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Nicole Belloubet évoque l'hypothèse d'un rapatriement de Syrie des djihadistes français

La ministre française de la Justice n'a pas exclu la possibilité d'un retour des djihadistes français retenus par les Kurdes en Syrie. Pour autant, son entourage a réfuté une rupture avec la position de Paris sur ce dossier sensible.

Quel sort attend les djihadistes français détenus par les Kurdes en Syrie ? La ministre française de la Justice Nicole Belloubet a développé une piste dans un entretien à Libération paru ce 11 janvier.

S'il n'est plus possible de les juger sur place, je ne vois pas d'autre solution que de rapatrier ces gens en France

«Jusqu'aux récentes évolutions, nous pensions à la possibilité de mettre en place avec d'autres Etats européens un tribunal mixte en Irak» pour juger les djihadistes étrangers que leurs pays ne veulent pas reprendre, notamment français, un tribunal «que nous aurions appuyé», a déclaré la ministre dans les colonnes du journal. Mais «la donne a changé», a-t-elle souligné sans plus de détails : «Dans ce cas là, s'il n'est plus possible de les juger sur place, je ne vois pas d'autre solution que de rapatrier ces gens en France. Tout combattant terroriste qui serait rapatrié serait judiciarisé comme nous l'avons toujours fait.»

«On ne peut prendre le risque d'une dispersion dans la nature», a insisté le garde des Sceaux. «On ne va pas avoir cinquante solutions : soit on va les rapatrier car on considère qu'il vaut mieux qu’ils soient sous contrôle français, soit ils s'évaporeront... Avec les risques que cela suscite», a-t-elle encore argumenté.

Une inflexion dans la position française ?

Pour Marc Lopez, membre du collectif Familles Unies, qui milite pour le rapatriement des djihadistes et de leurs enfants pour les juger en France, c'est une inflexion : «La ministre ne l'avait pas dit comme ça [jusqu'alors]». «Il n'y a pas d'autre solution» que le rapatriement, a-t-il martelé. «Depuis le mois d'août, aucune famille n'a de nouvelle des hommes emprisonnés en Syrie», a ajouté Marc Lopez, qui estime que «ce que dit madame Belloubet sur le risque de dispersion [des djihadistes] est vrai».

Notre position est constante, nous considérons que les djihadistes doivent être jugés dans les endroits où ils ont commis leurs exactions

Le 11 janvier à midi, l'entourage de la ministre a néanmoins assuré que sa ligne n'avait pas changé. «Notre position est constante, nous considérons que les djihadistes doivent être jugés dans les endroits où ils ont commis leurs exactions. C'est pourquoi nous appuyons, avec d'autres Etats européens, le principe de leur jugement en Irak avec l'ensemble des garanties qui s'imposent», a fait savoir son entourage à l'AFP.

Mi-décembre, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait reconnu que la question d'un jugement en Irak n'était «pas réalisable à court terme», en raison notamment de la révolte qui secoue ce pays. Depuis, l'Irak est également devenu un théâtre de l'affrontement entre l'Iran et les Etats-Unis. Le chef de la diplomatie française avait déclaré qu'en l'absence de procès réalisables en Irak à court terme, le sort des djihadistes étrangers détenus par les Kurdes relèverait du processus de règlement politique en Syrie sous l'égide de l'ONU. Il avait rappelé la position intangible de la France concernant le sort de ses ressortissants ayant rejoint le groupe terroriste Daesh – leur jugement sur le théâtre où ils ont combattu – et souligné qu'elle était partagée par nombre de pays européens.

Contacté par l'AFP, le Quai d'Orsay n'avait pas réagi dans l'immédiat.

Nicole Belloubet juge par ailleurs dans Libération qu'il n'est «pas acceptable» que de très jeunes enfants de djihadistes français soient retenus dans des camps au Kurdistan. Elle met toutefois en avant des questions «juridique», la nécessité d'obtenir l'accord de la mère pour le rapatriement de l'enfant, «factuelle», la situation sur place «ne permet plus» d'aller chercher ces enfants, et «politique», «l'acceptabilité du retour de ces enfants pour nos concitoyens».

Jusqu'ici, le gouvernement français n'a accepté de rapatrier des enfants de ces camps qu'au «cas par cas». Après des mois de tergiversations dans un contexte de forte hostilité de l'opinion, Paris a ainsi, en juin 2019, rapatrié 12 enfants, dont la majorité étaient des orphelins, après cinq rapatriements en mars 2019.

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