Le Conseil de sécurité réuni en urgence après la contamination chimique en Syrie
Le gouvernement syrien est accusé d'avoir utilisé des gaz de combat contre des cibles de l'opposition en Syrie dans la matinée du 4 avril, causant des dizaines de morts. Si Damas a démenti, le Conseil de Sécurité doit se réunir en urgence à New York.
Les Etats-Unis, la France et le Royaume-uni exigent un vote dès ce 6 avril du Conseil de sécurité de l'ONU sur le projet de résolution demandant une enquête sur l'attaque chimique présumée en Syrie, ont indiqué des diplomates selon l'AFP.
Des négociations ont eu lieu avec la Russie et une version légèrement révisée du texte a été présentée aux membres du Conseil.
«Un jour viendra où la justice internationale se prononcera sur Bachar el-Assad, qui massacre son peuple», a assuré le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault.
Interrogé sur la chaîne d'information CNEWS, le chef de la diplomatie française a ajouté, évoquant la dernière attaque chimique présumée, imputée au régime de Damas : «Il ne faudra pas que ces crimes restent impunis. D'ailleurs il y a des enquêtes, des commissions des Nations Unies [...] Il y aura un procès comme criminel de guerre».
Le président des Etats-Unis Donald Trump a dénoncé un attaque «horrible, épouvantable» au lendemain de l'attaque chimique présumée ayant fait 72 morts dont 20 enfants, en Syrie.
«C'est un terrible affront pour l'humanité», a ajouté Donald Trump depuis le Bureau ovale où il recevait le roi Abdallah II de Jordanie. Interrogé sur un éventuel changement de politique sur le dossier syrien, il a simplement répondu : «nous verrons».
«Lorsque les Nations Unies faillissent continuellement à son devoir d'agir collectivement, il y a des moments dans la vie des nations où nous sommes contraints à mener nos propres actions», a assuré l'ambassadeur américaine Nikki Haley.
Intervention de Bashar Ja’afari, ambassadeur de la Syrie :
«Mon pays est victime de deux attaques simultanées. Première par les membres permanents du Conseil et deuxièmement une attaque par procuration par les groupes terroristes armés en Syrie, qui agissent sur instruction de ces membres permanents du Conseil».«Nous rejetons les fausses allégations concernant l'emploi par l'armée syrienne de produits chimiques».
«Ces populations sont utilisées comme bouclier humain par l'opposition. L'armée arabe syrienne ne possède aucun type d'arme chimique, nous n'en avons jamais employé et nous en emploieront jamais. Mon gouvernement rejette par principe l'emploi d'armes chimiques et de toute arme de destruction massive. Il s'agit de crimes contre l'humanité et injustifiables».
«Des affirmations politisées et sans fondement ont été utilisées contre mon gouvernement depuis le premier jour. Les médias n'ont eu de cesse de diffuser des informations provenant de groupes terroristes sur les listes du Conseil».«Certains gouvernements accusent maintenant la Syrie sans justification pour atteindre des objectifs politiques clairs».
«On ne se demande pas qui est le vrai bénéficiaire de ces agents toxiques contre d'innocents civils. La réponse est claire, les principaux bénéficiaires sont les mêmes régimes qui ciblent la Syrie depuis plus de six ans, qui essaient de sauver les groupes armés».
Intervention de Nikki Haley, ambassadeur des Etats-Unis :
«Nous savons que l'attaque d'hier porte la signature du régime d'Assad»
«Assad, la Russie et l'Iran n'ont aucun intérêt à faire la paix»
«Face à la barbarie d'Assad, la Russie a fait le choix inimaginable de fermer les yeux»
«L'attaque d'hier est la pire des hontes et montre que l'humanité ne veut rien dire pour le régime d'Assad»
Intervention de Vladimir Safronkov, représentant de la Russie :
«L'intérêt à ces événements a une dimension idéologique. Cela est fait dans le cadre contre Damas. Un jour cela sera sans doute jeté dans les poubelles de l'histoire».
«La Syrie a demandé que l'on ouvre une enquête sur cet incident. La Russie a une position claire et sans ambiguïté, l'emploi d'armes chimiques est inacceptable quelque soit les auteurs ou les circonstances. Les responsables de tels crimes doivent rendre des comptes».
«La ligne rouge tracée par les Etats-Unis en 2012 a été le point de départ de provocations qui ont suivi de la part de groupes terroristes extrémistes qui ont employé des armes chimiques. Ils se sont employés à discréditer Damas et à donner prétexte à une action militaire contre un gouvernement souverain. Mais quand Damas a demandé une enquête en mars 2013 pour l'emploi de sarin dans la banlieue d'Alep, les occidentaux ont préféré se taire. C'est cette inaction qui a amené les combattants à utiliser à nouveau le sarin à Al Gouta en août 2013».
«Les Casques blancs sont étroitement liés aux groupes terroristes. Ceux qui ont fabriqué ces produits chimiques sont probablement ceux qui ont accumulé des médicaments et des produits alimentaires».
«Il faut procéder à une enquête dépolitisée et approfondie sur l'emploi d'armes chimiques en se fondant sur des faits prouvés».
«Il ne faut pas discréditer le gouvernement syrien et notre gouvernement pour ce que nous faisons au Moyen-Orient. Il devrait y avoir une certaine correction».
«Nous sommes très préoccupés par le fait que certains Etats manipulent les résultats des activités [des enquêtes sur les armes chimiques]».«Les groupes de terroristes qui contrôlent la zone doivent laisser le champ libre aux enquêteurs. Pour le moment, les seules informations, falsifiées, qui nous proviennent du terrain émanent des Casques blancs et de l'OSDH qui sont depuis longtemps discrédités, ils se contredisent dans leurs témoignages».
«Le 4 avril, l'aviation syrienne a bien frappé cette zone, touchant un dépôt d'armes, de missiles et de nettoyants chimique. On prévoyait d'utiliser ces armes en Irak mais aussi à Alep. Les symptômes de l'empoisonnement que l'on peut constater dans les vidéos sont les mêmes que l'on a pu voir à Alep l'année dernière. Il est évident pour nous que le terrorisme chimique doit être combattu de la façon la plus ferme possible, mais nos tentatives auprès du Conseil de Sécurité au cours de ces trois années n'ont pas été couronnées de succès à cause de la position de nos collègues occidentaux».
«Il faut enquêter sur le terrain et non plus sur internet ou sur base d'informations provenant de pays voisins de la Syrie».
Pour la Maison-Blanche, l'affirmation russe selon laquelle la contamination chimique a lieu suite à la frappe d'un entrepôt contenant des armes n'est «pas crédible».
Intervention de Elbio Roselli, ambassadeur de l'Uruguay :
«Nous n'avons pas encore à l'heure actuelle suffisamment d'éléments pour affirmer de manière catégorique qui sont les responsables».«Ce que la France a exigé, c'est qu'il y ait une résolution du Conseil de sécurité dans les prochaines heures pour diligenter une enquête et, à la suite de cette enquête, il doit y avoir des sanctions qui seront prises par rapport au régime syrien», a déclaré à la presse le chef de l’État en marge d'un déplacement à Noyon, dans l'Oise.
Une source militaire syrienne a démenti auprès de l'agence Reuters la «propagande rebelle» selon laquelle Damas aurait mené une attaque au gaz de combat dans la province d'Idlib le 4 avril au matin, tuant au moins 58 civils, d'après l'Observatoire Syrien des Droits de l'Homme.
#BREAKING: Activists release pictures showing alleged chemical attack by Bashar al-Assad forces in Idlib, Khan Sheikhan town, #Syria. pic.twitter.com/b4xtm49ZOV
— Rudaw English (@RudawEnglish) 4 avril 2017
L'armée «n'a pas et n'en a pas utilisé [d'armes chimiques], ni dans le passé et ni dans l'avenir, parce qu'en premier lieu, nous n'en possédons pas», a déclaré cette source.
Bien que n'étant pas concernée par ces accusations, la Russie a fait savoir par son ministre de la Défense Sergueï Choïgou, qu'«aucune frappe aérienne n'a été menée par l'aviation russe dans les environs de Khan Cheikhoun», dans la province d'Idlib.
Cette région est un fief rebelle et djihadiste du nord-ouest.
Une vidéo diffusée par des militants montre un petit garçon respirant avec difficulté, pouvant à peine ouvrir les yeux, de la mousse sortant de sa bouche. Au moins 11 enfants figureraient parmi les personnes tuées dans l'attaque qui a frappé Khan Cheikhoun.
Hospitals overcrowded with civilians suffocating to death in #Syria’s Idlib — Footage shows desperate attempt to save a child by medics. pic.twitter.com/eZf8fqly7h
— Rudaw English (@RudawEnglish) 4 avril 2017
Un correspondant de l'AFP présent dans un hôpital de Khan Cheikhoun a vu de la mousse sortir de la bouche de patients. Beaucoup ont été aspergés d'eau par les médecins qui tentaient de les réanimer.
Pour l'opposition, cette attaque «remet en cause» le processus de paix
«Ce crime remet en cause l'ensemble du processus de paix [...] Si l'ONU est incapable d'empêcher le régime de commettre de tels crimes, comment faire avancer un processus politique en vue d'une transition [en Syrie] ?», a demandé Mohammad Sabra, qui a représenté l'opposition au dernier round de négociations à Genève fin mars.
#Moscou: la décision de l’opposition syrienne d’ignorer les pourparlers d’#Astana est imposée par un tiers https://t.co/Y8ie83WCTxpic.twitter.com/YSXQrWInZn
— RT France (@RTenfrancais) March 16, 2017
«Les Nations unies sont incapables de faire respecter leurs résolutions, notamment la résolution 2118 relative à l'utilisation d'armes chimiques», a-t-il regretté.
Un cinquième round de négociations entre opposition et gouvernement s'est achevé le 31 mars à Genève et une sixième session est prévue à une date qui n'a pas été fixée.
Condamnations internationales
La France a demandé la convocation d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU après une «nouvelle attaque chimique particulièrement grave» en Syrie, a annoncé le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault.
Dans un communiqué, le ministre condamne un «acte ignoble». «Les première informations font état d'un grand nombre de morts, y compris des enfants», a-t-il précisé, en expliquant avoir «demandé la convocation d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité».
«L'utilisation d'armes chimiques constitue une violation inacceptable de la Convention sur l'Interdiction des Armes chimiques (CIAC) et un nouveau témoignage de la barbarie dont le peuple syrien est victime depuis tant d'années», a ajouté le chef de la diplomatie française.
Erdogan appelle Poutine
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a lui déclaré à son homologue russe Vladimir Poutine, lors d'un entretien téléphonique, que l'attaque «chimique» dans la matinée en Syrie était «inhumaine» et menaçait le processus de paix.
«Considérant que ce type d'attaques inhumaines était inacceptable, le président Erdogan a souligné que celles-ci pouvaient risquer de gâcher tous les efforts fournis dans le cadre du processus d'Astana», ont déclaré sous couvert d'anonymat des responsables au sein de la présidence turque.
Mogherini conclut à la «responsabilité évidente» d'Assad
Le gouvernement de Bachar el-Assad porte la «principale responsabilité» de l'attaque, a affirmé la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.
«#Assad doit partir !» : quand les détracteurs du président syrien quittent la politique un à un #Syriehttps://t.co/xap2IXna5Zpic.twitter.com/9PRK2KKYec
— RT France (@RTenfrancais) 15 mars 2017
«Aujourd'hui, les nouvelles sont horribles», a-t-elle déclaré à des médias en marge d'une conférence internationale à Bruxelles sur la reconstruction de la Syrie. «Evidemment, la principale responsabilité repose sur le régime, parce qu'il a la responsabilité de protéger son peuple et non de l'attaquer», a-t-elle ajouté.
Lire aussi : Chasser Assad du pouvoir syrien n'est plus «la priorité» de l'administration américaine