Un journaliste canadien mis sur écoute et suivi par la police
- Avec AFP
La police de Montréal, avec l'accord d'un juge, a mis un journaliste canadien sur écoute et a suivi tous ses déplacements grâce à la carte SIM de son téléphone portable afin d'identifier les sources qui pouvaient le renseigner au sein de la police.
Grâce à 24 mandats de surveillance émis depuis le début de l'année, la police a obtenu tous les numéros entrants et sortants du téléphone de Patrick Lagacé, journaliste au quotidien La Presse. La police a aussi eu accès aux messages SMS qu'il a reçus ou émis et a pu localiser le journaliste grâce à la puce de son téléphone, a indiqué le journal montréalais.
Cela «constitue une attaque sans équivoque contre l'institution qu'est La Presse et contre toute la profession journalistique», s'est emporté le directeur du journal, Eric Trottier.
«Au Canada, les corps de police semblent tout simplement faire fi des règles fondamentales de la protection du travail des journalistes», a-t-il ajouté en réclamant de mettre un terme à ce qui ressemblerait à une véritable chasse aux sources journalistiques.
Pr me plaidre de la police de l'affaire #PatrickLagace je peux tu juste laisser un message dans la boîte vocale de Patrick Lagacé?
— Martin Petit (@Lemicrodefeu) 31 octobre 2016
L'ancien responsable des affaires internes de la police de Montréal Costa Labos, muté depuis, a reconnu cette surveillance et le suivi du journaliste.
Sans «minimiser l'affaire», ce policier a justifié ces pratiques : «Je comprends que certaines personnes puissent avoir été offusquées ou dérangées par le fait que leur téléphone ait été [l'objet de surveillance], mais il faut faire notre travail», a-t-il déclaré à La Presse.
La police cherchait à savoir qui, en son sein, était en contact avec le journaliste et pouvait lui donner des informations sur des enquêtes en cours.
Grosse journée. Merci à tous ceux qui ont exprimé aujourd'hui leur dégoût face aux manoeuvres du @spvm contre la liberté d'informer.
— Patrick Lagacé (@kick1972) 1 novembre 2016
Vivement critiquée, la police de Montréal a justifié le 31 octobre sa procédure, tout comme la magistrature qui avait délivré les mandats nécessaires.
Sans être certain que des écoutes similaires n'aient pas été ou ne sont pas pratiquées sur d'autres journalistes, le chef de la police de Montréal, Philippe Pichet, s'est réfugié derrière son «obligation de faire respecter la loi».
L'enquête visait un policier soupçonné d'activité criminelle mais «ne visait nullement monsieur Lagacé», a-t-il déclaré.
La pratique des écoutes «n'est pas une règle générale mais c'est une situation très exceptionnelle et très sérieuse qui a été traitée avec des moyens exceptionnels», s'est-il défendu.
Côté magistrature, la cour du Québec a estimé dans un communiqué avoir donné le feu vert à ces écoutes en fonction des «règles de droit applicables». Les juges ont la compétence nécessaire «notamment en matière de perquisition visant les médias vu l'importance de la liberté de la presse».
Journaliste sous surveillance - « Ma colère est journalistique. Ma colère n’est pas personnelle. » - @kick1972https://t.co/CeYPbbP7oo
— Patrice Roy (@PatriceRoyTJ) 31 octobre 2016
Se disant «préoccupée», le ministre québécois de la Justice, Stéphanie Vallée a rappelé «l'importance de la liberté de la presse dans une société libre et démocratique».
Le maire de Montréal, Denis Coderre, responsable de la police de la ville, a défendu la liberté de la presse mais sans vouloir «s'immiscer dans les opérations policières» ni dans le travail d'enquête sur une affaire qu'il jugeait «inacceptable».
Are you a journalist? The police spying on you specifically to ID your sources isn't a hypothetical. This is today. https://t.co/6JtOIb7Q4npic.twitter.com/p4pURXH4nU
— Edward Snowden (@Snowden) 31 octobre 2016
«Etes-vous journaliste ? La police vous espionnant directement pour identifier vos sources, ce n'est pas qu'une hypothèse», a posté lundi sur son compte Twitter l'ancien consultant de la NSA et lanceur d'alerte Edward Snowden.