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Un pas vers la paix ? L'Ukraine accepte la feuille de route visant à un règlement dans l’est du pays

Un accord a été décidé par toutes les parties sur la mise en place de la «formule de Steinmeier» en Ukraine. Une avancée importante vers le règlement du conflit qui fait rage dans l'est du pays. La nouvelle a été accueillie avec espoir à Moscou.

Survenue le 1er octobre à l'issue d'une réunion du Groupe de contact trilatéral sur l'Ukraine, qui réunit des représentants de la présidence en exercice de l’OSCE (la Slovaquie en 2019), de Moscou et de Kiev, à Minsk en Biélorussie, l’annonce pourrait bien marquer un engagement décisif en faveur du règlement du conflit qui fait rage dans l’est de l’Ukraine depuis 2014. Le représentant russe auprès du Groupe, Boris Gryzlov, a en effet rapporté, selon l’agence de presse russe TASS, que «tous les participants à la réunion du Groupe de contact, y compris des représentants de districts sélectionnés des régions de Donetsk et de Lougansk, [avaient] approuvé la [procédure de mise en place de la] "formule de Steinmeier" en vue de son application dans la législation ukrainienne».

Cette «formule de Steinmeier», du nom de l'ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, qui l’avait imaginée en 2015, est venue s’ajouter cette même année aux accords de Minsk II. Si le principe en avait été validé, la formule n'avait jamais été mise en œuvre. Elle prévoit l'octroi temporaire, dans un premier temps, d'un «statut spécial» pour les Républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, le temps d'y organiser des élections. Ce statut ne deviendrait permanent qu'une fois que l'OSCE aurait pu valider la légitimité des résultats de ce vote.

Chacun des membres du Groupe tripartite a fait part, dans des lettres distinctes envoyées au représentant spécial de l'OSCE en Ukraine, Martin Sajdik, de sa volonté de mettre en œuvre cette formule. Celui-ci a toutefois confirmé, auprès de l’agence Interfax, qu’aucun document commun n’avait été ratifié. La question est donc posée de savoir comment sera appliquée la mesure, et si elle sera juridiquement contraignante étant donné le mode d’approbation assez inhabituel dans ce type de négociation. «Il reste encore beaucoup de travail à faire [...] Il sera nécessaire de parler du déroulement des élections, des questions de sécurité pour ces élections ainsi que de beaucoup d'autres questions», a concédé Martin Sajdik.

Un premier pas vers un règlement du conflit

Cette nouvelle a été accueillie à Moscou avec un certain optimisme, comme le premier pas vers le règlement du conflit qui déchire l’est de l’Ukraine. «Nous évaluons de manière positive la coordination par le Groupe de contact du mécanisme d’introduction du statut spécial du Donbass et de la séparation des forces dans ces régions. Nous espérons que cela créera une atmosphère appropriée pour la poursuite de la mise en œuvre des accords de Minsk», a souligné Maria Zakharova, la porte-parole de la diplomatie russe, le 1er octobre sur Facebook.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a de son côté expliqué lors d’une conférence de presse tenue à Kiev après la réunion, que cette avancée dans les négociations constituait la levée des derniers obstacles se dressant devant l’organisation d’une rencontre au «Format Normandie», réunissant l'Ukraine, la Russie, la France et l'Allemagne. Le dirigeant fraîchement élu a précisé que la date de cette rencontre serait «connue dans un avenir proche». Volodymyr Zelensky a également rappelé que cette «formule de Steinmeier» sur le «statut spécial» devrait être rédigée sous forme de loi et approuvée par les autorités ukrainiennes. Elle devrait être adoptée d’ici la fin de l’année selon le responsable ukrainien. «Il y aura une nouvelle loi qui sera élaborée par le Parlement [...] après discussion publique», a-t-il assuré, soulignant qu’il n’y aurait «pas de reddition» de la part de son pays.

La signature d’un tel accord était attendue depuis quelques semaines mais les négociations avaient échoué, l’Ukraine étant insatisfaite des précédents principes de règlement du conflit. Si la nouvelle a été relativement bien accueillie par les politiciens dans le pays, constituant un signe positif de l’avancée du processus de paix, des groupuscules nationalistes ukrainiens ont quant à eux fait part de leur colère après l’annonce de l’accord. Environ 700 personnes, selon les chiffres de l’Ukrainian News Agency, se sont réunies dans la soirée devant la résidence présidentielle pour une manifestation baptisée : «Non à la capitulation». Ils ont brandi des drapeaux nationalistes et fait usage de fumigènes.

De son côté, l’ancien président ukrainien, Petro Porochenko s’est montré lui aussi plus nuancé. «En ce qui concerne les événements d’aujourd’hui […] notre parti tient à déclarer qu’il n’existe pas de "formule Steinmeier" dans le cadre des accords de Minsk», a-t-il fait valoir, la qualifiant de «formule de Poutine» et se désolant que cet accord «modifie fondamentalement la séquence des actions stipulées par les accords de Minsk». Le perdant de la dernière élection, dont les propos sont rapportés par TASS, s’est bien gardé de rappeler qu'il était au pouvoir lors du sommet au «Format Normandie», en octobre 2015, lors duquel avait été approuvé le principe de cette «formule Steinmeier».

Les dernières semaines ont été l'occasion pour les deux nations de détendre leurs relations. Le 7 septembre, la Russie et l'Ukraine procédaient à l'échange de 70 prisonniers, dont Kyrill Vychinsky, le journaliste russe et ancien directeur de RIA Novosti Ukraine – qui avait été incarcéré en Ukraine depuis mai 2018 à titre préventif pour «haute trahison». Quelques jours plus tard, le 11 septembre, Volodymyr Zelensky avait décidé de suspendre la résiliation d’accords bilatéraux avec la Russie ouvrant la voie à de nouveaux rapprochements.

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