Un nouveau gouvernement a été formé au Liban, ce 21 janvier, sous la direction du Premier ministre Hassan Diab, un universitaire de 61 ans, après que l'organisation chiite Hezbollah et ses alliés se sont mis d’accord sur un cabinet qui doit répondre d’urgence à une crise économique de grande ampleur.
L’Etat libanais, lourdement endetté sur fond d’une dévaluation d’environ 40% de la monnaie nationale (la livre libanaise), n’avait pas de gouvernement depuis que Saad Hariri a quitté son poste de Premier ministre le 29 octobre, à la suite des nombreuses protestations à l'égard de la classe politique qui a collectivement conduit le Liban vers une crise politique majeure.
Ce gouvernement ne nous reflète pas
Au lendemain de deux jours de manifestations au cours desquelles des heurts ont éclaté entre protestataires et forces de l'ordre faisant plusieurs centaines de blessés, des manifestants sont une nouvelle fois descendus dans les rues de la capitale, Beyrouth, lors de l'annonce du gouvernement. De son côté, la police a utilisé des canons à eau sur des protestataires, qui ont notamment lancé des pierres près du Parlement, puis démantelé des barricades nouvellement érigées.
Le mouvement de contestation au Liban, qui a débuté le 17 octobre 2019, réclamait notamment le départ d'une classe dirigeante accusée de corruption et d'incompétence. Les manifestants fustigeaient au même titre la Banque centrale et son gouverneur, qu'ils jugeaient complices des politiques, et portant une grande part de responsabilité dans la crise économique. Par la suite, la démission de Saad Hariri, laissant le Liban sans gouvernail pendant près de trois mois, n'a pas permis de résoudre les problèmes économiques rencontrés par une part toujours plus importante de la population libanaise qui souffre de la crise, et en subit les conséquences.
Une «équipe de sauvetage» avec le soutien du Hezbollah
Le Hezbollah, proche de l'Iran, et ses alliés, dont le président de la République du Liban Michel Aoun, ont nommé Hassan Diab au poste de Premier ministre, le 19 décembre, après l'échec des efforts pour conclure un accord avec Saad Hariri, le principal dirigeant sunnite du Liban et un allié traditionnel des Etats arabes de l'Ouest et du Golfe.
Des semaines de querelles entre les alliés du Hezbollah, sur les portefeuilles ministériels ont retardé un accord jusqu’au 21 janvier, lorsque l'organisation chiite a lancé un ultimatum à ses alliés pour conclure un accord ou en subir les conséquences, selon des sources proches des pourparlers citées par l'agence Reuters.
Ainsi, le gouvernement est composé de 20 ministres spécialisés et soutenus par les partis libanais. Ghazi Wazni, un économiste qui fut conseiller de la commission des Finances et du Budget du Parlement, a été nommé ministre des Finances avec le soutien du président du Parlement, Nabih Berri. Nassif Hitti, ancien ambassadeur auprès de la Ligue arabe, a été nommé ministre des Affaires étrangères avec le soutien du Mouvement patriotique libre du président de la République Michel Aoun.
Hassan Diab a décrit son gouvernement comme une «équipe de sauvetage» qui travaillerait pour atteindre les objectifs et revendications émis par les manifestants. Son premier voyage à l'étranger devrait être dans la région arabe, plus particulièrement dans le Golfe, selon Reuters.
L'économie libanaise semblable à «une boule de feu» ?
D’un point de vue économique, la situation, déjà précaire avant le début de la contestation, s'est détériorée ces dernières semaines sur fond de restrictions concernant les retraits bancaires et une monnaie nationale qui a perdu près de la moitié de sa valeur sur le marché parallèle, entraînant une hausse des prix.
Le nouveau ministre des Finances, Ghazi Wazni, a déclaré que le Liban avait besoin d'une aide étrangère pour sauver le pays d'une situation sans précédent qui avait notamment forcé des personnes à «mendier des dollars» dans les banques, et à craindre pour leurs dépôts. Ghazi Wazni a également décrit les échéances à venir de la dette souveraine en devises comme «une boule de feu».
Pour la nouvelle équipe, les défis sont multiples, en particulier sur le plan économique, dans un pays qui croule sous une dette avoisinant les 90 milliards de dollars (81 milliards d'euros), soit plus de 150% de son produit intérieur brut.
Par ailleurs, en pleine pénurie du dollar, utilisé au Liban au même titre que la monnaie nationale, les banques ont limité les retraits à environ un millier de dollars par mois, provoquant des files d'attente interminables et parfois même des altercations dans certains établissements, selon l’AFP.
La monnaie nationale, indexée sur le billet vert depuis 1997 au taux fixe de 1,507 livres pour un dollar, a perdu près de la moitié de sa valeur dans les bureaux de change, frôlant désormais 2,5 livres pour un dollar.
L'une des premières tâches du gouvernement sera donc de rééquilibrer l’économie libanaise, et de décider de son approche face aux impératifs de remboursement des obligations souveraines, notamment un euro-obligation de 1,2 milliard de dollars venant à échéance en mars. Ghazi Wazni, s'adressant à Al-Jadeed TV, a déclaré que le gouvernement avait besoin «d'une position claire» sur les euro-obligations arrivant à maturité.
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