Plus de 1 000 décès à La Mecque : en Tunisie, les autorités pointées du doigt
Les photos de dépouilles de pèlerins sur le bord de la route près du mont Arafat à La Mecque ont inondé la toile ces deux derniers jours. Au-delà de la chaleur extrême, un manque d'organisation a été pointé du doigt, notamment en Tunisie dont une trentaine de ressortissants sans autorisation adéquate sont morts durant leur pèlerinage.
La Mecque en Arabie Saoudite abrite chaque année l’un des plus grands rassemblements religieux au monde, le rituel du pèlerinage, dit Hajj en arabe. Ce devoir religieux, qui fait partie des cinq piliers de l'islam, a réuni 1,8 million de musulmans du 14 au 19 juin. Cependant, les fortes chaleurs ont créé le chaos sur les lieux.
En tout, 1081 fidèles, dont 658 Égyptiens, ont perdu la vie en raison des mouvements de foule et des températures extrêmes qui ont atteint les 52 degrés Celsius à La Mecque ces derniers jours. Selon les chiffres communiqués par Le Figaro, 240 personnes étaient décédées en 2023.
Un bilan qui pourrait s’alourdir. Sous couvert d’anonymat, un diplomate arabe a indiqué à l'AFP que les autorités égyptiennes et saoudiennes avaient été informées, jusqu'à présent, de «1 400 cas de pèlerins portés disparus». Cette même source a indiqué à l’agence de presse que parmi les Égyptiens décédés au cours de cette saison, 630 étaient dépourvus d'autorisation officielle pour le pèlerinage.
Dans le même contexte, la diplomatie tunisienne a signalé le décès de 35 pèlerins, dont cinq seulement arrivés par tirage au sort. Par voie de communiqué, le ministère tunisien des Affaires étrangères a précisé que les 30 personnes décédées étaient arrivées «avec un visa touristique ou de visite ou de Omra».
Le nouveau phénomène du Hajj parallèle
Les musulmans qui désirent accomplir le rituel d’El Hajj doivent s’inscrire au préalable dans une liste d’attente. Les autorités saoudiennes attribuent un quota bien précis à chaque pays musulman qui procède ensuite à un tirage au sort pour choisir les pèlerins qui partiront à La Mecque. Ceci dit, seuls les fidèles avec une autorisation de participation au Hajj de 2024 devaient être présents sur les lieux.
La mort des pèlerins tunisiens arrivés avec un visa touristique a semé le doute dans le pays maghrébin. Les médias locaux ont, par ailleurs, évoqué le pèlerinage parallèle et plusieurs citoyens ont tenu les agences de voyage pour responsables.
Lors d'une intervention sur les ondes de la radio tunisienne Express FM, le 19 juin, un membre du bureau de la Fédération tunisienne des agences de voyages et de tourisme (FTAV), Sami Ben Saidane, a pointé du doigt l’existence d’un processus irrégulier de pèlerinage. Celui-ci a précisé que des spéculateurs achetaient des billets non pas en groupe mais par «lots de quatre ou cinq, en changeant, à chaque fois, d’agence de voyage».
L’intervenant a appelé les autorités tunisiennes à réagir en affirmant que ces spéculateurs étaient connus dans la mesure où ils publiaient des annonces sur le réseau Facebook. Autorités tunisiennes qui, selon ses dires, seraient opposés à l'augmentation du quota de pèlerins tunisiens afin de «garder le monopole» sur ce secteur.
Une fois arrivés à La Mecque avec un visa qui ne leur permettait pas d'aller dans les lieux saints et le périmètre sacré, les pèlerins «arnaqués» non accompagnés se sont retrouvés seuls, ce qui a conduit à l’augmentation du nombre d'individus portés disparus.
On a «porté atteinte» aux pèlerins, accuse l'un d'eux
Ironie du sort, même les Tunisiens accompagnés ont été abandonnés. D’après le témoignage d’un pèlerin natif du gouvernorat de Gafsa, les accompagnateurs «ont abandonné les pèlerins pour effectuer eux-mêmes les rituels».
À l’antenne de la radio IFM, ce témoin a déploré «le manque d’organisation» de la délégation tunisienne officielle dont il faisait partie. «Si je l’avais su, je ne me serais pas rendu à La Mecque», a-t-il confié. Il a également estimé qu’on avait «porté atteinte» aux pèlerins, affirmant que les Tunisiens ne recevaient qu’un seul repas par jour. Cette source a également accusé Ibrahim Chaïbi, ministre des Affaires religieuses, qui a participé aux rituels du pèlerinage de La Mecque, de ne pas être venu au chevet des malades et des personnes en détresse.
Ministre qui, malgré l'annonce de la mort de 35 de ses compatriotes à La Mecque, a reçu le 19 juin le prix saoudien de l’excellence pour services aux pèlerins.
Le département tunisien des Affaires religieuses a en effet annoncé qu’un prix avait été décerné au bureau des Affaires des pèlerins de la République tunisienne.
Ce prix a été remis par le ministre saoudien du Hajj et de la Omra, Taoufik Rabia, au ministre tunisien Ibrahim Chaïbi lors de la cérémonie de clôture du rite du Hajj afin de célébrer «le succès de la saison» et les missions distinguées». Les frais du pèlerinage cette année ont été fixés à 19 970 dinars (6 000 euros).