Polémique sur le laboratoire de Wuhan : Paris affirme ne disposer d'«aucun élément factuel»
Une polémique sur l'origine non naturelle du Covid-19 a fait surface aux Etats-Unis, alimentée en France par Luc Montagnier, prix Nobel de médecine 2008 controversé. Paris affirme ne disposer d'«aucun élément factuel» concernant ce sujet.
La France ne possède pas d'éléments pour vérifier la véracité des allégations concernant la polémique sur l'origine du nouveau coronavirus. «Il n’existe à ce jour aucun élément factuel permettant de corroborer les informations qui ont récemment circulé dans la presse états-unienne établissant un lien entre l’origine du COVID-19 et les travaux du laboratoire P4 de Wuhan en Chine», a assuré le 17 avril une source à l'Elysée dont les propos ont été rapportés par l'AFP.
Le laboratoire P4 de l’Institut de virologie de Wuhan, fruit d'un accord conclu en 2004, un an après l'épidémie du Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère), entre Paris et Pékin et portant sur la prévention et la lutte contre les maladies infectieuses étrangères, est en effet au cœur d'une polémique lancée à Washington, expliquant que le Covid-19 en serait issu. Selon le Washington Post et Fox News, ce laboratoire pourrait ainsi être à l'origine de la pandémie apparue dans cette ville du centre de la Chine avant de se propager dans plus de 200 pays. Ces informations n'ont été ni démenties ni confirmées par Washington, Donald Trump déclarant le 15 avril que les Etats-Unis menaient un «examen très approfondi» sur la façon dont le virus s'était propagé.
Selon la plupart des scientifiques, le coronavirus est d'origine animale et serait apparu sur un grand marché en plein air de Wuhan, où étaient vendus de la viande fraîche et des animaux vivants. L'«hôte intermédiaire» du virus ayant facilité la transmission à l'homme n'a, quant à lui, pas encore été clairement identifié.
Pour Luc Montagnier, on a peut-être voulu trouver un vaccin au sida
En France, le professeur Luc Montagnier, codécouvreur du virus du sida, a également avancé une théorie selon laquelle le nouveau coronavirus serait issu d'un accident de laboratoire, suscitant de vives contestations le 17 avril dans la communauté scientifique. D'après le prix Nobel de médecine, habitué des polémiques et désormais très controversé dans le monde scientifique, le virus SARS-CoV-2 est issu d'un tentative de fabrication d'un vaccin contre le virus du sida. En atteste, selon lui, la présence d'éléments du VIH dans le génome du nouveau virus, et même d'éléments du «germe de la malaria», argumente-t-il dans un entretien aux sites frequencemedicale et pourquoidocteur.
Ce n'est pas naturel, c'est un travail de professionnels, un travail de biologistes moléculaires, un travail très minutieux, d'horloger
D'après Luc Montagnier, qui s'est également exprimé sur la chaîne CNews, ces caractéristiques du nouveau coronavirus ne peuvent être survenues de façon naturelle. «Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il y avait une manipulation au sujet de ce virus», a déclaré ce prix Nobel sur la chaîne d'information. «Ce n'est pas naturel, c'est un travail de professionnels, un travail de biologistes moléculaires, un travail très minutieux, d'horloger», a-t-il insisté. Interrogé par le journaliste Pascal Praud sur le but d'une telle manipulation, Luc Montagnier envisage la possibilité «qu'on ait voulu faire un vaccin contre le sida, donc on a pris de petites séquences du virus et on les a installées dans la séquence plus grande du coronavirus». Et c'est ainsi que l'accident propageant le Covid-19 serait intervenu dans le laboratoire de haute sécurité de la ville de Wuhan, suppose-t-il.
«Cela n'a pas de sens. Ce sont de tout petits éléments que l'on retrouve dans d'autres virus de la même famille, d'autres coronavirus dans la nature», s'insurge de son côté le virologue Etienne Simon-Lorière de l'Institut Pasteur à Paris auprès de l'AFP. «Ce sont des morceaux du génome qui ressemblent en fait à plein de séquences dans le matériel génétique de bactéries, de virus et de plantes», lance-t-il encore.
Luc Montagnier, ancien de l'Institut Pasteur, est lauréat du Nobel de médecine 2008 pour l'identification du virus responsable du sida, avec sa collègue de l'époque, Françoise Barré-Sinoussi. Outre ses théories sur les ondes électromagnétiques émises par l'ADN et sur les bienfaits de la papaye fermentée, qui lui ont attiré des moqueries, il s'est affiché en 2017 aux cotés de Henri Joyeux, figure de proue des antivaccins, pour dénoncer la dangerosité des vaccins et de la vaccination obligatoire.
La polémique sur le laboratoire relancée par Fox news le 15 avril
L'hypothèse selon laquelle le coronavirus aurait été créé dans un laboratoire a été écartée par le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères qui a fait valoir que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait que cette thèse ne reposait sur «aucune base scientifique».
Le 14 avril, le chef d'état-major de l'armée américaine Mark Milley avait d'ailleurs estimé que d'après les services de renseignement américains, le virus était plus probablement apparu naturellement. Le ministre américain de la Défense Mark Esper a quant à lui évoqué des «rumeurs et spéculations» que rien ne permettait de vérifier ni confirmer. Mais le 15 avril, Fox news a révélé que ses «sources» faisaient part d'une «certitude grandissante» que le virus soit passé de la chauve-souris à l'homme par le biais d'un «patient zéro» employé de laboratoire qui aurait ensuite contaminé des habitants de Wuhan.
Selon le média conservateur, le marché de Wuhan, d'abord considéré comme le lieu initial de propagation du virus, n'a «jamais vendu de chauves-souris» et l'hypothèse selon laquelle l'épidémie serait partie de ce point a été, toujours selon ces «sources», mis en avant par la Chine pour «dévier» les soupçons sur le laboratoire. Le Washington Post expliquait lui, le 14 avril, que des diplomates américains s'étaient inquiétés dès 2018 des mesures de sécurité sanitaires «inadéquates» d'un laboratoire de la ville chinoise de Wuhan, qui menait des «études risquées sur des coronavirus [venant] de chauves-souris».
La ville de Wuhan est la seule de Chine à être équipée d'un laboratoire épidémiologique de haute sécurité de type P4, ouvert en 2017 avec la coopération de la France. Ce type de laboratoire permet des recherches sur des germes extrêmement pathogènes. Il n'en existe qu'une trentaine dans le monde, dont trois en France.