Dans un livre à paraître le 13 mars et intitulé Die Getriebenen : Merkel und die Flüchtlingspolitik (Les Amateurs : Merkel et la politique des réfugiés), le journaliste allemand Robin Alexander révèle que le projet initial de la chancelière allemande était bien différent de celui finalement mis en place par son gouvernement depuis deux ans. En effet, au plus fort de la crise des réfugiés, à l'automne 2015, Angela Merkel avait purement et simplement demandé la fermeture des frontières et l'expulsion des réfugiés.
Le journal Die Welt, qui s'apprête à publier les premiers extraits de l'enquête réalisée dans les coulisses du gouvernement fédéral allemand, en livre déjà les grandes lignes. Il rapporte que l'Union chrétienne démocrate (CDU) et le Parti social-démocrate (SPD), qui se sont pourtant écharpés de longs mois durant sur la politique migratoire à adopter, auraient en réalité convenu d'un accord dès septembre 2015.
Les deux partis de la coalition au pouvoir auraient en effet validé la fermeture de la frontière austro-allemande et l'expulsion de tous les clandestins «y compris en situation de demande d'asile». Le décret d'application destiné à la police fédérale était écrit et signé, raconte Robin Alexander, et, dès le 12 septembre, des milliers de policiers ont été massés à la frontière.
Un volte-face dicté par la crainte des retombées médiatiques ?
Néanmoins, les difficultés juridiques et la crainte de retombées médiatiques néfastes auraient rapidement plongé le gouvernement dans le doute. Angela Merkel aurait refusé de prendre seule la décision sans obtenir deux garanties : que les conditions légales nécessaires soient remplies, et, surtout, qu'aucune photo de l'intervention à la frontière ne filtre. Finalement, faute de pouvoir obtenir ces garanties, ni la chancelière ni son ministre de l'Intérieur n'auraient voulu endosser la responsabilité d'une telle décision.
Pressés par le temps et confrontés à un choix difficile, Angela Merkel et son gouvernement auraient alors décidé de modifier radicalement le décret ordonnant la fermeture de la frontière et l'expulsion des clandestins. Dans sa nouvelle version, le texte ordonnait finalement de «laisser passer les individus sans titre de séjour valide mais se déclarant demandeur d'asile» - un revirement à 180 degrés par rapport à la consigne initiale.
Dans les mois qui ont suivi cette décision quelque peu contrainte par les circonstances, le gouvernement allemand s'est décidé à faire contre mauvaise fortune bon cœur. Ayant accueilli près de 1,1 million de personnes en 2015, l'Allemagne est devenue pour de nombreux Européens favorables à l'accueil de migrants un véritable modèle.
Deux ans plus tard, la situation a considérablement évolué. En forte baisse dans les sondages et confrontée à une hostilité croissante de l'opinion et de son propre parti à sa politique migratoire, Angela Merkel tente de rassurer à l'approche des élections fédérales de l'automne prochain. Dans un contexte tendu, la chancelière, qui brigue un quatrième mandat, a décidé de durcir le ton. Le gouvernement allemand a notamment annoncé la reconduite à la frontière de plus de 300 000 migrants en situation illégale en février dernier.