Algérie : manifestations dans plusieurs villes à la veille du premier anniversaire du «Hirak»
- Avec AFP
Alors que le mouvement de contestation célébrera le 22 février sa première année de mobilisation nationale, les rues algériennes sont occupées massivement pour le 53e vendredi d'affilée, ce 21 février.
Les Algériens sont descendus en masse lors du 53e vendredi consécutif, pour entretenir à la veille de son premier anniversaire, la flamme d'une contestation inédite qui aura contraint Abdelaziz Bouteflika à démissionner mais sans réussir néanmoins à changer le «système» au pouvoir depuis l'indépendance.
Les manifestants allument une grande bougie à l’occasion du premier anniversaire du Hirak.
— INTERLIGNES (@inter_lignes) February 21, 2020
Ils scandent « jina besh tera7lo machi besh na7taflo »
« Nous sommes sortis réclamer votre départ, nous sommes pas là pour fêter » #Alger#Algeriepic.twitter.com/eZj2Ivnj7h
Plus massive que les derniers vendredis, une foule compacte de manifestants – dont le nombre est difficile à évaluer – défile depuis le début d'après-midi près de la Grande Poste, au cœur d'Alger, point de rassemblement emblématique depuis un an, mais aussi dans plusieurs villes du pays, comme Oran, Mostaghanem, Tiaret, Tizi Ouzou ou encore Béjaïa.
A Alger, la mobilisation en cette veille du 1er anniversaire du Hirak, les rues et les places du centre-ville sont noires de monde. Les manifestants de la capitale ont fait défiler une grande bougie allumée pour l'occasion, tout en chantant : «Nous sortons pour que vous partiez et non pour célébrer.»
53eme vendredi de contestation à la veille du 1er anniversaire du Hirak. Dispositif de police important et hélicoptère qui tourne au dessus du centre-ville pour surveiller les premiers manifestants. « Le Hirak n’a pas demandé une fête, le Hirak demande votre départ ».#Algeriepic.twitter.com/UfnwlYmUDu
— Zahra Rahmouni (@ZahraaRhm) February 21, 2020
«Le peuple veut la chute du régime», «le gang des bandits doit partir», lancent-ils également.
V53 pic.twitter.com/ZbrGH3Spdw
— Khaled Drareni (@khaleddrareni) February 21, 2020
Plusieurs organisations citoyennes et partis ont appelé à «la mobilisation populaire pour disqualifier l'agenda de la régénération du "système" et jeter les bases d'une nouvelle République».
«Continuer la mobilisation»
Selon de nombreux témoignages sur les réseaux sociaux, des barrages filtrants ont été mis en place dès le 20 février au soir aux entrées de la capitale pour compliquer l'accès des Algériens venus d'autres régions. Des marches imposantes se déroulent également dans les grandes villes de province, toujours selon les images diffusées sur les réseaux sociaux.
Il y a un an, le vendredi 22 février 2019, de nombreux Algériens, qu'on disait alors résignés et dépolitisés, ont envahi soudainement les rues à travers le pays, contre la volonté annoncée du président Bouteflika – quasi-invisible et muet depuis un AVC en 2013 – de briguer un 5e mandat. Après six semaines de manifestations, le Hirak a poussé l'état-major de l'armée, pilier du régime, à exiger et obtenir le 2 avril la démission du président Bouteflika. Assurant ouvertement le pouvoir, le haut commandement militaire, incarné par le général Ahmed Gaïd Salah, a toutefois balayé ensuite les revendications sur un changement total du «système», et multiplié les arrestations.
Dans un entretien le 20 février au soir avec la presse nationale, le président Abdelmadjid Tebboune, ex-fidèle de Bouteflika élu en décembre lors d'une présidentielle massivement boudée, a rendu hommage au «Hirak béni» qui a empêché «l'effondrement total» du pays. Il a assuré qu'il allait mettre en œuvre «l'ensemble de ses revendications».
Mais, dans un Manifeste du 22-Février publié le même jour et distribué ce 21 février par les manifestants, des organisations proches du Hirak exhortent à «continuer la mobilisation». Les slogans restent d'actualité, rappelle le texte, qui exprime «une volonté de rupture avec les institutions actuelles» et le refus «que le processus de changement soit confié au pouvoir en place». Ce manifeste dénonce aussi la poursuite des «mesures répressives» contre journalistes, militants et manifestants et rappelle que les Algériens «veulent que leur pays soit gouverné et géré dans la transparence».
Largement informelle, sans structure organisée ou dirigeants identifiés, la contestation doit à son tour se repenser au risque de s'essouffler. Doit-elle accepter la «main tendue» par le président Tebboune? Doit-elle se structurer, au risque d'afficher au grand jour ses clivages et ses contradictions?