Daesh célèbre un an après la chute de Mossoul, Washington envoie des centaines de formateurs en Irak
L’Etat islamique, qui ne cesse de se propager au Moyen-Orient, célèbre en juin l’anniversaire de sa prise de la ville de Mossoul. En même temps, les Etats-Unis, conscients du danger que le groupe représente, renforcent leur dispositif dans le pays.
Après des mois de frappes aériennes qui ont échoué à mettre en déroute les combattants djihadistes, les Etats-Unis, petit à petit, «remettent les pieds» en Irak. Après l’arrivée des 450 instructeurs d’unités d’élite annoncée, l’effectif total des forces armées américaines en Irak sera porté à plus de 3 000 personnes.
Selon l’exécutif américain, ces soldats n’auront pour but que d’«entraîner, conseiller et aider» les forces irakiennes pour qu’elles puissent reprendre la ville de Ramadi tombée aux mains de djihadistes il y a plus de trois semaines.
Il y a exactement un an que le groupe terroriste Etat islamique a commencé son expansion. La ville irakienne de Mossoul était tombée la première.
Actuellement, le groupe terroriste contrôle d’énormes étendues de territoire en Irak et en Syrie. La décision de Washington d’envoyer des officiers d’élite de la 82e division aéroportée intervient après une série de revers de l’armée irakienne face à Daesh, qui occupe actuellement des positions à moins de 100 kilomètres de Bagdad.
Pourquoi la 82e division aéroportée ?
Cette division de parachutistes de l’armée américaine, opérationnelle depuis le début du XXème siècle, a participé principalement à des opérations d’assaut dans des zones d’accès restreint.
En décembre 1989, dans une intervention éclair, la division a enlevé le dirigeant panaméen Manuel Noriega et complètement neutralisé les forces armées panaméennes. En 2003, les soldats de cette division ont été envoyés en Irak pour stabiliser l’Ouest sunnite irakien, en particulier la ville de Falloujah. Au cours d’une manifestation du 29 avril 2003 contre l’occupation américaine, ce sont les «paras de la 82e» qui ont ouvert le feu.
D’après le site d’information militaire Debkafile, un premier groupe d’avant-garde de 500 officiers et hommes de troupes sera déployé à Bagdad et à Erbil, capitale de la République kurde au nord du pays. Il sera suivi de deux autres convois aérien de 500 hommes en juillet et de 250 en décembre prochain. Ainsi, au total, près de 1 300 hommes seront déployés d’ici fin 2015.
Washington, néanmoins, se garde pour l’instant de lancer toute opération terrestre autonome, comme l’a réitéré Brian Winski, commandant adjoint des opérations générales de la 82e division.
«La plus grande chose que nous faisons consiste à inspirer confiance aux forces irakiennes pour qu’elles puissent défaire les combattants [de Daesh] elles-mêmes», a-t-il expliqué.
Le commandement de la division et les troupes déployées pour entraîner et conseiller les Irakiens continueront à fournir «une formation de qualité», a déclaré Winski.
Interrogée par la chaîne RT, Karen Kwiatkowski, Ancien lieutenant-colonel de l’US Air Force, a souligné que la 82e division aéroportée, une unité habituée aux opérations d’extraction et autres interventions musclées, «pourrait s’engager dans des combats sur le terrain si le président en fait la demande».
Richard Becker, membre de la coalition antimilitariste Answer, estime aussi qu’il y a quelque chose derrière cet envoi de formateurs pour entraîner l’armée irakienne. L’antimilitariste, s’inquiète aussi du fait que la nouvelle base que les Américains construiront non loin de Ramadi pourrait aussi être attaquée par les combattants de Daesh.
Le pire ennemi de Daesh : les milices Hashd Shabi
Depuis la prise de Ramadi par Daesh, les accusations fusent entre Bagdad et Washington. Le Pentagone a accusé les forces irakiennes de ne montrer aucune volonté de combattre l’Etat islamique. Toutefois, le ministre irakien de l'Intérieur a affirmé que c’est plutôt Washington qui manque de conviction pour se joindre aux combats.
Et pendant que les pouvoirs ont été occupés à se rejeter mutuellement la faute, des vrais combats se déroulaient sur le terrain. En juin dernier, l’organisation paramilitaire Hashd al-Shaabi, groupe autorisé par les autorités irakiennes composé majoritairement de milices chiites, se levait.
Le correspondant de RT, qui est allé à la base Taji au nord de Bagdad où un groupe de miliciens s’apprête à reprendre à Daesh la raffinerie de pétrole de Baïji, a eu un entreien avec le leader du groupe Asaïb Ahl al-Haq.
«Nous menons une double guerre sainte et patriotique. Elle est patriotique parce qu’en quelque sorte, nous défendons notre terre, et sainte parce que nous défendons nos sites religieux», a souligné le leader Qaïs al-Khazali.
Pendant l’occupation américaine, le groupe d’Al-Khazali avait orchestré des attaques particulièrement meurtrières contre les forces d’occupation. Depuis, Al-Khazali est passé de la liste des hommes les plus recherchés à la liste des hommes les plus puissants d’Irak, et il a clairement défini qui est responsable de la progression de Daesh.
«Les Etats-Unis et leur politique en Syrie ont créé les conditions de la montée de l’Etat islamique. Mais nous sommes partout pour combattre Daesh», a confié Qaïs al-Khazali à RT.
Les hommes de Hashd Shabi ont été crédités de la reprise de plusieurs territoires des mains de l’Etat islamique, tels que la ville de Tikrit, lieu de naissance de l'ancien dirigeant irakien Saddam Hussein.
Le groupe rend compte directement au Premier ministre irakien et comprend aussi des milliers de combattants sunnites et chrétiens, il n’a aucun doute sur ses chances de succès. «Nous nous approchons, Daesh, attends quelques jours si Dieu le veut. Nous ne laisserons personne en vie», exclame les combattants.
Les forces estimées à 100 000 hommes de Hashd Shabi vont être amenées à jouer un rôle grandissant dans la lutte armée contre l’Etat islamique, tandis que l’étau se resserre sur l’armée irakienne.
Les ennemis de mes ennemis sont mes amis
Un document déclassifié publié le 18 mars par le groupe de surveillance Judicial Watch, montre que les gouvernements occidentaux ont délibérément compté sur Al-Qaïda, l’Etat islamique et d’autres groupes extrémistes pour renverser le régime de Bashar al-Assad.
Les documents obtenus du Département américain de la Défense et du Département d’Etat à l’issue d’un procès fédéral révèlent qu’«en coopération avec les pays du Golfe, et la Turquie [qui] tous soutiennent l’opposition [du gouvernement syrien]», les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux ont parrainé des groupes armés obéissant au fondamentalisme islamique pour déstabiliser le gouvernement syrien.
De plus, selon le document, le Pentagone a prédit la montée de l’Etat islamique comme conséquence logique de cette stratégie qui a déstabilisé également l’Irak.
«[…] la possibilité existe d’établir de façon officielle ou pas une principauté salafiste dans l’Est de la Syrie (Hasaka et Der Zor), et c’est exactement ce que veulent les forces qui appuient l’opposition, de façon à isoler le régime syrien», lit-on dans un des documents.
Ainsi, l’EI a été considéré par Washington comme un atout de ses atouts stratégiques au Moyen-Orient, tout comme Al-Qaïda en Irak et l’ensemble de l’opposition au président syrien Bachar Al-Assad.