Il aura fallu moins d’une semaine à Donald Trump pour avoir raison de l’ambassadeur britannique aux Etats-Unis, Sir Kim Darroch. Celui-ci a présenté sa démission ce 10 juillet dans une lettre adressée à Simon McDonald, le chef des services diplomatiques britanniques dont les propos ont été rapportés sur le site du ministère britannique des Affaires étrangères.
«Depuis la fuite de documents officiels provenant de cette ambassade, il y a eu beaucoup de spéculations sur mon poste et la durée de mon mandat d'ambassadeur. Je veux mettre fin à cette spéculation. La situation actuelle m'empêche de remplir mon rôle comme je le souhaiterais», a expliqué le diplomate de 65 ans, dont 42 ans passés en poste.
Un président «instable» et «incompétent»
Tout commence le 7 juillet, lorsque le journal dominical Mail on Sunday publie des câbles diplomatiques dans lesquels l’ambassadeur qualifie l’administration de Donald Trump d’«inepte» et d’«unique dans son dysfonctionnement». «Nous ne pensons pas vraiment que cette administration va devenir substantiellement plus normale, moins dysfonctionnelle, moins imprévisible, moins divisée, moins maladroite et inepte diplomatiquement», avait-il écrit dans un mémo révélé par le média britannique. Il avait par ailleurs estimé que le 45e président des Etats-Unis était «instable» et «incompétent». Dans un des messages, daté du 22 juin, Kim Darroch jugeait que les positions belliqueuses de Donald Trump sur l’Iran étaient «incohérentes» et «chaotiques».
Je ne connais pas l’ambassadeur mais il n’est ni aimé ni bien vu aux Etats-Unis. Nous ne traiterons plus avec lui.
De son côté, le locataire de la Maison-Blanche n’avait pas tardé à réagir dès le lendemain sur Twitter déclarant avoir coupé les ponts avec l’ambassadeur. «Je ne connais pas l’ambassadeur mais il n’est ni aimé ni bien vu aux Etats-Unis. Nous ne traiterons plus avec lui», s’était emporté le dirigeant. Il en avait profité pour s’en prendre au Premier ministre britannique Theresa May, poussée à la démission et dont le successeur sera annoncé le 20 juillet. «J'ai été très critique quant à la façon dont le Royaume-Uni et le Premier ministre Theresa May ont géré le Brexit. Quel gâchis elle et ses représentants ont causé. Je lui ai dit comment il fallait faire mais elle a décidé de suivre une autre direction», avait-il tempêté, se réjouissant par ailleurs que le Royaume-Uni ait «bientôt un nouveau Premier ministre».
Les Britanniques (presque) unanimes
La dirigeante de 62 ans, qui quittera donc bientôt le 10 Downing Street, avait de son côté soutenu le diplomate britannique après la publication des câbles diplomatiques. Lors de la séance hebdomadaire de questions au Parlement ce 10 juillet elle a jugé cette démission «très regrettable». «Un bon gouvernement dépend de la capacité des fonctionnaires à donner des conseils francs et complets. Je veux que tous nos fonctionnaires aient la confiance nécessaire pour le faire», a-t-elle ajouté.
«Si le Royaume-Uni ne peut pas protéger les communications diplomatiques et que cela coûte leur carrière aux gens alors que tout ce qu'ils font c'est exécuter les souhaits du gouvernement, nous allons voir la qualité de nos émissaires se dégrader, leur influence diminuer et cela affaiblira notre pays», a lui estimé Tom Tugendhat, président de la Commission parlementaire des Affaires étrangères, sur Twitter.
D’après l’AFP, Le chef de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn a également «regretté» la démission de Kim Darroch qui «a rendu un service honorable et de qualité». Le favori pour le poste de Premier ministre, Boris Johnson, après avoir été très critiqué pour avoir refusé de défendre l’ambassadeur lors d'un débat télévisé le 9 juillet, a fini par reconnaître le 10 juillet, toujours selon l’agence de presse, la qualité de «diplomate exceptionnel» de Kim Darroch.
Seule voix dissonante dans ce concert de louanges, celle du chef du parti du Brexit, Nigel Farage, qui vient de remporter largement les élections européennes. Il s’est réjoui du départ de l’ambassadeur, estimant sur Twitter qu’il était temps «de nommer à ce poste un non-partisan du maintien dans l'UE qui veut nouer un accord commercial avec l'Amérique [après le Brexit]».
Londres a ouvert une enquête pour identifier le ou les responsables ayant permis la publication par le Mail on Sunday des rapports confidentiels et envisage des poursuites judiciaires. Ce 10 juillet, Simon McDonald a qualifié, devant la Commission des affaires étrangères, l’affaire de la «plus grande violation de confiance» jamais rencontrée dans ses services.