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François Hollande critique l'opération turque en Syrie... qui s'appuie sur des forces qu'il a armées

Dans un entretien avec Le Monde, François Hollande a eu des mots durs contre l'intervention turque ciblant des milices kurdes en Syrie. Une opération menée de concert avec notamment l'Armée syrienne libre, armée par la France sous sa présidence.

La situation en Syrie a sans doute paru suffisamment grave à l'ancien président de la République pour que François Hollande sorte de sa réserve. «La France fait partie de l’OTAN, avec la Turquie. Mais quel est cet allié à qui certains vendent des armes et qui utilise ses avions pour frapper des populations civiles ? Quel est cet allié turc qui frappe nos propres alliés avec le soutien au sol de groupes djihadistes ? Sachant que des porosités existent entre ces groupes et des entités terroristes», s'est-il interrogé dans un entretien diffués dans Le Monde le 12 mars 2018.

Le prédécesseur d'Emmanuel Macron paraît pour le moins décontenancé par les jeux d'alliances toujours mouvants qui caractérisent le conflit syrien depuis bientôt sept ans. Car, de fait, la Turquie s'appuie notamment, dans son intervention dans l'enclave kurde d'Afrin, en Syrie, sur l'Armée syrienne libre (ASL). Or, en 2014, aussi interrogé par Le Monde, le président d'alors admettait que la France avait livré des armes à des groupes rebelles syriens, malgré l'embargo européen. Et, selon de hauts responsables français cités par le même quotidien, ces groupes s'avèraient être des brigades affiliées à l'ASL. En d'autres termes, François Hollande dénonce aujourd'hui une opération turque qui s'appuie pourtant sur un groupe que la France, sous sa présidence, a armé...

Il convient par ailleurs de rappeler que la Turquie est accusée d'avoir recruté des combattants de l’Etat islamique dans sa lutte contre les milices kurdes à Afrin : début février, un ancien combattant de Daesh a ainsi a affirmé à la presse britannique que la Turquie recrutait de nombreux membres de l’Etat islamique, confirmant des déclarations précédentes de combattants kurdes.

L'OTAN embarrassé par l'intervention turque en Syrie

L'ex-locataire de l'Elysée témoigne en outre de la discorde au sein de l'OTAN autour de l'intervention turque «Rameau d'olivier» . Ankara, qui fait face au terrorisme du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) sur son propre territoire depuis des années, est intervenu en Syrie pour contrecarrer l'émergence de toute ébauche de Kurdistan à ses frontières. Or, la Turquie a décidé de lancer cette opération après l'annonce le 14 janvier dernier par les Etats-Unis de la formation d'une force de quelque 30 000 gardes-frontière, dans laquelle les milices kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) joueraient un rôle prépondérant.

Depuis le début de cette opération, la Turquie a en outre accusé à plusieurs reprises son allié américain au sein de l'OTAN de soutenir des «terroristes» kurdes.

François Hollande, contempteur des forces pro-Damas... qui secourent les combattants kurdes

Enfin, il est à noter que si François Hollande n'a eu de cesse durant son mandat de dénoncer le «régime» syrien et de prôner une action militaire contre ce dernier, ce sont pourtant des milices pro-gouvernementales qui sont venues, fin février, prêter main-forte dans la région d'Afrin aux Forces démocratiques syriennes (FDS, une coalition arabo-kurde dirigée par les YPG), attaquées par l'armée turque.

Dans ce même entretien du 12 mars accordé au Monde, l'ancien président a une nouvelle fois exprimé sa frustration de ne pas avoir pu intervenir militairement en Syrie en 2013, à cause de la volte-face de Barack Obama. En octobre 2016, à l'occasion de la publication Un président ne devrait pas dire ça..., on apprenait que l'état-major français se tenait prêt à frapper l'armée syrienne, sur la base d'accusations (en 2013 comme aujourd'hui en 2018) d'utilisation d'armes chimiques dans la Ghouta.

Au dernier moment, faute d'une résolution des Nations unies et d'un Royaume-Uni contraint lui aussi d'en passer par la voie de son Parlement, Barack Obama recule et abandonne l'allié français en rase campagne.

Le 3 mars dernier, au micro de RT France, le président déplorait encore ne pas avoir pu intervenir en Syrie. «Il y a une responsabilité, celle qui n'a pas été prise en août 2013, alors qu'il y avait des preuves que le régime de Bachar el-Assad avait utilisé des armes chimiques», a-t-il ainsi regretté.

L'épisode hante donc toujours François Hollande, mais, plutôt que de blâmer les Etats-Unis ou encore les tergiversations de l'OTAN, le président préfère fustiger l'action de la Russie à partir de septembre 2015, dont les buts de guerre en Syrie étaient de frapper Daesh et la nébuleuses de groupes djihadistes antigouvernementaux, qui se trouvent être encore à l'œuvre dans la Ghouta en 2018.

Emmanuel Macron a de son côté peu goûté l'analyse de son prédécesseur, critique à peine voilée de son action sur la scène internationale. «Il y a dans le cadre de la vie démocratique des commentaires et chacun prend ses responsabilités», a-t-il jugé le 12 mars. «Si vous voulez faire peur à des puissances qui décident des choix militaires, [il faut] intervenir militairement. La France n’interviendra pas militairement sur le sol en Syrie, je vous le dis très fermement. Et je crois que beaucoup de gens qui donnent parfois des leçons ont parfois eux-mêmes décidé la même chose, à juste titre», a-t-il déclaré le 12 mars alors qu'il était en visite en Inde.

Alexandre Keller

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