Un homme d'une soixantaine d'années a été hospitalisé le 4 mars dernier «dans un état critique» à Salisbury, à 140km au sud-ouest de Londres, ainsi qu'une femme d'une trentaine d'années se trouvant avec lui. Le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson a confirmé le 6 mars l'identité des deux personnes, «attaquées à l'aide d'une substance inconnue» selon le ministre : il s'agissait de l'ancien espion russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia.
Ancien colonel du renseignement militaire russe, il avait été condamné en 2006 à 13 ans de prison en Russie pour espionnage au profit du Royaume-Uni. En échange d'une somme estimée autour de 100 000 dollars, il avait en effet fourni à Londres une liste d'agents russes opérant en Europe. Le 9 juillet 2010, Sergueï Skripal avait finalement été gracié par le président russe Dmitri Medvedev. Il avait alors fait l'objet d'un échange contre dix agents du Kremlin expulsés par Washington. Cet échange digne d'un roman d'espionnage, au terme duquel il s'était réfugié en Angleterre, était le plus important depuis la fin de la guerre froide.
Pour l'heure, l'enquête n'a pas permis d'établir les circonstances dans lesquelles les deux individus ont été exposés à une substance décrite comme extrêmement dangereuse. Boris Johnson a ainsi lui-même admis qu'il serait «injustifié de préjuger des résultats de l'enquête». Seule certitude : les deux victimes se trouvent dans «un état critique» mais stable. L'un des membres des services de secours étant intervenu sur les victimes a également été hospitalisé.
Aucune information, mais un emballement médiatique
Si l'affaire reste enveloppée de mystère et que les inconnues sont nombreuses, la presse britannique n'a pas tardé à établir un lien avec le Kremlin lui-même. N'hésitant pas à évoquer des «affaires similaires», comme le décès en 2006 à Londres d'Alexandre Litvinenko, autre ancien espion russe soupçonné d'avoir collaboré avec le Royaume-Uni, les médias outre-Manche n'ont pas attendu les résultats de l'enquête ouverte pour émettre des hypothèses.
Cet empressement à pointer Moscou du doigt n'est pas l'apanage des seuls journalistes : Boris Johnson, après avoir appelé à ne tirer aucune conclusion hâtive, a lui-même déclaré, devant les députés britanniques, que cet incident avait de quoi remettre en question jusqu'à la participation de l'équipe anglaise à la Coupe du monde de football qui doit avoir lieu cet été en Russie : «Je pense qu'il est difficile d'imaginer que le Royaume-Uni puisse participer à la Coupe du monde comme si de rien était.»
Devenue diplomatique, l'affaire Skripal a conduit la porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe, Maria Zakharova, à réagir. Déplorant des commentaires «sauvages» liant l'empoisonnement de l'espion à la Russie, elle a rappelé que l'ambassade russe au Royaume-Uni avait déjà démenti toute implication de son pays dans cette affaire, prétexte à une nouvelle «diabolisation» de la Russie.