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Nouvel An en Allemagne : la liberté des femmes remise en cause après le traumatisme de Cologne ?

Pour la soirée de la Saint-Sylvestre à Berlin, la police mettra en place une zone sécurisée réservée aux femmes, dans le but d'éviter les agressions sexuelles. Mais des voix s'élèvent contre «le message dévastateur» qu’enverrait cette mesure.

Le 29 décembre, Herbert Reul, ministre de l'Intérieur du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, à l'ouest de l'Allemagne, a confié à la presse qu'il conseillait lui-même à ses trois filles de ne pas sortir seules la nuit de la Saint-Sylvestre 2018. A ce conseil avisé aux jeunes femmes, le politicien de la CDU (centre-droit) a ajouté : «Si ça commence à chauffer, criez fort, faites du bruit et si ça ne suffit pas, essayer de contacter le 110, aussitôt que possible... Mieux vaut prévenir que guérir.»

Ces confidences d'un haut responsable allemand témoignent des vives craintes qui semblent traverser le pays, deux ans après la vague d'agressions sexuelles qui avait frappé Cologne (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) et plusieurs autres villes allemandes. Un traumatisme national, qui aurait motivé des initiatives exceptionnelles visant à protéger les femmes, durant la nuit du 31 décembre 2017 au 1er janvier 2018. Ainsi, à Berlin, une «safe zone» réservée aux femmes, a été mise sur pied dans l'espoir de prévenir les agressions et harcèlements sexuels. Cette zone de sécurité gardée par la police est installée au niveau de la Porte de Brandebourg, avec une tente de la Croix-Rouge allemande. 

Partant d'une bonne intention, cette mesure n'a toutefois pas fait l'unanimité. Certains y voient en effet une atteinte à la mixité hommes/femmes ou un moyen de détourner les yeux des causes supposées des agressions sexuelles dans le pays.

La «safe zone» berlinoise signifie-t-elle la fin de l'égalité hommes-femmes ?

Cela voudrait dire qu'il existe des zones sécurisées et d'autres qui ne le sont pas

Dans une déclaration à la presse, Rainer Wendt, secrétaire général du syndicat policier allemand DPolG, a estimé que cette zone de sécurité berlinoise envoyait «un message dévastateur» et soulevait une question cruciale : les femmes qui sortent de ce périmètre courent-elles le risque de se faire violer ? «Cela voudrait dire qu'il existe des zones sécurisées et d'autres qui ne le sont pas. C'est la fin de l'égalité des droits, de la liberté de mouvement et de l'indépendance [pour les femmes allemandes]», a-t-il précisé.

Le policier syndicaliste a également affirmé que, selon lui, ces mesures de protection allaient mettre le feu aux poudres, embrasant le débat politique national.

Selon un article du quotidien de la capitale Berliner Zeitung, la police a proposé cette zone de sûreté après avoir testé avec succès à Munich pour l'Oktoberfest un dispositif similaire. Mais la polémique enfle déjà et les réactions politiques ne se font pas fait attendre.

Pour l'AfD, les «safe zones» détournent l'attention du véritable problème : l'immigration

Cela m'étonnerait que les attaques soient évitées grâce à ça. Il faudrait des zones spéciales pour tout le monde, mais c'est utopique

Frank Hansel, député du parti anti-immigration AfD («Alternative pour l'Allemagne») a livré son opinion à la déclinaison allemande de RT. Selon lui, cette «safe zone» de la capitale serait inefficace, détournant l'attention de la véritable source du problème : «Cela m'étonnerait que les attaques soient évitées grâce à ça. Il faudrait des zones spéciales pour tout le monde, mais c'est utopique. Alors je pense qu'il faudrait revoir cette politique. Nous ne devrions pas continuer à héberger tous ces migrants dans l'illégalité. Nous devons les dénombrer et examiner ceux qui entrent sur notre territoire : qui sont-ils ? Nous devons tenir des registres.»

Au micro de RT, certaines Berlinoises ont cependant dit tout le bien qu'elles pensaient de cette mesure. L'une d'elles a notamment déclaré : «C'est une bonne idée. Beaucoup d'entre nous sentent qu'elles ont besoin d'aide, mais ne savent pas à qui la demander. Ce service, c'est plutôt sympa.» Une autre a confié : «En tant que femme, j'ai peur. C'est une bonne initiative, on en a besoin... Malheureusement.»

Nigel Farage s'en mêle : «Les "safe zones" sont rendues nécessaires par la folie de Merkel»

Cette affaire de «safe zone» berlinoise visant à protéger les femmes des agressions sexuelles a également fait réagir à l'étranger. Le fondateur du parti souverainiste britannique UKIP et eurodéputé Nigel Farrage, célèbre champion du Brexit, a par exemple déclaré sur Twitter : «Les "safe zones" pour femmes en Allemagne au Nouvel An sont rendues nécessaires par la folie de Merkel. Ce pays ne sera jamais plus le même.» En d'autres termes, selon lui : c'est parce que la chancelière allemande a accepté d’accueillir environ un million de migrants en 2015 que les autorités sont à présents contraintes de prendre des mesures extraordinaires visant à protéger leurs citoyennes.

Le journaliste français de la chaîne israélienne i24, Julien Bahloul, s'est également exprimé sur Twitter à ce sujet, dressant un parallèle entre la situation actuelle en Allemagne et celle d'Israël en 1973. «En 1973 quelqu'un a suggéré à la Première ministre israélienne Golda Meir d'imposer un couvre-feu aux femmes pour les protéger des viols. Elle a répondu qu'il serait plus logique d'imposer un couvre-feu aux hommes plutôt qu'à leurs victimes», rappelle-t-il amèrement.

Lors de la nuit de la Saint-Sylvestre 2016, plus de 1 200 femmes avaient été agressées sexuellement à Cologne et dans diverses villes allemandes, selon un rapport de police qui avait fuité en juillet 2016. Plus de 2 000 hommes auraient été impliqués et environ 120 suspects identifiés, dont la plupart étaient des étrangers fraîchement arrivés en Allemagne.

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