Arabie Saoudite: aucune clémence pour Raif Badawi

Arabie Saoudite:  aucune clémence pour Raif Badawi© Edgard Garrido Source: Reuters
Le portrait de Raif Badawi entouré des portraits d'autres prisonniers politiques saoudiens, Mexique
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La décision est tombée tel un couperet : 10 ans de prison et 1000 coups de fouet. Malgré les pressions internationales, la justice saoudienne confirme la sentence du blogueur Raif Badawi. Un coup de fouet symbolique pour la liberté d'expression.

La sentence est désormais «confirmée» et «incontournable» selon les mots même de la Cour Suprême saoudienne qui s'est prononcée sur le cas de Raif Badawi. A la prison et à la flagellation, s'ajoute une amende d'un million de riyals (289 000 euros). La grâce, espérée par la famille du Raif Badawi à l'approche du Ramadan, n'a pas eu lieu.

Cette nouvelle décisison de justice vaut confirmation de la peine initiale prononcée en novembre 2014, à la suite de laquelle Raif Badawi s'était vu infligé 50 coups de fouet.

Auteur: Flagellation publique de Raef Badawi, vidéo clandestine

Contacté par RT France, Nicolas Krameyer, responsable de la cellule «Personnes en danger, défenseurs des droits humains» pour Amnesty International France, se déclare choqué par la condamnation: «Cela montre que rien ne change en Arabie saoudite en matière de droits de l'homme. Nous sommes aussi inquiets car avec cette condamnation définitive, il n'y a désormais plus de recours possible. Les coups de fouet peuvent reprendre dès ce vendredi».

Une condamnation d'autant plus vive que l'ONG se déclare préoccupée par la santé du prisonnier: «Son état physique est vraiment bas ; chaque semaine depuis le début de sa condamnation initiale, il attend de savoir s'il sera fouetté le vendredi. C'est aussi une torture mentale, en plus de la prison», ajoute Nicolas Krameyer.

Le «crime» de Raif Badawi

 «Les pays qui se fondent sur la religion confinent leur peuple dans le cercle de la foi et de la peur» Raif Badawi


«Insulte à l'islam», voilà la raison de sa condamnation, selon les termes même de l'acte d'accusation. Mais à y regarder de plus près, ce sont moins ses opinions religieuses que politiques qui ont valu cette condamnation à ce journaliste de 31 ans. Il a tout simplement osé «questionner les autorités religieuses». Un crime de lèse-majesté impardonnable, d'autant que le pays est institutionnellement fondé sur une alliance entre le Wahhabisme, branche rigoriste de l'islam, et la famille régnante Al Saoud.

Raif Badawi avait créé en 2006 son blog, Free Saudi Liberals («Libérez les libéraux saoudiens»), désormais fermé, qui déclenchera l'ire de la justice de son pays. Dès 2008, ses critiques contre l'islam avaient débouché sur une interdiction de quitter le territoire. En 2011, Raif Badawi, objet d'une fatwa, avait été victime d'une tentative d'assassinat. En 2012, il sera condamné à de la prison ferme pour crime d'apostasie et de désobéissance au père, un délit en Arabie saoudite.

Une campagne internationale de soutien 

Cette confirmation de la condamnation du blogueur saoudien a suscité de vives réactions. Les Etats-Unis ont demandé à l'Arabie saoudite de revoir son jugement. Des militants d'Amnesty International ont mené une action en face de l'ambassade d'Arabie saoudite à Bruxelles pour réclamer l'annulation de la condamnation. Début janvier, Amnesty International au Canada, pays dans lequel l'épouse du blogueur et ses 3 enfants ont trouvé refuge, avait déjà lancé une campagne «Je suis Raif».

Quid de la France ? Amnesty International pointe là un silence au mieux embarrassé : «La demande que l'on a vis-à-vis des autorités françaises est toujours la même : qu'elles aient le courage de demander publiquement la libération de Raif Badawi, ce qu'elles n'ont jamais fait, contrairement à d'autres pays. On voudrait une réaction plus forte et transparente sur ce dossier», regrette Nicolas Krameyer.

La situation des prisonniers politiques saoudiens

Depuis sa prison, Raif Badawi ne semble pas s'être résigné au silence. Il a publié fin mai un livre sobrement intitulé 1 000 coups de fouet parce que j'ai osé parler librement, livre qui réunit les articles qui lui ont valu sa lourde peine. 

Mais pour les ONG de défense des droits de l'homme, Raif Badawi est la partie immergée de l'iceberg. «Quasiment tous les membres fondateurs de la principale organisation de défense des droits humains en Arabie saoudite sont aujourd'hui en prison pour de lourdes peines. Il y a aussi le cas de Waleed Abu Al Khair, avocat de Raif Badawi, qui a été condamné à 15 ans de prison. Depuis le vote d'une loi anti-terrorisme en 2014, les peines sont plus lourdes et les chefs d'inculpation sont très vagues et permettent d'arrêter n'importe qui», analyse Nicolas Krameyer.

Les ONG constatent ainsi un durcissement du régime depuis l'arrivée au pouvoir du Roi Salman. Amnesty International France souligne ainsi qu'«aucun défenseur des droits humains n'a été libéré lors de la vague d'amnesties qui a suivi l'arrivée au pouvoir d'un nouveau souverain, alors que c'était généralement le cas auparavant. Certains ont été approchés par les autorités pour être libérés mais à condition qu'ils ne s'expriment plus sur les droits humains. Ils ont bien sûr refusé ce marché de dupes».

Derrière l'affaire Badawi, la crainte de la contagion démocratique

Ce durcissement envers la société civile saoudienne semble être imputable à la peur d'une contagion des Printemps arabes qui se sont abattus sur les régimes de la région: «On observe ce même durcissement envers les sociétés civiles à Bahrein et dans les Emirats arabes unis. Sous couvert d'anti-terrorisme, on veut faire taire toute voix discordante. Ainsi, le site de Raif Badawi n'a pas eu de soucis pendant un certain temps mais suite au Printemps arabe, il a été fermé», fait remarquer Nicolas Krameyer.

Quoi qu'il en soit, l'Arabie saoudite, qui avait lourdement fait campagne, en mai dernier, pour prendre la présidence du Conseil des droits de l'homme à ONU a fait ce 7 juin machine arrière. Le pays a renoncé à une candidature qui aurait sans doute suscité un tollé au vu de la confirmation de la condamnation de Raif Badawi.

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