Achats d’armements à l’étranger : des centaines de millions de dollars «gaspillés» par Kiev, rapporte le FT

Selon une enquête du Financial Times publiée ce 16 mai, Kiev a versé ces trois dernières années 770 millions de dollars d’acompte à des intermédiaires étrangers, dans le cadre d'accords de fournitures d'armement et de munitions qui n’ont pour l’heure pas été honorés.
« Kiev a versé d'importantes sommes à l'avance à des entreprises peu connues pour du matériel qui, à ce jour, n'est jamais arrivé ». Dans une enquête publiée ce 16 mai, le Financial Times (FT) révèle « comment des centaines de millions de dollars » que Kiev a versés à des intermédiaires étrangers pour se fournir en équipements militaires « ont été gaspillés au cours des trois dernières années de guerre ».
Pour l’heure « l'Ukraine a versé 770 millions de dollars d'avance à des courtiers en armes étrangers pour des armes et des munitions non livrées » a rapporté le FT, évoquant des chiffres du ministère ukrainien de la Défense ainsi que des documents que le quotidien britannique a pu consulter.
En cause, d’après la même source : les abus de marchands d’armes « presque tous américains et européens » pour qui « le désespoir de l'Ukraine a été une opportunité ». « Au moins dix sources liées aux achats militaires ukrainiens ou aux marchands d'armes ont évoqué un quadruplement des prix des munitions de calibre soviétique au premier semestre 2022 » a poursuivi le FT.
Auprès du quotidien britannique, Denys Charapov, un ex-vice-ministre ukrainien de la Défense (limogé en septembre 2023), affirme avoir reçu « environ 25 000 offres » en dix-huit mois. « Je recevais des dizaines de propositions commerciales de personnes qui cherchaient à créer leur entreprise », a-t-il notamment déclaré au FT.
Ukrainiens et intermédiaires se renvoient la balle
Parmi ces prestataires pointés du doigts, le quotidien met en avant le cas de Tanner Cook, un trentenaire de l’Arizona qui a fondé en 2020 une « petite boutique de munitions » près de Tucson baptisée OTL Imports. Deux ans plus tard, il décroche un contrat de 49 millions d’euros pour fournir des munitions à l’armée ukrainienne et reçoit de Kiev un acompte de 17,1 millions d’euros. Selon la partie ukrainienne, aucune munition n’a depuis été livrée.
Le FT évoque également le cas d’achat par Ukrspetsexport – une société publique ukrainienne de commerce d'armes – de mortiers de 120mm, au Soudan, auprès de vendeurs qui s’avéreraient avoir des « liens étroits » avec le Service fédéral de sécurité (FSB) et la société militaire privée russe Wagner.
Dans le cas d'OTL Imports, les autorités ukrainiennes auraient « tenté de déterminer où avait fini l'argent versé » a rapporté le FT, avant d’ajouter qu’« aucune charge n’a été retenue contre Cook ou l’entreprise ». Des « dizaines de contrats d'armements font actuellement l'objet d'enquêtes », a également précisé le quotidien britannique, alors que d’autres seraient bloqués dans des procédures d’arbitrage « extrêmement lentes » à Londres et à Genève.
Si les autorités ukrainiennes tiennent pour responsables de ce fiasco des entreprises et intermédiaires étrangers, ces derniers pointent du doigt les « luttes intestines et la corruption » de responsables et de courtiers en armes ukrainiens, a relaté le FT. Avant d’évoquer les tentatives de Kiev de « faire le ménage », le quotidien souligne le cas de responsables en charge des achats d’armes qui ont été licenciés, « certains étant inculpés de corruption ».