Troisième économie de la zone euro, pays fondateur de l'Union européenne (UE), l'Italie, depuis qu'elle tient franchement tête à Bruxelles, pèse de tout son poids. Ce 24 octobre le président du Conseil des ministres italien, Giuseppe Conte, est à Moscou pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine.
De fait, depuis que le président de la République italienne Sergio Mattarella a échoué, en mai dernier, à imposer un ancien cadre du Fonds monétaire international à la tête d'un gouvernement technique, l'Italie déploie pleinement les fondamentaux de sa politique étrangère. Et, concernant la Russie, le triumvirat que composent l'eurosceptique Giuseppe Conte, le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini (La Ligue) et Luigi di Maio (Mouvement 5 étoiles, M5S) a déjà martelé à plusieurs reprises sa volonté de normaliser ses relations avec Moscou. Le 17 octobre dernier, le vice-président du Conseil et ministre de l'Intérieur Matteo Salvini a de nouveau dénoncé les sanctions économiques contre la Russie.
Rome, critique de longue date des sanctions contre la Russie
Depuis le rattachement de la Crimée à la Russie en 2014, Bruxelles a reconduit ces mesures visant à faire plier Moscou. En juillet 2018, le Conseil européen a encore une fois prorogé pour six mois des sanctions qui touchent la Russie, entre autres, dans les secteurs des finances, de l'énergie et de la défense. «Elles ont été initialement instituées le 31 juillet 2014, pour une durée d'un an, en réaction aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine, puis renforcées en septembre 2014», maintient toujours sur son site le Conseil, qui réunit et représente les dirigeants des 28 Etats membres.
L'Italie est le pays européen qui a le plus souffert de ces sanctions contre la Russie
En juillet dernier, Matteo Salvini, toujours à Moscou, déclarait son intention de mettre un terme aux sanctions avant «la fin de l'année». «L'Italie est le pays européen qui a le plus souffert de ces sanctions contre la Russie», avait-il alors déploré. Un mois plus tôt, Giuseppe Conte se disait favorable à une révision des sanctions à l'encontre de Moscou.
Pour autant, le gouvernement de coalition issu de la victoire de la Ligue (souverainiste et anti-immigration) et du M5S (antisystème et critique à l'égard de l'Union européenne) ne fait que poursuivre et continuer, certes en la renforçant, une politique plus favorable à l'égard de Moscou préexistante. En décembre 2015, l'europhile Matteo Renzi, alors président du Conseil italien, plaidait déjà pour un allègement des sanctions à l'encontre de Moscou.
Confirmant cette ligne de fond de la politique étrangère italienne sur le sujet, Giuseppe Conte est allé plus loin le 22 octobre, à deux jours de son voyage à Moscou, en prônant le retour de la Russie au sein du G7, de nouveau étendu à huit participants. La Fédération de Russie avait rejoint le G7, rebaptisé G8, en 1997, pour en être exclue en 2014, en raison des accusations occidentales d'ingérence russe dans la crise en Ukraine. «Si le président Poutine revenait à la table de négociations du G7, nous serions en mesure de régler des problèmes internationaux qui ne l'ont pas été jusque ici», a ainsi affirmé Giuseppe Conte devant des journalistes.
Sur ce dossier comme sur la crise migratoire ou la souveraineté budgétaire, Rome semble bien vouloir imposer ses vues, sous le regard, sinon inquiet, du moins attentif, des autres Etats membres de l'UE.
Alexandre Keller
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