucune preuve n'a été fournie» par Washington selon le rapporteur
Toutefois, l'experte française mandatée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a rejeté dans son rapport l'argument avancé par le locataire de la Maison blanche : «Aucune preuve n'a été fournie que le général Soleimani planifiait spécifiquement une attaque imminente contre des intérêts américains, en particulier en Irak, pour laquelle une action immédiate était nécessaire et aurait été justifiée.» Et de poursuivre : «Aucune preuve n'a été apportée pour montrer que les Etats-Unis n'ont pas eu le temps de demander l'aide de la communauté internationale, y compris du Conseil de sécurité des Nations unies, pour faire face à des menaces imminentes présumées.»
Il s'agit d'un moment critique pour le monde, possiblement d'un virage, concernant le recours aux drones
Même si près de la moitié du rapport d'Agnès Callamard porte sur le meurtre du général iranien, le document s'intéresse plus généralement à l'usage des drones dans les assassinats ciblés, tout en appelant à davantage de régulation et de sévérité dans le contrôle de ces opérations. «Il s'agit d'un moment critique pour le monde, possiblement d'un virage, concernant le recours aux drones [...] Le Conseil de sécurité est absent, la communauté internationale – volontairement ou non – reste majoritairement silencieuse», a-t-elle estimé auprès de l'agence de presse britannique.
Un assassinat «sur ordre du président»
Le général iranien Qassem Soleimani, chef de la force al-Qods (branche des Gardiens de la Révolution chargée des opérations extérieures), par ailleurs émissaire de Téhéran pour les affaires irakiennes, a été tué dans le bombardement de l'aéroport de Bagdad, en Irak, mené par les Etats-Unis le 3 janvier.
Le Pentagone avait confirmé la mort de Qassem Soleimani quelques heures plus tard dans un communiqué : «Sur ordre du président, l'armée américaine a pris des mesures défensives décisives pour protéger le personnel américain à l'étranger en tuant Qassem Soleimani [...] Le Général Soleimani préparait activement des plans pour attaquer des diplomates et des militaires américains en Irak et à travers la région.Le Général Soleimani et sa force al-Qods étaient responsables de la mort de centaines d'Américains et de membres de la coalition.»
L'assassinat du général Soleimani avait amené les Etats-Unis et l'Iran au bord d'un conflit armé après que Téhéran ait riposté en tirant des missiles sur des cibles américaines en Irak quelques jours plus tard. Sur la scène internationale, l'opération américaine avait été vivement condamnée, notamment par la Russie, la Chine ou encore la Syrie.