International

Erdogan reçu par Macron à Paris : une visite controversée et des dossiers épineux

Le président turc Recep Erdogan est en visite en France pour évoquer plusieurs dossier sensibles et apaiser ses relations avec ses partenaires européens. L'opposition, France Insoumise en tête, s'insurge contre la venue d'un «dictateur».

Le président turc Recep Tayyip Erdogan est reçu le 5 janvier à Paris par son homologue Emmanuel Macron pour discuter de plusieurs dossiers sensibles, à savoir la Syrie, l'Europe mais aussi la question des droits de l'Homme en Turquie.

Il s'agit de la plus importante visite du chef de l'Etat turc dans un pays de l'Union européenne depuis le putsch manqué de juillet 2016 et la répression qui l'a suivi. L'ampleur des purges menées par Ankara avait eu pour conséquence d'amener pratiquement à la suspension des négociations au long cours sur la candidature d'adhésion de la Turquie à l'UE. La chancelière allemande Angela Merkel avait été jusqu'à annoncer être favorable à un arrêt de ces négociations.

En revanche, Emmanuel Macron avait pour sa part appelé début septembre dans une interview au quotidien grec Kathimerini à «éviter les ruptures» entre l'UE et la Turquie, la qualifiant de «partenaire essentiel». Le président français avait néanmoins estimé, dans cet entretien, que la Turquie s'était «objectivement éloignée de l'Union européenne ces derniers mois».

Rapprochement sur la question syrienne?

Ankara, en délicatesse avec l'OTAN dont elle est un membre historique, semble malgré tout bien décidée à renforcer ses liens avec ses partenaires européens, dans le but de «réduire le nombre d'ennemis et augmenter le nombre d'amis». «Bien sûr, nous voulons avoir de bonnes relations avec l'UE et avec les pays de l'UE», a ainsi fait valoir Recep Erdogan le 28 décembre dernier dans des propos rapportés par plusieurs journaux turcs, dont le quotidien Hürriyet.

Une ouverture vers l'UE qui s'est également traduite dans le dossier syrien, alors que la position d'Ankara n'a jamais été figée, intérêt national turc oblige. Ainsi, Recep Erdogan a fait une déclaration fracassante le 28 décembre, estimant que Bachar al-Assad était «un terroriste qui [avait] eu recours au terrorisme d'Etat».

La Turquie est pourtant l'un des parrains, avec la Russie et l'Iran, du processus de paix d'Astana, et elle est censée être l'un des promoteurs du Congrès du dialogue national syrien, qui inclut, parmi les autres parties du conflit, le gouvernement syrien et le président Bachar el-Assad. Un point de désaccord possible entre Paris et Ankara : cette initiative est en effet régulièrement critiquée par Emmanuel Macron car elle ne permettrait pas selon lui de «régler de manière stable et durable la situation en Syrie».

La situation des journalistes emprisonnés

Autre dossier sensible dont les deux chefs d'Etat vont traiter : la question des Droits de l'homme en Turquie. Bruxelles a gelé début décembre des fonds destinés à Ankara invoquant une «dérive de plus en plus loin des standards démocratiques européens», et un non-respect de la liberté d'expression. Les relations franco-turques avaient été directement altérées par cette dernière question avec l'interpellation du journaliste Loup Bureau fin juillet à la frontière entre l'Irak et la Turquie, après avoir été pris en photos en compagnie de combattants kurdes syriens des YPG. Loup Bureau avait finalement été libéré en septembre après qu'Emmanuel Macron eut plaidé son cas auprès du président turc.

Le président français a d'ailleurs affirmé le 3 janvier qu'il évoquerait avec son invité «la situation des journalistes emprisonnés» en Turquie. «Je le ferai dans le respect mais avec le souci de défendre [...] nos valeurs et nos intérêts», a-t-il précisé.

Visite très critiquée par l'opposition

Des garanties qui sont loin d'avoir convaincu la classe politique française – France insoumise en tête – qui considère le président turc comme un «dictateur» et dénonce avec force sa venue. Jean-Luc Mélenchon a ainsi affirmé sur son compte Twitter que Recep Erdogan n'était «pas le bienvenu à Paris, avant de glisser un mot à l'attention des Kurdes, du Parti démocratique des peuples (HDP) ainsi que des journalistes emprisonnés.

La Ville de Paris, dirigée par la socialiste Anne Hidalgo, s'est quant à elle dite «préoccupée» par le «respect des droits humains et de la démocratie locale en Turquie».

A droite aussi quelques voix se sont fait entendre, à l'image de celle de la députée LR Valérie Boyer. Cette dernière en a profité pour ironiser sur le projet de loi d'Emmanuel Macron sur les Fake News, estimant que celui-ci pourrait donner des conseils à son homologue turc : «Peut-être qu'Emmanuel Macron va conseiller à [Recep] Erdogan des vœux à une presse muselée et une loi sur les FakeNews dans un pays où les libertés sont bafouées Turquie.»