Devant les parlementaires britanniques, Theresa May a déclaré le 12 mars qu'il était «très probable que la Russie soit responsable» de l’empoisonnement de Sergueï Skripal, ancien agent double russe et de sa fille Ioulia. Qualifiant l’agression d’attaque «aveugle et imprudente contre le Royaume-Uni», le Premier ministre britannique a toutefois précisé que deux scénarios étaient à envisager. Selon elle, l’empoisonnement relève soit d’un «acte ciblé» de la Russie soit d'une «perte de contrôle» de l'agent innervant (le poison) par les autorités russes.
Le chef du gouvernement britannique a en outre annoncé que l'ambassadeur de Russie au Royaume-Uni avait été convoqué au Foreign Office et qu'il devrait fournir des explications. S'il ne donne pas une «réponse crédible» dans un délai de 24h, le Royaume-Uni conclura que l'attaque implique «un usage illégal de la force par l'Etat russe contre le Royaume-Uni». Dans ce cas, Theresa May a fait savoir qu'elle soumettrait des propositions de représailles à la Chambre des communes (la chambre basse du Parlement britannique).
Dans le registre des menaces toujours, Theresa May s'est dite «prête à prendre des mesures plus importantes», rappelant dans la foulée que les troupes britanniques étaient stationnées sur une base de l'OTAN située en Estonie, pays frontalier de la Russie.
«Un numéro de cirque devant le Parlement britannique»
Accusé sans preuve tangible, Moscou a rejeté en bloc les accusations de Theresa May. «C'est un numéro de cirque devant le Parlement britannique», s'est indignée la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, citée par des agences de presse russes. Pour elle, il ne s’agit ni plus ni moins d’une «campagne politique fondée sur la provocation».
De son côté, le général des services de sécurité russes (FSB), Vladimir Djabarov, a estimé dans une déclaration à l'AFP que l'empoisonnement de l'ex-agent double pourrait avoir été commis par le Royaume-Uni ou un pays tiers afin de «blâmer et noircir la Russie».
Vladimir Poutine : «Tirez les choses au clair de votre côté, et après nous en parlerons avec vous»
Plus tôt dans la journée, Vladimir Poutine, alors en déplacement dans la région russe de Krasnodar, avait répondu à un journaliste de la BBC, qui l'avait questionné sur une potentielle responsabilité de la Russie dans l’empoisonnement de Sergueï Skripal. «Tirez les choses au clair de votre côté, et après nous en parlerons avec vous», avait répondu le président russe.
Sergueï Skripal, âgé de 66 ans et sa fille de 33 ans sont hospitalisés en soins intensifs depuis le 4 mars, date à laquelle ils ont été retrouvés inconscients sur un banc devant un centre commercial à Salisbury, dans le sud de l'Angleterre. Le 7 mars, la police avait identifié un agent innervant, «très rare» selon la ministre de l'Intérieur Amber Rudd, excluant donc les plus connus tels le gaz sarin ou l'agent VX, qui a tué l'an dernier en Malaisie un demi-frère de Kim Jong-un. Ce 12 mars, Theresa May a assuré qu'il s'agissait d'un agent innervant de «type militaire», du groupe des agents «Novichok».
Si l'affaire reste enveloppée de mystère et que les inconnues sont nombreuses, la presse britannique avait rapidement établi un lien avec le Kremlin lui-même. Devenue diplomatique, l'affaire Skripal avait déjà conduit Maria Zakharova à réagir. Déplorant des commentaires «sauvages» liant l'empoisonnement de l'espion à Moscou, elle avait rappelé que l'ambassade de Russie au Royaume-Uni avait démenti toute implication de son pays dans cette affaire, prétexte à une nouvelle «diabolisation» de la Russie.