Présent à Paris pour quelques jours, l’ancien conseiller de Donald Trump, Steve Bannon, en a profité pour accorder une interview à nos confrères du Parisien. Dans sa suite de l’hôtel Bristol, l’ancienne officier de marine américain est revenu sur la conjoncture politique en France, la victoire possible des nationalistes aux élections européennes ainsi que les bénéfices que pourraient en tirer Donald Trump en vue de sa réélection en 2020.
«De toutes les élections qui auront lieu le week-end prochain en Europe, y compris au Royaume-Uni avec Nigel Farage et son Parti du Brexit, c’est de loin, ici, en France, la plus importante. Pas de doute» assure-t-il. D’après lui, Emmanuel Macron a remporté la victoire en 2017 avec «un positionnement mondialiste» qui a stoppé net «le mouvement populiste d’insurrection». Il prophétise néanmoins : «Le week-end prochain, vous aurez une situation où Matteo Salvini, Marine Le Pen et Nigel Farage peuvent être à la tête de trois des quatre plus gros partis présents au Parlement européen. Tout a changé en deux ans.»
Steve Bannon précise ne «pas être un fan» du président français, lui reconnaissant par ailleurs cohérence et constance dans ses propos. «Son discours de septembre 2017 à la Sorbonne était la conclusion logique du projet européen de Jean Monnet. Il veut les États-Unis d’Europe», ajoute-t-il, s’étonnant qu’Emmanuel Macron ait pris la tête de la liste Renaissance. «Il n’y a même pas le visage de la tête de liste [Nathalie Loiseau] sur les affiches», s’exclame-t-il, décrivant le scrutin comme «un référendum sur la personne de Macron et sa vision pour l’Europe».
Macron veut les États-Unis d’Europe
L’ancien président de Breitbart News LLC ne voit pas ce retournement comme une revanche. «Avec Salvini, Le Pen et Orban, il y a désormais une alternative structurée. Et Marine Le Pen a raison, la politique n’est plus structurée entre droite et gauche mais entre ceux qui pensent que l’Etat nation doit être dépassé et ceux qui pensent que c’est un bijou», argue-t-il, se réjouissant que les européens soient enfin en face d’«un vrai choix». Il confirme ne pas vouloir se rendre au rassemblement des populistes, organisé à Milan par Matteo Salvini, se sentant «plus utile en France» afin «d’intervenir dans les médias pour parler du RN». Il prévient : «L’élection européenne sera un tremblement de terre.»
Quand le journaliste lui demande des explications quant au financement qu’aurait accordé l’homme d’affaires au RN, sa réponse est claire : «Je n’ai jamais donné de capital et personne ne m’en jamais demandé. Je suis un conseiller informel, je ne me fais pas payer. […] Ce que je fais en revanche, c’est faire des observations à certains partis et donner des conseils sur la levée de fonds. Vous savez, je suis un ancien banquier d’affaires chez Goldman Sachs.» Il estime comme «déterminant» le nombre de «petits donateurs».
Après les échecs répétés de Marine Le Pen pour arriver au pouvoir, Steve Bannon l’exhorte à persévérer. «Ce qu’elle a fait est extraordinaire, elle a fait preuve de plus de résilience que n’importe quel autre politique. La chose la plus dure dans la vie est de se prendre un coup et de se relever», observe-t-il, prédisant que le RN pourrait s’emparer du pays «dans les deux années à venir, s’il reste sur cette lancée». Il prévoit également que «si Macron ne gagne pas» les élections européennes, la politique française sera «réinitialisé» et que «la course à la présidence commencera le lendemain» du scrutin. «Vous aurez une campagne plus longue qu’aux Etats-Unis», s’amuse-t-il.
Enfin, le prédécesseur à la Maison Blanche de Kellyanne Conway admet qu’une victoire des populistes aux élections serait bénéfique pour la réélection de Donald Trump. «Si les populistes font plus de 30% aux européennes, cela donnera cet élan qui aidera Trump pour la campagne de 2020», conclue-t-il.
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