Quand l'Allemagne décide, l'Europe exécute

Quand l'Allemagne décide, l'Europe exécute Source: Reuters
Pour Eric Coquerel comme Henri Sterdyniak, la puissance économique de l'Allemagne lui permet de dominer l'Union européenne.
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De part son poids économique, l'Allemagne parvient très souvent à imposer ses choix à l'Union européenne. Dernier exemple en date avec la question des migrants, devenue priorité européenne depuis que l'Allemagne est directement concernée.

Pendant des mois, l'Italie a appelé à l'aide. A Lampedusa, l'arrivée des migrants dépassait largement les possibilités d'accueil de l'Italie. Il y a quelques semaines, c'est Alexis Tsipras qui avouait que son pays était «dépassé» par l'arrivée des migrants. Depuis ? Rien n'a changé.

Mercredi 19 août, un nouveau pays a appelé à la mobilisation des Européens. L'Allemagne, qui recevra, cette année, 600 000 demandeurs d'asile. La Chancelière allemande a ainsi estimé que les 28 avaient désormais besoin «d'une politique commune européenne en matière d'asile». La question des migrants serait même «le plus grand défi de l’Allemagne depuis la Réunification» du pays, a déclaré dimanche 23 août le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel. Ce que l'Italie, la Grèce, l'Espagne, affirment de leur côté depuis plusieurs mois, mais sans obtenir de réponse de l'Europe.

Et pourtant cette fois-ci, ça va bouger. D'ores et déjà, François Hollande et Angela Merkel ont évoqué le sujet ce lundi. Et comme la Chancelière, François Hollande a plaidé pour «un système unifié de droit d'asile». Plus encore : Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur français, et Thomas De Maizière, son homologue allemand, ont annoncé la tenue d'une réunion avec tous les ministres européens de l'Intérieur et des Affaires étrangères à Paris en octobre.

Comme si lorsque l'Allemagne a un problème, cela devient automatiquement celui de l'Europe. «Ce qui est certain, c'est que dans l'Europe d'aujourd'hui, quand vous êtes un petit pays, vous avez plus de mal à bousculer l'agenda», explique Henri Sterdyniak, membre des économistes atterrés. «Effectivement, et ce n'est pas la première fois qu'on le constate, l'Allemagne a tendance à Européaniser ses problèmes», affirme aussi Eric Coquerel, le coordinateur national du Parti de gauche. «Les intérêts de l'Allemagne s'imposent à l'Europe.»

Ce week-end d'ailleurs, la question des accords de Schengen est redevenue centrale... après une déclaration de Thomas de Maizières, qui estimait, à regret, que sans solution, ces derniers risquaient d'être suspendus. Dans la foulée, preuve que c'est la voix allemande qui oriente les débats, Paolo Gentiloni, le ministre italien des Affaires étrangères s'alarmait d'une possible remise en question de Schengen. Une prise de position de l'Allemagne dans laquelle s'est aussi engoufrée Charles Michel, le Premier ministre belge, estimant lui que la menace terroriste, pouvait, «si cela s'avère nécessaire», entraîner «une modification des accords de Schengen».

Cette réunion, décidée suite à la prise de position d'Angela Merkel, illustre en tout cas bien le poids pris par l'Allemagne dans l'Europe d'aujourd'hui. Quand la première puissance européenne décrète qu'elle a un problème à gérer, l'Europe doit s'en saisir. «Sa puissance économique lui donne aujourd'hui la possibilité un poids supérieur aux autres», confirme Henri Sterdyniak. Une situation nouvelle en Europe selon l'économiste : «Il y a toujours eu une dissymétrie entre les pays européens, mais jamais à ce point là, car par le passé, la France ou l'Angleterre avaient aussi un poids majeur en Europe». «Ce jeu de puissance n'est pas neuf», estime Eric Coquerel. «Le problème, c'est que les dirigeants européens ont laissé progresser une volonté d’expansion de la puissance allemande en Europe. Les gouvernements ont accepté que l'Allemagne impose des traités à son avantage». 

Pour Eric Coquerel comme pour Henri Sterdyniak, la crise grecque a parfaitement illustré cette prise de puissance de l'Allemagne, qui travaille désormais en Europe, «pour l'électorat de Mme Merkel», estime le conseiller régional d'Ile-de-France. «L'Union européenne se construit pour un certain capitalisme allemand, avec une volonté de naissance d'un «impérialisme allemand» au moins sur le plan économique. Aujourd'hui, l'UE, c'est juste un marché ou l'Allemagne fait sa loi». Un marché où de nombreux pays dépendent directement de l'Allemagne, ce qui accentue le poids de celle-ci. Et contraint certains pays à s'aligner avec le géant. De gré ou de force. «Les autres pays européens dépendent d'elle», souligne Henri Sterdyniak. «L'Allemagne peut aujourd'hui dire : «C'est moi qui finance, donc c'est moi qui décide».

Alors que Sigmar Gabriel estime que «la réaction européenne jusqu’à présent n’était pas à la mesure des exigences que l’Europe doit avoir vis-à-vis d’elle-même», il y a de grande chance que la volonté allemande de s'emparer du dossier fasse bouger les lignes. Et que certains pays offre une oreille plus attentive aux demandes allemandes qu'à celles, identiques, de l'Italie ou de la Grèce. «Il y a une Europe allemande qui se construit», affirme Eric Coquerel. «Les pays d'Europe de l'Est ou du Nord sont devenus des pays satellites de l'Allemagne».

Chaque décision voulue par l'Allemagne est donc appuyée par ces pays, qui dépendent d'elle. «Les nouveaux entrants, et les pays de l'Est sont souvent dépendants de l'Allemagne au niveau commercial», confirme Henri Sterdyniak. «L'Allemagne a aussi placé des hommes proches d'elle à tous les postes clés de l'UE». Dans ces conditions, faire de ses problèmes ceux de l'Europe, et imposer ses solutions, devient beaucoup plus facile pour l'Allemagne. Qui ne s'en prive pas.

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