«C’est une très mauvaise évolution» : inquiétudes après l’accord à Bruxelles sur l’identité numérique

«C’est une très mauvaise évolution» : inquiétudes après l’accord à Bruxelles sur l’identité numérique© François WALSCHAERTS Source: AFP
Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur, de la politique industrielle, du tourisme, du numérique, de l'audiovisuel, de la défense et de l'espace, le 16 septembre 2021 (photo d'illustration).
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Le Conseil de l’UE et le Parlement européen ont annoncé le 8 novembre avoir conclu un accord provisoire sur l‘identité numérique européenne. Un développement qui suscite des inquiétudes, en particulier en ce qui concerne la protection de la vie privée.

Les Français se connecteront-ils bientôt à Booking.com et au service des impôts avec le même identifiant ? Oui, à en croire l’accord final conclu le 8 novembre sur le portefeuille européen d’identité numérique par le Parlement européen et le Conseil de l'UE. «Un pas de géant et une première mondiale», s’est réjoui en anglais sur X (anciennement Twitter) le commissaire européen au Numérique, Thierry Breton, soulignant que dorénavant tous les Européens «pourront disposer d’une identité électronique sécurisée à vie».

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Cet accord passé sous les radars médiatiques, qui doit encore faire l'objet d'une adoption formelle par le Parlement européen et par le Conseil, ne fait pas l’unanimité. «Quel citoyen sur terre a demandé une telle "identité numérique européenne"?», réagit sur le réseau social l’eurodéputé Michiel Hoogeveen.  «La Seconde Chambre des Etats généraux a même voté contre», poursuit-il.

«C’est un pass sanitaire avec toutes nos données»

En France, toute aussi rares sont les réactions politiques. Florian Philippot a dénoncé sur X un «outil de crédit social», en référence au système de notation des entreprises et citoyens ou résidents chinois mis en place par Pékin, lui-même en partie inspiré du «Credit score» américain. Il s’agit d’une «affaire extrêmement sérieuse et dangereuse», estime le président des Patriotes. «Vols, fraudes, fin de la vie privée, de l’anonymat, croisement des infos sur vous», développe-t-il.

Même son de cloche du côté du député Nicolas Dupont-Aignan. «C’est un pass sanitaire avec toutes nos données (médicales, permis, passeport…) qui permettra à l’UE d’instaurer un crédit social !», lance le président de Debout la France, estimant qu’«il y a urgence à se mobiliser contre cette folie, après, il sera trop tard !»

Pour l’heure, cette identité numérique européenne s’adosse à la reconnaissance dans toute l’Union des identifications numériques nationales, telles que France identité dans le cas des Français. Ce «portefeuille» est ainsi présenté comme une alternative aux solutions d’identification des géants d’internet (Google, Apple, Meta, etc.) en permettant à ses utilisateurs d'effectuer des démarches administratives et commerciales en ligne grâce à diverses informations sensibles stockées en ligne. Un élément qui, aux yeux des détracteurs du dispositif, indique qu’il ne se limitera pas à être un simple passeport sur la toile.

Craintes d'une dérive vers un «crédit social» européen

«Immédiatement après cet accord, le commissaire Breton a déclaré : "Maintenant que nous avons un portefeuille d'identité numérique, nous devons y mettre quelque chose..."», relate sur X l’eurodéputé néerlandais Robert Roos, déclarant avoir assisté à la réunion où a été trouvé l’accord provisoire. «Ce qu’il voulait dire, c’est l’euro numérique», ajoute ce vice-président du groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE). Avant de poursuivre : «C’est une très mauvaise évolution, ils nous promettent toujours de ne pas faire ce lien.»

Ces inquiétudes ne se limitent pas qu’à un cercle restreint d’eurodéputés. «Pouvez-vous imaginer que sur cette carte d'identité il n'y aura pas seulement votre date de naissance, votre sexe, la couleur de vos yeux, votre taille, votre poids approximatif, mais aussi votre statut vaccinal, votre situation financière et Dieu sait quoi d'autre», avait déclaré le 11 septembre sur Fox News Nigel Farage, l’ancien chef du Parti du Brexit, «Pouvez-vous imaginer que ces données tombent entre les mains de mauvais acteurs ?», poursuit l’homme politique.

L’ancien eurodéputé réagissait au plaidoyer d’Ursula von der Leyen en faveur de la mise en place d’une identité numérique au-delà des frontières de l’UE. «Nous devrions établir un cadre pour une IA sûre et responsable, avec un organisme similaire au GIEC pour le climat», avait affirmé le 10 septembre sur X la patronne de la Commission européenne, résumant l’un de ses messages au G20 réuni à New Delhi.

«A moins de suivre les idées du jour, vous devenez une non-personne»

Selon Nigel Farage, le recours à une telle mesure n’est «qu’une question de contrôle», surtout si elle est instaurée en Europe avec une monnaie digitale centralisée «dans une société sans cash». «Je parle comme quelqu’un qui a récemment été débancarisé en raison de ses opinions politiques», insiste-t-il. Avant de mettre en garde : «Si nous n’y prêtons pas attention, nous nous dirigeons vers un système de crédit social à la chinoise, dans lequel, à moins de suivre les idées du jour, vous devenez une non-personne.»

Implémenter un «crédit social» en Europe ? «Vous ne pouvez pas le faire du jour au lendemain», mettait en garde, début 2022, Cristian Theres. Dans une interview accordée au média suédois News Voice, cet eurodéputé roumain également rapporteur sur ce projet, expliquait que pour être accepté par les peuples, un système de crédit social devait s’effectuer progressivement.

Selon lui, «le premier pas» fut la création du pass sanitaire, obligatoire lors de la crise du Covid-19 pour se déplacer au sein de l’UE et qui a créé «la technologie et le cadre pour un tel système». «Le second pas, c'est le portefeuille européen, et l'identité numérique digitale. Cela suit le même modèle qu'en Chine», poursuit-il. «Ils veulent attribuer un lien alphanumérique à chaque citoyen de l'UE, que ces derniers garderont toute leur vie et qui sera leur identification unique», affirmait-il, estimant qu’une application concrète d’un tel mécanisme pourrait être d’indiquer à l’avenir l'empreinte carbone des produits achetés par chaque Européen à l’heure où Bruxelles planche sur une réduction de l’empreinte carbone de l’Union d’ici 2030.

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