USA Freedom Act VS Patriot Act : du pareil au même ?
Barack Obama a signé l’USA Freedom Act à l’heure où les pouvoirs extraordinaires de surveillance conférés par le Patriot Act ont expiré. Le texte adopté mardi par le Congrès est présenté comme une loi d’espionnage moins attentatoire aux libertés.
Le Sénat a permis à certaines parties du Patriot Act d’expirer, renonçant à les étendre après le 1er juin. Entre autres, l’article 215 autorisant l'Agence nationale de sécurité (NSA) à collecter des métadonnées téléphoniques a été suspendu, une juridiction fédérale l’ayant déclaré illégal plus tôt en mai.
HAPPENING NOW: Senate begins voting on #NSA reforming 'USA Freedom Act' http://t.co/qdJckFkoH6pic.twitter.com/JdDKilLRxh
— RT America (@RT_America) 2 Juin 2015
D’après des représentants du gouvernement, la possibilité offerte par l’article 215 a été utilisée presque 200 fois par an. D’autres dispositions obsolètes autorisaient le gouvernement à procéder à des écoutes de suspects qui changeaient d’appareils de communication ou à pister des soi-disant «loups solitaire», à savoir des ressortissants étrangers soupçonnés d’activités terroristes bien qu’ils n’entretiennent de liens avec aucune organisation connue.
La NSA a recouru aux dispositions de l’article 215 du Patriot Act comme base légale pour la collecte des relevés téléphoniques d’Américains qui n’étaient pas nécessairement sous surveillance officielle. On l’a utilisé aussi pour suivre des données financières ainsi que pour saisir les registres commerciaux d’entreprises privées sur Internet. L’ampleur du programme de surveillance a été révélée par le dénonciateur Edward Snowden il y a presque deux ans.
Le Sénat a voté à une majorité de 67 contre 32 en faveur du projet de loi, adoptant la même version du document que celle approuvée par la Chambre de représentants le mois passé à une majorité de 338 contre 88.
Freedom Act needed authorisation renewal by court every 90 days, but wasn’t renewed on May 22. @attackerman calls it a 'procedural defeat’.
— reported.ly (@reportedly) 25 Mai 2015
Cependant, le Freedom Act exige des opérateurs téléphoniques qu’ils maintiennent à jour des fadettes et autres relevés téléphoniques consultables par le gouvernement. La législation comprend aussi des dispositions préservant les «écoutes volantes» et la surveillance des «loups solitaires» à la demande du FBI et du département américain de la Justice.
«Cela constitue la seule voie possible pour avancer», a dit le leader de l'opposition républicaine au Sénat dimanche. McConnell s’était battu pour prolonger la durée de validité des dispositions du Patriot Act mais cette tentative avait été contrecarrée par le sénateur républicain Rand Paul en particulier.
Le Patriot Act, destiné à «unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme», avait été adopté en octobre 2001, six semaines après les attentats du 11 septembre.
La loi permettait aux agences américaines de renseignement de croiser et regrouper toutes les données résultant de collectes «en vrac» de différents renseignements jugés «pertinents» pour la sauvegarde de la sécurité nationale. Un rapport de l’inspecteur général du département américain de la Justice avait révélé en mai dernier que le FBI, dans ses enquêtes, n’avait obtenu «aucune avancée majeure résultant de l’utilisation des enregistrements obtenus à l’aide d’injonctions adressées en vertu des dispositions de l’article 215», rapport cité par le Groupe d’observation présidentielle sur les technologies de communication et de renseignement et le Conseil de surveillance sur la vie privée et les libertés civiles qui ont travaillé avec les membres du Congrès sur le projet de loi.
Pour les détracteurs du Patriot Act et notamment le sénateur républicain Rand Paul, les pouvoirs de surveillance accordés par la loi antiterroriste représentent une intrusion gouvernementale dans la vie privée des Américains ordinaires.
L’USA Freedom Act laissera aux entreprises la responsabilité de remplir les relevés téléphoniques. La NSA ou d’autres agences seront de formuler des requêtes spécifiques pour recevoir des métadonnées sur un individu supposément lié à un groupe terroriste ou aux intérêts d’un Etat étranger.
La nouvelle loi exige du gouvernement une grande transparence dans sa collecte de renseignements et permet aux entreprises de haute technologie d’être informées concernant la fréquence à laquelle elles sont soumises à des interceptions par des agences gouvernementales. Le projet offre aussi un accès accru aux avis des juges de la cour fédérale américaine créée par la loi «Foreign Intelligence Surveillance Amendments Act» de 2008 (FISA Amendments Act), qui instruit les affaires antiterroristes concernant des suspects étrangers.
Le texte a été introduit en 2013 après que le dénonciateur Edward Snowden a révélé un programme géant de collecte des métadonnées téléphoniques fondé sur l’article 215 du Patriot Act.
Reminder that Obama's #NSA review board found that Patriot Act's Sec 215 was "not essential to preventing attacks" pic.twitter.com/ZbgCvo3Sks
— Raf Sanchez (@rafsanchez) 1 Juin 2015
Beaucoup d’opposants au Patriot Act ont indiqué que l’USA Freedom Act n’est pas une remise en cause significative des capacités d’espionnage du gouvernement. Le républicain Justin Amash, autre critique influent du système de surveillance du gouvernement à la Chambre des représentants américaine, a qualifié le Freedom Act comme «un pas dans la mauvaise direction qui autorise des prélèvements d’informations spécifiques en violation du Quatrième Amendement à la Constitution des États-Unis d'Amérique».
D’autres ont souligné que l’USA Freedom Act ne modifierait pas d’autres pouvoirs de surveillance à la disposition du gouvernement. D’après Jennifer Granick, directeur des libertés publiques au Centre de l'Université de Stanford pour Internet et la Société, si le projet est adopté, «cela constituera le même espionnage en l’absence de tout soupçon jusqu’à ce que les dernières dispositions de super surveillance telles que l’article 702 du FISA Amendments Act prennent fin en 2017.
Edward Snowden a révélé que le gouvernement utilisait l’article 702 du FISA Amendments Act pour autoriser la surveillance numérique des étrangers, ce qui a conduit selon des experts de haute technologie à l’exploitation des faiblesses de systèmes de sécurité pour le compte du gouvernement et, en conséquence, à endommager secrètement des protocoles censés protéger l’activité en ligne.
«L’article 702 du FISA Amendments Act dissimule certaines opérations de surveillance massives de la pire espèce», a-t-il indiqué. «En d’autres termes, le gouvernement préfère ignorer le fait que le Quatrième Amendement interdit non seulement la perquisition sans mandat de dossiers privés, mais aussi leur saisie initiale. Je soupçonne que cela les hante non seulement eux, mais aussi chacun de nous».
Snowden a aussi mis en évidence l’ordre exécutif 12333, signé par le Président Ronald Reagan en 1981, qui exige des organismes gouvernementaux de se conformer aux demandes de données effectuées par la CIA. Il a dit que l'ordre, qui a servi à justifier la collecte de données non chiffrées, est un «squelette dans le placard», mais que le modifier ne sera pas une mince affaire «parce que la Maison blanche soutient que ces opérations sont tout simplement au-dessus de la loi et ne peuvent être réglementées par le Congrès ou les tribunaux».
Certains défenseurs des libertés civiles s’opposent au USA Freedom Act parce qu’il ne va pas assez loin dans l’infléchissement de la surveillance incontrôlée.
«Les concessions imposées dans l’USA Freedom Act en 2015 sont inacceptables», ont écrit quelques groupes de protection des dénonciateurs de la communauté du renseignement dans une lettre exigeant de voter contre ce projet de loi.
«Les changements discrets dans le cadre de ce projet feront échouer les tentatives de réformer la surveillance massive des Américains et des autres citoyens menée sur la base de l’article 702 du FISA Amendments Act de 2008 et de l’Ordre exécutif 12333. Etant donnée la détermination des agences de renseignement à repousser les tentatives du Congrès d’exercer un contrôle strict sur les programmes de surveillance en changeant les bases légales selon lesquelles elles opèrent, les changements discrets proposés ne représentent pas du tout une nouvelle réforme».