Un ministre burkinabé fustige l’interdiction des médias russes dans l’UE

Un ministre burkinabé fustige l’interdiction des médias russes dans l’UE Source: AFP
Le ministre burkinabé de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, Jean Emmanuel Ouédraogo, le 2 mars 2023 (photo d'illustration).
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Dans une interview accordée à Sputnik Afrique, le ministre burkinabé de la Communication et de la Culture a condamné l’interdiction décrétée par Bruxelles à l’encontre de plusieurs médias russes, dont RT et Sputnik. Il a regretté «une seule manière de voir le monde».

«Ce sont des suspensions de médias qui ont été faites au mépris de toutes les règles, même les plus élémentaires, en matière de liberté d'expression», a déclaré Jean Emmanuel Ouédraogo à Sputnik Afrique, lors du Forum international de la culture à Saint-Pétersbourg. «Nous avons vu en cela, bien sûr, la volonté de faire en sorte qu'il y ait une seule manière de voir le monde qui soit diffusée et que toute voix dissonante n'ait pas droit de cité», a poursuivi le ministre burkinabé de la Communication et de la Culture dans cette interview publiée ce 16 novembre.

Fin février 2022, dans la foulée du déclenchement de l’opération russe en Ukraine, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait annoncé que les médias publics RT et Sputnik «et leurs filiales» allaient être «interdits» de diffusion au sein de l’Union, afin d’«interdire leur désinformation toxique et nuisible en Europe». Quelques jours plus tard, le Conseil de l’Union européenne concrétisait cette suspension «d’urgence», accusant RT et Sputnik de faire la «propagande» des autorités russes.

Une première, dans la mesure où ces médias n’avaient pas violé de règle de diffusion. Quelques mois plus tard, Bruxelles enfonçait le clou en suspendant les licences de diffusion de quatre chaînes russes supplémentaires, tant publiques que privées.

«Il n'y a pas de loyauté d'expression» dans une telle démarche européenne, estime Jean Emmanuel Ouédraogo, mais «une volonté de faire de la propagande», qui plus est provenant de pays qui «se présentent comme les grands défenseurs des droits de l'homme».

Un ciblage à l’encontre des médias russes que les Européens n’entendent d'ailleurs pas limiter à leurs actuelles frontières. Adoptée en mai 2023 au Parlement européen, une résolution a condamné l'ouverture d'un bureau de RT en Serbie. Une voie que semble avoir empruntée la Moldavie, également pays candidat à l’intégration européenne, qui depuis un an a suspendu la diffusion de dizaines de médias russophones.

«Une volonté de faire de la propagande»

La France, qui avait totalement soutenu les mesures visant les médias russes, s’est offusquée quelques mois plus tard, lorsque Ouagadougou a suspendu RFI en décembre 2022 puis France 24 en mars 2023, à la suite du décryptage d’une interview du chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). La Burkina Faso avait accusé la chaîne d’avoir offert «un espace de légitimation» au chef de cette organisation terroriste semant le chaos dans ce pays.

Le Quai d'Orsay avait dit «regrette[r]» cette décision, affirmant sans scrupules «son engagement constant et déterminé en faveur de la liberté de la presse, de la liberté d'expression et de la protection des journalistes et de tous ceux dont l'expression concourt à une information libre et plurielle et au débat public, partout dans le monde». 

«Eux aussi, ils ont fermé des médias»

Auprès de Sputnik, Jean Emmanuel Ouédraogo dénonce ces médias français qui ont «donné la parole à des groupes terroristes qui tuent au Burkina». Selon son communiqué de l’époque, en relayant ce message, RFI avait «contribué à une manœuvre» de ces groupes qui aurait visé à «dissuader des milliers de burkinabés mobilisés pour la défense de la patrie».

Un reproche, similaire, qu’a plus récemment fait à LCI le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina Faso. Fin juin, le régulateur burkinabé des médias avait suspendu pour trois mois la diffusion de cette chaîne privée française, en raison d’une analyse alarmiste sur la situation sécuritaire dans le pays. Analyse «ne reposant sur aucune preuve concrète» selon le CSC, qui avait fustigé «de simples supputations et des insinuations malveillantes de nature, d'une part, à démoraliser les volontaires pour la défense de la patrie (VDP) […] et d'autre part à renforcer la psychose au sein des populations face à la crise sécuritaire».

«Des médias qui cherchent à confronter le peuple, à attiser la guerre, on ne va pas s'entendre avec eux», avait déclaré à Sputnik en juillet Ibrahim Traoré, président de la transition burkinabé, concernant les réactions de Paris aux suspensions de France 24 et RFI. «Eux aussi, ils ont fermé des médias», avait-il insisté.

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