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Theresa May en pleine débâcle avant le vote décisif sur le Brexit

Le Premier ministre britannique a tout tenté pour infléchir l'avis des députés devant se prononcer sur l'accord du Brexit le 15 janvier. Ces dernières semaines ont tourné au désaveu pour Theresa May, dont les négociations n'ont convaincu personne.

A quelques heures du vote crucial de l'accord de Brexit au Parlement britannique, l'humeur n’est plus aux pas de danse pour Theresa May, qui affronte la pire crise politique de son mandat. La sortie de l’Union européenne (UE) qu’elle doit accompagner se traduit par un chemin de croix pour le Premier ministre.

Pros et anti-Brexit se sont massés le 15 janvier devant le Parlement britannique, reflétant les profondes divisions du pays, ainsi que celles de Westminster, concernant le destin du Royaume-Uni.

Toutes les prévisions annoncent, au sujet de ce vote décisif pour le Royaume-Uni, le rejet de l’accord. Il manquerait 100 voix à Theresa May pour l'emporter, alors qu'elle avait déjà reporté cette échéance. Autour d’elle, tout n’est que débâcle et démissions, puisqu’un treizième député conservateur, Gareth Johnson, a tourné les talons 24h avant le vote. Les députés travaillistes, opposés à l’accord, sont aussi sur le pont, prêts à frapper : si Theresa May ne réussit pas à l'emporter, ils vont tenter d’engager une motion de censure à son égard, de convoquer des élections anticipées et de peser pour un second référendum. 

«Ce gouvernement a perdu sa majorité au parlement, a perdu sa crédibilité et est incapable de représenter le peuple de ce pays ; nous pensons que s’ils ne peuvent pas obtenir la majorité au parlement, il devrait démissionner, et faire de la place pour de nouvelles élections afin que les citoyens de ce pays puissent choisir leurs députés et choisir leur avenir», a cinglé Jeremy Corbyn, le leader travailliste.

Deux discours pour jouer son va-tout

Theresa May s'est tout de même employée le 14 janvier à effectuer une tournée de la dernière chance en forme de chant du cygne, pour tenter de convaincre les récalcitrants de Westminster. Elle a dès la matinée rallié le village de Stoke-on-Trent, un village emblématique du vote pro-Brexit, et délivré un discours devant les ouvriers de l’usine de céramique locale. Dans son plaidoyer, elle a rejeté par avance la faute sur les parlementaires qui refuseraient son accord, alors qu’il est censé, selon elle, respecter la volonté du peuple.

Le chef du gouvernement a ainsi déclaré : «J’ai déjà prévenu que les conséquences d'un rejet du Parlement conduirait à de graves incertitudes qui mèneraient potentiellement à deux alternatives : soit un Brexit sans accord qui causerait des turbulences à notre économie, [...] soit le risque d'un blocage du Brexit, nous rendant pour la première fois de notre histoire incapables de mettre en place le résultat d'un référendum statutaire, et coupables de laisser tomber les Britanniques.» 

Etait-ce une manière de se dédouaner de ne pas avoir réussi à convaincre avec un accord d'environ 600 pages, élaboré avec ses partenaires européens que Londres compte quitter ? Un accord qu’elle décrit comme «le seul possible», puisque l’Union a refusé d’y apporter un quelconque aménagement après l’avoir validé, malgré les demandes de Theresa May sous pression des «hard-brexiters».

Le Royaume-Uni dans l'union douanière : le sujet qui fâche

En cause : le dispositif du «backstop», un filet de secours ente les deux Irlande, l'Irlande du nord britannique et la République d'Irlande membre de l'UE, pour éviter de réinstaurer une barrière physique entre les deux territoires. Pour les Européens, tant qu’un accord spécifique sur ce sujet ne sera pas trouvé, ce «backstop», qui implique le maintien de l’Irlande du Nord dans l’union douanière de l'UE, pourrait être activé. Cet état de fait ulcère les «hard-brexiters», qui refusent cet arrimage du Royaume-Uni aux règles de commerce européennes via l’Irlande du Nord.

Est-ce qu’on a protégé notre économie, notre sécurité ou est-ce qu’on a laissé tomber le peuple britannique ? 

Theresa May, au Parlement dans l'après-midi le 14 janvier, a usé de pédagogie en rassurant sur le «backstop», expliquant qu’elle avait obtenu les garanties des responsables européens sur ce sujet qui fâche : il ne serait que temporaire et en dernier recours. Face à des députés largement hostiles, elle a défendu, une ultime fois, les bienfaits de son accord, entre rires et huées : «Quand on écrira les livres d’Histoire, les gens évalueront la décision prise par le parlement demain. […] A-t-on répondu au souhait de quitter l’Union ? A-t-on protégé notre économie, notre sécurité ou a-t-on laissé tomber le peuple britannique ? Je dis que nous devrions respecter le peuple britannique et nous charger de construire un avenir meilleur pour notre pays, et de confirmer cet accord demain. J’exhorte la chambre à le valider.»

Theresa May et le Brexit impossible ?

La tâche confiée à Theresa May, entrée en fonction le 13 juillet 2016, s'avère un cadeau empoisonné. Pour respecter les résultats du référendum de juin 2016, le Premier ministre britannique s’est employée à négocier avec les partenaires européens qu’elle s’apprêtait à quitter. Mais comment convaincre les europhiles, qui font tout pour paralyser le Parlement et convoquer un second référendum ? Comment satisfaire les «hard-brexiters», toujours en butte à la question du «backstop», avec, fait aggravant, un «deal» adoubé par l'UE ? Et comment séduire les adversaires de toujours, les travaillistes, qui ne se satisfont ni d’un «no deal», ni de l'accord brandi par Theresa May ?

Le Premier ministre réfléchirait à un plan B, dont on peine à imaginer les contours. Les députés ont en effet adopté un amendement qui oblige Theresa May à leur présenter un scénario alternatif d’ici le 21 janvier au soir en cas de rejet de l’accord. Dans tous les cas, le perspective de la sortie d'ici le 29 mars, date initialement prévue, semble d’ores et déjà ajournée. Et l'avenir politique de Theresa May semble plus que jamais compromis.

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