Allemagne : en colère, les agriculteurs se mobilisent contre le gouvernement Scholz
- Avec AFP
Des agriculteurs allemands en colère contre des réductions d'avantages fiscaux pour leur profession ont bloqué ce 8 janvier de nombreuses routes à travers le pays, donnant le coup d'envoi d'une série de grèves et de mobilisations redoutées par le gouvernement d'Olaf Scholz.
Les actions à l'appel de l'Union des agriculteurs allemands (DBV) sont généralisées dans et autour des grandes villes allemandes au premier jour d'un mouvement social qui doit se poursuivre jusqu'au 15 janvier.
Les autorités du pays ont signalé de fortes perturbations du trafic en matinée dans presque toutes les régions allemandes, du Bade-Wurtemberg et la Bavière au sud, en passant par le land le plus peuplé d'Allemagne, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, jusqu'au nord du pays.
Des embouteillages de camions ont également été observés à la frontière entre l'Allemagne, la Pologne, la République tchèque et la France.
De bruyants convois de tracteurs sont notamment entrés dans les métropoles de Munich au sud, Hambourg et Brême au nord, ou Cologne à l'ouest, paralysant en partie le trafic.
À Berlin, plus de 500 engins agricoles ont pris position au cœur de la capitale, près de la porte de Brandebourg, selon la police.
«Nous ne gagnons tout simplement pas assez d'argent avec nos produits et nous travaillons 365 jours par an», confie à l'AFP Jenny Zerbin, 34 ans, productrice de produits laitiers dans la région voisine de Berlin venue protester dans la capitale.
C’est parti en Allemagne pour les agriculteurs et ça a pas l’air de rigoler… #Allemagne#agriculteurs#berlin#manifestationpic.twitter.com/enT7qKyJI3
— Nicolas Vidal (@nicolasputsch) January 8, 2024
«Colère pure»
L'ire des agriculteurs s'était enflammée en décembre, à la suite de la décision du gouvernement de réduire des subventions au secteur en raison d'un rappel à l'ordre des juges constitutionnels portant sur les strictes règles budgétaires de l'Allemagne.
Sebastian Schumann, 33 ans, déclare avoir ressenti «une colère pure». «Il faut bien voir un peu plus loin que le bout de son nez. Quelles sont les conséquences ? Les prix des aliments augmentent, tout devient plus cher», affirme ce travailleur agricole de l'ouest.
Dans une Allemagne menacée par la récession en raison des difficultés du secteur industriel, plombé par les coûts de l'énergie, les mesures d'économie auxquelles est contraint le gouvernement passent mal.
Aux perturbations causées par les agriculteurs vont s'ajouter le 10 janvier trois jours de grève nationale des transports ferroviaires à l'appel d'un syndicat de cheminots qui juge insuffisantes les propositions de l'opérateur public Deutsche Bahn sur les salaires et les horaires de travail.
Confronté à une impopularité record, le gouvernement, qui réunit les sociaux-démocrates de Scholz, les Verts et les libéraux a tenté d’adoucir la semaine dernière ses projets pour le secteur agricole : l'avantage fiscal accordé sur les quantités de gazole consommées sera supprimé progressivement jusqu'en 2026 et non d'un coup. De plus, l'avantage en matière de taxe sur les véhicules pour la sylviculture et l'agriculture sera maintenu. Mais le compromis est jugé insuffisant par la profession, dont l'action est soutenue par l'opposition conservatrice.
🚨 (Vidéo) Manifestations massives d’agriculteurs en Allemagne : suivez la situation en direct en vidéo ! https://t.co/72Vzx9mGlF#agriculteurs#berlin#Allemagne#manifestationpic.twitter.com/40xfyW6ns2
— Nicolas Vidal (@nicolasputsch) January 8, 2024
Le gouvernement veut un «secteur agricole compétitif»
Le ministre des Finances Christian Lindner estime «disproportionnées» les protestations d'un secteur qu'il juge par ailleurs déjà «hautement subventionné».
«Nous exerçons notre droit fondamental d'informer la société et la classe politique que l'Allemagne a besoin d'un secteur agricole compétitif», a répliqué Joachim Rukwied, président du DBV, au magazine Stern.
«Si les agriculteurs meurent, le pays meurt» ; «Nous ne nous battons pas pour la semaine de quatre jours ou deux euros de plus : nous luttons pour notre existence» ; «Sans nous, les assiettes restent vides», pouvait-on lire sur les pancartes des manifestants à Berlin.
La ministre de l'Intérieur Nancy Faeser (social-démocrate) a soulevé l’épouvantail de l’extrême-droite : «Nous devons partir du principe que les extrémistes de droite infiltrent les manifestations» afin «de s'en prendre à l'État et de diffamer certains responsables politiques», a-t-elle estimé auprès du journal Rheinische Post.
Le 4 janvier au soir, une trentaine d'agriculteurs échauffés s'en étaient pris au ministre de l’Économie Robert Habeck (Verts), empêchant le ferry où il se trouvait d'accoster alors qu'il revenait de congés sur Hallig Hooge, une île en mer du Nord. L'incident avait choqué une partie de la classe politique et avait été condamné aussi par l'Union des agriculteurs.