Dénonçant «une ingérence dans ses affaires intérieures», Riyad expulse l'ambassadeur du Canada
- Avec AFP
L'Arabie saoudite a annoncé le 6 juillet qu'elle avait décidé d'expulser l'ambassadeur du Canada à Riyad et de geler toute relation commerciale, en réplique aux critiques répétées d'Ottawa sur la répression de militants des droits de l'Homme.
Le royaume saoudien a annoncé, le 6 août, qu'il donnait 24 heures à l'ambassadeur du Canada en Arabie saoudite pour quitter le pays et a rappelé son ambassadeur au Canada «pour consultations», dans un soudain durcissement des relations entre ces deux pays. Ottawa n'a pas encore réagi officiellement à l'annonce de Riyad, intervenue à la suite d'un appel de l'ambassade du Canada à la libération immédiate de militants des droits de l'Homme emprisonnés en Arabie saoudite.
Le royaume «n'acceptera d'aucun pays une ingérence dans ses affaires intérieures ou des diktats», a déclaré le ministère saoudien des Affaires étrangères sur Twitter. Riyad a en outre annoncé sa décision de «geler toutes nouvelles transactions concernant le commerce et les investissements» avec le Canada.
Le 3 août, en réaction à une vague d'arrestations de militants des droits de l'Homme dans le royaume, l'ambassade du Canada en Arabie saoudite avait écrit, dans un communiqué publié sur Twitter : «Nous appelons les autorités saoudiennes à les libérer immédiatement ainsi que tous les autres activistes pacifiques des #droitsdel'Homme».
Canada is gravely concerned about additional arrests of civil society and women’s rights activists in #SaudiArabia, including Samar Badawi. We urge the Saudi authorities to immediately release them and all other peaceful #humanrights activists.
— Foreign Policy CAN (@CanadaFP) 3 août 2018
Le 2 août, le chef de la diplomatie canadienne, Chrystia Freeland, s'était déjà dite «très alarmée d'apprendre l'emprisonnement de Samar Badaoui», une militante de l'égalité entre hommes et femmes, arrêtée la semaine dernière avec sa collègue Nassima al-Sadah.
«Insulte à l'islam»
Samar Badaoui est la récipiendaire du Prix international du courage féminin 2012 décerné par le département d'Etat américain. Elle a fait campagne pour la libération de son frère, Raef al-Badaoui, un blogueur contestataire, et de Walid Abou al-Khair, son ancien mari.
Citoyen saoudien, Raef al-Badaoui est emprisonné depuis 2012 en raison de propos tenus sur son blog. Il a été condamné en novembre 2014 à dix ans de prison et à 1 000 coups de fouet pour «insulte à l'islam».
L'épouse de Raef al-Badaoui, Ensaf Haidar, est installée au Québec depuis l'automne 2013 avec ses trois enfants.
En avril dernier, le Premier ministre canadien Justin Trudeau lui-même avait fait part au prince saoudien de «ses préoccupations importantes et constantes» à l'égard du blogueur emprisonné.
Les arrestations de Samar Badaoui et de sa collègue sont intervenues quelques semaines après celles d'une dizaine de militantes des droits des femmes, accusées de porter atteinte à la sécurité nationale et de collaborer avec les ennemis de l'Etat.
Certaines ont été relâchées depuis.
Comme Samar Badaoui, Nassima al-Sadah est une opposante de longue date au système de tutelle de l'Arabie saoudite, qui met la femme sous l'autorité de l'homme quand il s'agit d'étudier, de voyager ou de se marier.
Ces arrestations ont eu lieu malgré une séries de réformes entreprises par le prince héritier pour redorer l'image ultra-conservatrice du royaume, comme l'autorisation de conduire pour les femmes.